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Edito : La voiture électrique de nouvelle génération sera-t-elle enfin un succès commercial ?

En France, le secteur des transports routiers a émis près de 140 millions de tonnes de CO2, soit 20 % de plus qu'en 1990 : avec près d'un quart des émissions, c'est le premier contributeur en CO2 du pays, devant le résidentiel-tertiaire (23 %). La voiture particulière génère à elle seule près de la moitié des émissions dues aux transports routiers et représente au final 13,3 % des rejets de CO2. De plus, l'automobile reste la première source de pollution dans les grandes villes et participe ainsi au développement de maladies comme l'asthme et les bronchites chroniques, notamment chez les plus fragiles.

Convaincre les automobilistes d'abandonner la voiture à essence tout en diminuant l'impact sur l'environnement de l'automobile, c'est le pari d'une nouvelle voiture entièrement électrique, la "BlueCar" qui vient d'obtenir son homologation pour sillonner les routes françaises et qui devrait être commercialisée en 2009 aux alentours de 15 000 ?. Sur tous les véhicules électriques autonomes, le point faible demeure la batterie : coûteuse, lourde, volumineuse, de faible autonomie et faible puissance.

La batterie qui équipe la BlueCar a été développée par Batscap, filiale du groupe Bolloré et d'EDF. Fort d'une équipe d'une centaine de chercheurs, ingénieurs et techniciens et bénéficiant d'équipements de recherche et de production considérables, BatScap a, au terme de plus de douze années de travaux, mis au point une batterie basée sur la technologie Lithium-Métal-Polymère (LMP). De conception inédite, cette batterie, cinq fois plus légère que les batteries au plomb, présente des qualités uniques de légèreté, de compacité et de sécurité : sa durée de vie est de 10 ans ; elle se recharge en seulement quatre heures et assure à la BlueCar une autonomie de 250 km et une vitesse de pointe de 130 km/h ! A comparer avec les modèles actuels qui proposent moins de 100 km d'autonomie pour une vitesse de pointe inférieure à 100 km/h.

Cette voiture, conçue pour un usage urbain, peut accueillir 5 passagers dont, ce qui n'est pas commun, trois à l'avant et deux à l'arrière avec possibilité de coucher les sièges arrière pour donner plus de volume au coffre.

Le coût d'utilisation est réduit puisqu'il faudra débourser, via le secteur, un euro pour 100 km de route contre environ 10 euros actuellement pour les voitures à essence. Son faible gabarit (3,30 m de long) donne la possibilité de trouver des places de stationnement plus facilement en plus de celles gratuites et réservées aux voitures électriques dans de nombreux parkings.

Reste à voir si cette voiture électrique très performante mais relativement chère et résolument urbaine trouvera son marché et séduira suffisamment d'automobilistes pour devenir un succès commercial et rendre enfin crédible auprès du grand public le concept de « véhicule propre ».

Un rapide calcul montre que cette voiture permet, sur les 10 années de sa durée de vie de réaliser environ 10 000 euros d'économie en carburant (pour un kilométrage moyen annuel de 11 000 km et en prenant comme base 1,40 euro le litre de super), ce qui représente les deux tiers de la valeur d'achat de la voiture. en outre, la Bluecar permet d'économiser 15 tonnes de CO2 en 10 ans. 300 000 (soit environ 1 % de notre parc automobile) de ces voitures électriques permettraient donc, en théorie, d'économiser environ 4 millions de tonnes de CO2 par an, soir approximativement 1 % des émissions annuelles de CO2 de la France (417 millions de tonnes en 2005).

Dans la réalité, les choses sont plus compliquées car l'électricité produite en France n'est pas totalement non émettrice de CO2 mais le bénéfice pour l'environnement serait tout de même très sensible. Néanmoins, seul un puissant dispositif d'incitation fiscal, permettant de compenser la différence de prix de vente entre ce type de véhicule et une voiture à essence de catégorie équivalente, pourrait permettre à cette nouvelle génération de voiture électrique d'être achetée en masse par le grand public. Il faut donc souhaiter que l'Etat, dans la lancée du "Grenelle" de l'environnement, propose un tel dispositif et soit capable de raisonner à long terme et de prendre en compte l'ensemble des bénéfices pour la collectivité qu'entraîne le remplacement des voitures thermiques par ces voitures électriques.

Cette nouvelle génération de véhicules électrique très performants pourrait aussi être proposée à la location en libre service, dans le cadre d'une utilisation urbaine, par les grandes villes afin de permettre une véritable alternative à la voiture thermique. Là aussi, le volontarisme politique sera nécessaire pour convaincre les citadins d'utiliser en location ce type de véhicule en centre-ville plutôt que prendre leur voiture classique. on peut même aller plus loin et imaginer que, dans certains secteurs urbains, à certaines heures ou en cas de pics de pollution, seuls les véhicules électriques ou hybrides soient autorisés à circuler de manière à réduire la pollution et les émissions de CO2.

Enfin, les exemples étrangers montrent que seules des législations assorties d'objectifs contraignants dans le temps et complétées de dispositifs fiscaux incitatifs peuvent permettre un véritable décollage des véhicules propres à une échéance raisonnable. Cette nouvelle génération de voitures électriques et hybrides rechargeables constitue une solution de transition indispensable en attendant que les voitures utilisant de l'hydrogène (d'abord indirectement, via un reformeur puis à plus long terme par la mise en place d'une infrastructure de distribution) puissent être produites en masse à un prix compétitif et acceptable par le consommateur, ce qui ne sera pas le cas avant au moins 2025 ou 2030 tant les défis industriels et techniques à surmonter restent considérables.

Il reste qu'un développement rapide et massif de notre parc de véhicules électriques ne peut être envisagé que si l'augmentation correspondante de notre production électrique est assurée par des technologies elles mêmes non émettrices de CO2, éolien, solaire, biomasse ou nucléaire. Enfin, il ne sert à rien d'utiliser des véhicules plus propres si, dans le même temps, on ne lutte pas contre l'étalement urbain et si on ne diminue pas "à la source" la demande de transport individuel en réorganisant le travail et les activités économiques. On voit donc à quel point urbanisme, transports, énergie et économie sont intimement liés et interdépendants. La technologie seule ne suffira pas à relever le défi majeur du réchauffement climatique mais elle peut y contribuer et il appartient aux pouvoirs publics et aux collectivités locales de tout mettre en oeuvre pour promouvoir l'utilisation par un large public de la voiture électrique de nouvelle génération.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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