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Définir des zones supraconductrices dans une feuille de métal

On le sait, à des températures très basses, certains matériaux ont la capacité de devenir « supraconducteurs ». C’est-à-dire qu’ils peuvent transporter des électrons sans aucune résistance. La supraconductivité fascine les chercheurs depuis de nombreuses années. Cette propriété unique est déjà utilisée dans de nombreuses applications, notamment dans les hôpitaux, pour faire de l’Imagerie par résonance magnétique (IRM). Mais dans le futur, elle pourrait faire naître de nouvelles technologies. Ces technologies exploiteront le comportement synchronisé des électrons que l’on observe dans les matériaux supraconducteurs, et qui est appelé la phase.

A l’échelle mondiale, la compétition est lancée pour fabriquer le premier ordinateur quantique, qui pourra utiliser ces phases pour réaliser ses calculs. Or les supraconducteurs conventionnels sont pour l’heure difficiles à contrôler. L’un des challenges consiste à trouver de nouveaux matériaux dans lesquels l’état de supraconductivité pourra être facilement manipulé.

A l’EPFL, les chercheurs dirigés par Philip Moll à la faculté des Sciences et Techniques de l'Ingénieur, s’intéressent à des supraconducteurs non-conventionnels particuliers appelés les matériaux à fermions lourds. Dans le cadre d’une recherche internationale entre l’EPFL, l’institut Max-Planck for Chemical Physics of Solids, le Los Alamos National Laboratory et l’Université Cornell, ils ont fait une étonnante découverte concernant l’un d’entre eux, appelé CeIrIn5.

Le CeIrIn5 se transforme en supraconducteur à une température de 0,4°C au-dessus du zéro absolu (environ -273°C). En collaboration avec Katja C. Nowack, de l’Université de Cornell, Les chercheurs ont démontré que l’on pouvait fabriquer ce matériau de manière à ce que coexistent des zones supraconductrices, et d’autres qui demeurent dans un état métallique normal. Mieux encore, ils ont établi un modèle qui permet de « dessiner » des motifs conducteurs complexes, mais aussi de contrôler leur diffusion dans le matériau de façon très précise, en faisant varier la température.

Pour réaliser cette prouesse, les scientifiques de l’EPFL fabriquent de très fines tranches de CeIrIn5 – environ un millième de mm d’épaisseur – qu’ils collent sur un substrat de saphir. Lors du refroidissement, le matériau se contracte fortement, mais le saphir reste pratiquement intact. Cette interaction induit des tensions sur le matériau - un peu comme si on le tirait dans toutes les directions - et provoque une légère déformation des liaisons atomiques. Dans le CeIrIn5, la supraconductivité est étonnamment sensible à la configuration exacte des atomes.

Ainsi, pour fabriquer des motifs complexes de supraconductivité, il suffit de générer une distorsion spécifique. « Cette nouvelle approche nous permet de « dessiner » des circuits supraconducteurs dans une simple barre de cristal, ce qui ouvre la porte à la conception de nouvelles technologies quantiques », explique Philip Moll. Cette découverte représente un grand pas en avant dans le contrôle du phénomène de la supraconductivité dans les matériaux à fermions lourds. Mais pas seulement. Suite à cette recherche, un post-doctorant a commencé à étudier les pistes possibles pour des applications futures en technologie.

« Nous pourrions notamment utiliser un microactuateur pour modifier les distorsions du matériau, et ainsi changer les régions de supraconductivité », évoque Philip Moll. « La capacité de pouvoir isoler et connecter les zones supraconductrices sur une puce pourrait également faire office de switch pour les technologies quantiques du futur. Un peu à l’image des transistors de l’informatique actuelle ».

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

EPFL

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