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Un ver marin qui pourrait révolutionner le monde des greffes d’organes

C'est un ver vieux de 400 millions d’années et il va peut-être bouleverser les greffes d'organes. Le biologiste français Frank Zal, qui essaye de comprendre l’adaptation des espèces dans leur milieu naturel, s'est intéressé à un ver marin, baptisé Arenicola marina. Il a voulu comprendre comment il arrive à respirer dans l’eau et dans l’air. « Je me suis focalisé sur le sang de cet animal et, en fait, chez ce ver, j’ai trouvé l’ancêtre de nos globules rouges. C’est une hémoglobine extracellulaire qui n’a pas de globules rouges, pas de typage sanguin, ce qui permet à l’arénicole d’arrêter de respirer quand il est à marée basse et vivre sur son stock d’oxygène quand il est sous l’eau. Nous avons démontré que cette molécule était capable de délivrer de l’oxygène dans un tas de pathologies où l’on a besoin d’oxygène, sur la greffe d’organes, les maladies parodontales, la cicatrisation, la transfusion sanguine. En fait, cette molécule va répondre à énormément de pathologies dans le domaine médical », explique le biologiste.

Le ver peut transporter 40 à 50 fois plus de molécules d’oxygène. Autre caractéristique, l’hémoglobine est de petite taille, soit 250 fois plus petite que les globules rouges. En cas de blocage par les globules rouges, elle peut facilement se faufiler pour se rendre directement au greffon. Le greffon baigné dans cette hémoglobine naturelle maximiserait ses capacités de non-rejet. Fort du résultat de ses recherches, le docteur Zal, comme on le surnomme en France, va être convoqué par le club des globules rouges à Paris. Un rassemblement des plus grands experts français.

Au lieu d’aller chercher ses vers sur la plage pour mener ses travaux, le biologiste crée en 2018 sa propre ferme d’élevage de vers arénicoles. Treize hectares au milieu des marais salants de Noirmoutier, en Bretagne. Sa capacité de production est estimée aujourd’hui à 30 tonnes de vers marins par an. La première utilisation sera appliquée à la conservation d’organes. Quand on va faire une transplantation, il faut d’abord prélever un greffon chez un donneur, ensuite, vous allez le conserver dans un liquide de conservation. Et cette période-là, entre le moment où le greffon est prélevé et le moment où il va être greffé, est fondamentale.

Pourquoi ? Parce qu’il ne reçoit plus de sang, il ne reçoit plus d’oxygène. Et donc, cette molécule, ce transporteur d’oxygène, tout naturellement, on a pensé la mettre dans le liquide de conservation, pour que, tout le temps de la conservation, passivement, elle libère de l’oxygène dans le milieu pour que l’organe puisse récupérer de l’oxygène, et on espère pouvoir préserver cet organe. Ce manque d’oxygène est responsable de lésions au sein du greffon. Ce qui va avoir des conséquences une fois que l’on va greffer l’organe. « La molécule marine va donc permettre de conserver le greffon plus longtemps et le maintenir dans un état de conservation optimal », comme l’explique le professeur Le Meur.

« Ce gain en temps sera bénéfique pour les équipes médicales qui auront à transplanter des organes fragiles comme le cœur et le poumon », précise le professeur Le Meur. Transporter un organe est une véritable course contre la montre. Chaque seconde compte. Là encore, l’hémoglobine marine est incroyablement efficace, car elle permet au greffon d’être maintenu plus longtemps en vie. Quand on sait que plus de 20 % des greffons meurent, c’est un extraordinaire progrès pour les malades en attente d’une greffe. Le néphrologue français pense que c’est là que se jouera l’avenir de la greffe.

Plus vous laissez l’organe dans le conteneur, plus il va prendre du temps à redémarrer. Donc, utiliser un transporteur d’oxygène va aider le greffon à redémarrer. On sait qu’il y a un rapport entre la bonne conservation initiale et la survie à long terme du greffon. Avec cette découverte, on peut maintenant imaginer de nombreuses applications, comme la préservation du greffon, la régénération osseuse ou, pourquoi pas, un sang universel. « Quand on sait qu’il manque aujourd’hui 100 millions de litres de sang tous les ans pour satisfaire la population mondiale, on peut parler d’une avancée majeure et même de révolution », comme l’explique le professeur Yannick Le Meur.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Radio Canada

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