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Edito : la télévision se branche sur le Web

Alors qu'on nous affirmait depuis des années que l'avenir de la télévision était dans l'Internet, c'est l'inverse qui se dessine au MIP TV : l'Internet débarque dans la télévision. Devancé sur Internet par son rival Google, Yahoo!, le portail américain cherche à se relancer en faisant converger Internet et télévision. Pour transformer les téléspectateurs en internautes, Yahoo! a décidé de passer par le téléviseur. Le moteur de recherche s'est associé avec des industriels. Aux Etats-Unis, il s'est allié avec les fabricants de téléviseurs LG, Sony et Vizio. En Europe, Yahoo! a fait affaire avec Samsung.

Il ne s'agit pas de retrouver les sites Web tels que l'on peut les consulter sur son ordinateur, mais des Widget, des raccourcis formatés pour la télévision pour avoir accès à la météo, aux cours de la Bourse mais aussi aux photos mises en ligne, tout en regardant ses programmes préférés.

Yahoo! a signé des accords avec Samsung, Sony, LG Electronics ou encore Toshiba dans ce domaine. Il sera aussi très prochainement possible de voir des programmes inédits ou des films à la demande via Internet. En France, Panasonic ou LG devraient s'entendre avec TF1 ou Canal+ pour donner accès à de nouveaux contenus. Avec le site de socialisation MySpace, les internautes pourront échanger leurs impressions sur une émission qu'ils sont en train de regarder.

Vendus avec le poste, un peu à la manière des microprocesseurs intégrés dans les ordinateurs, ces nouveaux téléviseurs, baptisés Connected TV permettent de surfer sur le Web. Il suffit d'avoir une connexion à Internet, via notamment un abonnement au câble ou à une offre "triple play" (Internet, télévision, téléphone). De son côté, Adobe a annoncé la disponibilité de sa technologie Flash à destination des constructeurs de télévisions et de set-top-box pour proposer aux utilisateurs du streaming HD.

Ces téléviseurs de nouvelle génération sont déjà en vente depuis quelques jours aux Etats-Unis et en Europe. Leur prix est élevé : 1 800 euros, plus 80 euros pour Yahoo! Il suffit d'un clic sur la télécommande pour passer du monde de la télévision à celui du Web. Des "widgets", c'est-à-dire des signets, choisis par Yahoo!, apparaissent sur l'écran. Pour l'instant, Yahoo! a limité l'accès au Web. Le moteur de recherche propose « le meilleur de l'Internet fait pour la télé », un bouquet constitué par les sites partenaires d'eBay, Flickr, Yahoo! Finance ou encore Twitter et MySpace.

En cas de succès, le moteur de recherche annonce déjà que les télécommandes des futurs téléviseurs comporteront un clavier pour taper les adresses Web et surfer sur l'intégralité d'Internet depuis sa télé. Il sera également possible, à l'aide de cette télécommande reliée au Web de commander et de télé payer directement une multitude de biens et services depuis on téléviseur. Mais cette convergence inéluctable entre Web et télévision suscite de nombreuses interrogations. Il est vrai qu'en France, le moteur de recherche rafle déjà l'équivalent de la moitié du chiffre d'affaires publicitaire de TF1.

Pour Yahoo!, le modèle de financement est mixte. Il allie les recettes publicitaires avec le partage des revenus des transactions avec certains partenaires comme eBay. Mais avec l'arrivée de téléviseurs conçus pour surfer sur le Net, les producteurs et ayants droit redoutent une explosion du téléchargement. A court terme, ces téléviseurs permettront de télécharger ou de visionner en streaming (diffusion directe), des films et des séries américaines depuis des sites aux Etats-Unis ; sans attendre leur passage à l'antenne des chaînes françaises.

La menace est prise au sérieux par les opérateurs télécoms, à commencer par France Télécom, qui craignent de voir leurs investissements dans les infrastructures ne pas pouvoir être rentabilisés par la vente de services à valeur ajoutée à leurs abonnés, ces derniers utilisant ces nouveaux modes de connexion pour avoir accès à d'autres services. Jusqu'à présent, les acteurs d'internet, comme Yahoo, Google ou Dailymotion, ne pouvaient proposer leurs services que via le PC, limitant ainsi leurs capacités de développement d'offres audiovisuelles.

Reste une inconnue de taille : l'attitude des consommateurs face à ces téléviseurs conçus pour surfer sur le Net. Ces appareils polyvalents parviendront-ils à remplacer rapidement les ordinateurs domestiques ? Rien n'est moins sûr car ces deux types d'appareils correspondent à des usages distincts sur le plan professionnel, culturel et familial.

Cette convergence va cependant accélérer l'hégémonie du Web comme vecteur universel et unique d'intégration multimédia et va également nous faire entrer dans l'ère du Web ubiquitaire : nous prendrons l'habitude de lire un courriel, voir un film, visiophoner ou consulter un site internet indifféremment sur notre téléviseur, notre PDA ou notre ordinateur portable.

20 ans seulement après son apparition, le Web s'est totalement et définitivement imposé comme espace virtuel unique mondial de production et d'échange d'informations. La rapidité et l'ampleur de cette mutation de civilisation sont sans précédent dans l'histoire humaine et le défi de la prochaine génération sera de tout mettre en oeuvre pour que chaque habitant de cette Terre ait accès, où qu'il soit, à ce prodigieux outil pour exprimer toute sa créativité et exploiter pleinement son potentiel cognitif.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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