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Edito : Transports urbains du futur : vers la fin des grandes infrastructures

Dans moins de 20 ans, les modes de déplacement des habitants de nos grandes villes se seront profondément modifiés. La pollution liée au rejet des moteurs thermiques dans les grandes cités et la demande de plus en plus pressante des populations va obliger les Pouvoirs Publics à prendre la décision, dans des délais qui sont maintenant très courts, d'interdire la circulation dans nos villes à partir de l'an 2015 (2010 ?) au plus tard de tous les véhicules utilisant des moteurs à essence ou au gas-oil.

Cette décision maintenant inéluctable va avoir de profondes répercussions sur l'ensemble des déplacements urbains. Ainsi, non seulement nos berlines actuelles fonctionnant uniquement au sans plomb ou diesel auront disparu mais même les bus crachant leurs volutes noires sur les piétons auront dû s'effacer. Tout laisse également à penser que les moyens collectifs de surface (trolleybus, bus électriques ou au gaz et même tramways) auront, en 2020, laissé leur place (précieuse) dans nos rues, qui auront été reconquises par les végétaux et les piétons, à des trains de petits modules de 4 à 6 places, propulsés par des moteurs électriques dans un premier temps qui, eux-mêmes laisseront place à des moteurs à hydrogène, dont les seuls rejets seront de l'eau.

La grande modification à laquelle se préparent tous les grands constructeurs automobiles mondiaux actuellement est qu'il n'y aura plus de différence, en 2020, entre le module public et le module privé de déplacement en ville. Ce module, qui sera l'héritier, profondément modifié de nos " Clio " ou " 306 " actuelles ou plutôt de nos " Scenic ", ne sera plus conduit pas son propriétaire dans l'aire urbaine. Il sera géré par des systèmes automatiques qui guideront aussi bien les modules publics que les modules privés. Ainsi, ces véhicules se mettront automatiquement " en train " à quelques dizaines de centimètres les uns derrière les autres. Si votre module est privé, ce qui ne veut pas dire que vous en serez propriétaire car cela deviendra de plus en plus rare puisque les grands constructeurs automobiles se seront alors tournés vers les services, vous pourrez, à bord de ce module encore propulsé par un moteur thermique comme aujourd'hui, circuler sur les routes nationales, départementales et communales.

La profonde modification qui se sera alors développée depuis le début du 21e siècle résidera dans l'intime interconnexion de votre véhicule aux réseaux de télécommunications et aux satellites de positionnement. Cela aura permis d'améliorer très sensiblement la sécurité (systèmes anti-collision, système d'assistance à la conduite, systèmes de vigilance) mais permettra aussi le développement du système de navigation. Enfin, le vol des véhicules devrait être impossible et cette mise en réseau rendra plus efficace la mise en oeuvre de secours en cas d'accidents (devenus heureusement beaucoup plus rares).

Dès que vous entrerez dans l'aire urbaine et franchirez les enceintes virtuelles du futur, les systèmes de communication vous avertiront oralement que le moteur thermique va s'arrêter et que le relais sera pris automatiquement par le moteur électrique et ultérieurement par le moteur à hydrogène. Il deviendra alors inutile que vous touchiez au volant, à l'accélérateur ou à la pédale de frein, devenus inopérants. Il vous suffira de dire à haute voix au système de reconnaissance de parole de votre véhicule l'adresse exacte à laquelle vous voulez vous rendre. Quelques instants plus tard, votre système vous répondra oralement en vous annonçant votre heure d'arrivée avec un taux d'erreur qui ne devrait pas dépasser la minute. Vous n'aurez alors plus rien à faire pour que votre mobile se rende à l'adresse que vous aurez choisie.

De statut de pilote vous passerez à celui de passager. Vous ferez faire 180° à votre siège et vous pourrez, alors, travailler sur votre bureau mobile hyper-communiquant relié au reste du monde qui ne ressemblera que très peu à nos postes de travail de cette fin de XXe siècle. Vous pourrez ainsi relever vos boîtes aux lettres, lire, écouter et regarder votre journal multimédias, constitué " sur mesure " par vos agents personnels intelligents (API) qui connaissent parfaitement vos centres d'intérêts et vos attentes. Vous pourrez même participer à une vidéoconférence particulièrement réaliste pendant que votre véhicule, sans bruit et en toute sécurité, vous emmènera vers la destination choisie.

L'habitant de la ville qui ne voudra ou ne pourra utiliser son véhicule privé pour se déplacer dans la cité, appuiera sur un bouton spécifique qui sera demain sur tous les téléphones portables. Il ajoutera à cela un chiffre de son clavier pour préciser le nombre de personnes à transporter en appuyant sur étoile ou dièse pour préciser s'il veut être seul ou s'il accepte d'autres personnes dans son module. Immédiatement, l'identité de l'appelant et son positionnement réalisé grâce aux satellites et aux bornes terrestres seront transmis au système de gestion des déplacements. Quelques instants plus tard, notre habitant de la ville recevra un accusé de réception et sur l'écran couleur et haute définition de son portable apparaîtra le numéro et l'heure d'arrivée du véhicule. Jamais le temps d'attente du module public ne devrait dépasser les 3 minutes.

Que vous soyez alors dans un module privé ou dans un module public, votre véhicule sera géré de la même façon par la collectivité. Les automates de la collectivité (qui seront d'ici là devenus des agents intelligents) vous auront alors pris en charge et que votre véhicule soit privé ou public, vous recevrez à la fin de chaque mois une facture qui rémunérera la collectivité pour la gestion de tous vos déplacements urbains, celle-ci étant prélevée automatiquement comme l'est actuellement votre facture de téléphone. Cette facture devrait être très peu élevée (beaucoup moins élevée que les coûts des abonnements actuels aux transports en commun), et pourtant les recettes des collectivités pour la gestion des déplacements devraient nettement augmenter. En effet, dans moins de 20 ans, la collectivité gérera l'intégralité des déplacements urbains, alors qu'aujourd'hui elle dépense des sommes faramineuses pour développer et gérer des transports en commun qui, dans beaucoup de villes, ne sont utilisés que par une partie très minoritaire de la population. C'est bien cette nouvelle économie des déplacements urbains qui, poussée par une forte demande des populations de nos grandes cités et avec l'aide des nouvelles technologies qui deviennent maintenant matures, sera le moteur essentiel des profondes modifications des transports urbains dans les vingt ans à venir.

Ainsi, l'utilisation des surfaces publiques qui sont le bien le plus précieux de nos villes sera rendue beaucoup plus rationnelle. Ces trains de modules gérés automatiquement devraient transporter cinq fois plus de personnes pour la même surface occupée que les tramways, réputés pour être les plus efficaces des transports de surface. Et encore les tramways ne sont efficaces que le long des axes qu'ils desservent alors que la gestion automatique des déplacements urbains gérera les trains de modules sur toutes la surface de la cité, que ce soit sur les boulevards et les avenues mais aussi dans toutes les petites rues. Ceci décuple l'efficacité de ces futurs moyens de déplacements urbains.

En cet instant, vous devez être nombreux à vous demander pourquoi encore à ce jour de nombreuses collectivités, surtout dans notre Pays, sont en train de réaliser des investissements souvent très lourds de transports en commun de surface, souvent sous forme de tramways. C'est une erreur et cela met en évidence, là comme dans bien d'autres domaines hélas, combien nos démocraties souffrent de cécité. Elles prennent pour conseils des hommes du passé qui pensent très souvent que le futur n'est qu'une simple projection de ce qui était vrai hier, à laquelle il faut ajouter l'image du jour. Ceci n'est pas vrai.

Le futur, surtout avec le siècle qui va s'ouvrir, ne sera fait que de ruptures, et ce, dans tous les domaines. Si les responsables des collectivités voulaient se tourner résolument vers l'avenir dans ce domaine déterminant des déplacements urbains, ils feraient bien d'aller visiter les laboratoires des grands constructeurs automobiles, des grands informaticiens et ils constateraient que tout ce que j'annonce dans ces lignes fonctionne déjà parfaitement sur les pré-prototypes. Mais loin de se tourner vers ces chercheurs, vers ces entreprises qui préparent l'avenir, les responsables de nos collectivités locales préfèrent être conseillés par les gestionnaires des sociétés de transport urbain ou par les ingénieurs et les industriels des entreprises fabriquant des tramways. C'est comme si André Citroën ou Louis Renault avait pris comme conseils des fabricants de diligences ou que les constructeurs des premières voies ferrées avaient fléchi en écoutant d'éminents savants qui leur affirmaient que les poitrines des passagers seraient écrasées par l'air quand les trains franchiraient les tunnels à 30 km/h...

René Trégouët

Sénateur du Rhône

Erratum : pendant la période estivale, deux éditoriaux, celui du n°59 paru le 6 Juillet et celui du n°62 paru le 2 Septembre, ont été attribués par erreur à René Trégouët. Ils sont l'oeuvre d'Info Science, dont nous vous conseillons d'aller visiter le site.

http://www.infoscience.fr/index.phtml

Avec nos excuses pour cette erreur.

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