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Edito : Train-avion : vers une nécessaire synergie au service de l'environnement

Le nouveau train à très grande vitesse de quatrième génération, l'AGV marque une rupture technologique majeure par rapport à ses prédécesseurs, le TGV originel de 1981, le TGV Atlantique (1989) et le Duplex à deux étages (1996). Conçu pour rouler jusqu'à 360 km/h, l'AGV est plus rapide que le TGV, qui roule à 320 km/h maximum sur la ligne Est européenne. Il se veut aussi moins gourmand en énergie grâce à un système de moteur ("à aimants permanents") 15 % plus économe que ses principaux concurrents. Ces performances sont rendues possibles car l'AGV possède une motorisation répartie sur toutes les voitures du train, plutôt que concentrée sur les deux motrices en tête et en queue, ce qui permet selon Alsthom de gagner de la place pour les passagers et de réduire les coûts de maintenance.

Mais en 2010, des rames automotrices à grande vitesse (AGV), la nouvelle génération de TGV Alsthom prévue pour rouler à 360 km/h, pourraient être mises en ligne par Air France et KLM. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des Transports, a fait part à deux reprises de cette possibilité lors d'une rencontre avec l'Association des journalistes ferroviaires. Il a désigné comme première desserte la ligne qui relirait Paris-Roissy-CDG à Amsterdam-Schiphol, les deux «hubs» d'Air France et de KLM.

Il est vrai qu'à partir de 2010, année de la libéralisation du transport ferroviaire international de passagers, des opérateurs privés pourront mettre en places des dessertes ferroviaires concurrentes de celles de la SNCF. Air France-KLM peut acquérir donc des AGV et les confier à un opérateur ferroviaire (la SNCF elle-même ou une autre entreprise) ou encore affréter des rames circulant à ses couleurs. La ligne à grande vitesse, déjà ouverte jusqu'à Bruxelles, doit être prolongée jusqu'à Amsterdam d'ici à la fin de l'année. Avec une AGV roulant à 360 km/h, Roissy et Schipol pourraient être reliés en moins de deux heures, soit un temps de voyage équivalent à celui de l'avion. Des expériences ont déjà été tentées par Lufthansa avec Deutsche Bahn entre Francfort et Cologne. Une telle liaison aurait le double intérêt de se substituer à des vols peu rentables tout en concurrençant la SNCF sur son propre terrain.

L'avion émet entre 134 et 148 grammes de CO2 par voyageur-kilomètre alors que le TGV n'en émet que 3 grammes. En outre, selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, l'industrie aérienne devrait être responsable de 3 % des émissions de CO2 en 2050, contre 2 % aujourd'hui. Mais l'impact environnemental de l'industrie aérienne ne se limite pas aux gaz à effet de serre. D'autres polluants ont un effet négatif sur la qualité de l'air, comme les oxydes d'azote.

Les émissions des transports aériens augmentent plus rapidement que celles de tous les autres secteurs. Celles qui sont dues aux vols internationaux ont augmenté de 73 % entre 1990 à 2003 et devraient, d'après les projections de la Commission européenne, atteindre 150 % d'ici à 2012 si aucune mesure n'est prise.

Une telle croissance annulerait alors plus d'un quart de la réduction de 8 % de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre que l'UE-15 est censée réaliser entre 1990 et 2012 en vertu de protocole de Kyoto. En tout état de cause, même si les avions parvenaient à diminuer de 50 % leurs émissions de GES d'ici 2050, ce qui est loin d'être évident, ce gain serait annulé par la multiplication globale par 3 ou quatre du trafic aérien mondial. En outre, en attendant la rupture technologique des avions à hydrogène, en 2030 ou 2040, un avion émettra toujours au moins 25 fois plus de CO2 en consommant 10 fois plus d'énergie par passager-kilomètre que le train à grande vitesse.

D'ici 2030, près de 3 000 km de lignes nouvelles à très grande vitesse devraient être ouvertes en Europe et la grande majorité des capitales et des grandes métropoles européennes devraient alors être raccordées à ce réseau européen à grande vitesse. Dès lors, grâce à cette nouvelle génération de TGV pouvant rouler à 360 km/heure, ce réseau européen organisé autour de hubs pourrait permettre sur notre continent une synergie tout à fait nouvelle avec le transport aérien tout en limitant très sensiblement la croissance du trafic aérien et son cortège de nuisances pour l'environnement.

Mais pour parvenir à cet indispensable rééquilibrage entre le train et l'avion et satisfaire ainsi aux objectifs très ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre annoncés par l'Union européenne le 23 janvier, il faudra une volonté politique très forte, tant au niveau nationale qu'européen. Il faudra également que nous développions des comportements plus "écoresponsables" en acceptant, quand nous voyageons à l'intérieur de notre continent de privilégier le train, même si ce mode de transport allonge de quelques heures nos déplacements. La nécessité vitale de maîtriser l'accélération du réchauffement climatique est à ce prix : nous devons être cohérents avec nous-mêmes et accepter de modifier profondément nos comportements et nos modes de vie si nous voulons éviter aux prochaines générations un catastrophe écologique majeure.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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