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Repérer chaque cellule individuellement, sans recourir à la fluorescence…

Au microscope, distinguer les cellules saines des cellules malsaines peut s’avérer très difficile. Les scientifiques utilisent des colorants ou des marqueurs fluorescents ciblant des protéines spécifiques pour identifier les types de cellules, caractériser leur état et étudier l’effet des médicaments et autres traitements. Malgré son impact déterminant sur la médecine, cette méthode a ses limites. Par exemple, le marquage des cellules est coûteux, prend du temps et dépend beaucoup des compétences de la chercheuse ou du chercheur. Le processus de coloration peut aussi être préjudiciable aux cellules étudiées.

C’est pourquoi les scientifiques ont mis au point d’autres méthodes de criblage rapide et fiable des cellules individuelles. Des chercheuses et chercheurs de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur de l’EPFL et leurs collègues de l’ISASI (Institut de sciences appliquées et de systèmes intelligents) du CNR à Pouzzoles (Italie) ont présenté une méthode sans colorant capable de distinguer avec précision des zones spécifiques au sein de cellules vivantes. En combinant de manière unique l’imagerie holographique et la microfluidique avec le traitement du signal par réseau neuronal, leurs travaux ouvrent la voie aux biopsies liquides pour la détection des cellules tumorales circulantes et aux essais à haut rendement pour les tests de médicaments.

L’étude s’appuie sur la tomographie par apprentissage, une méthode précédemment développée par Demetri Psaltis et son équipe du Laboratoire d’optique de l’EPFL. Plutôt que d’utiliser un microscope pour créer une image visuelle de l’échantillon étudié, la tomographie par apprentissage repose sur l’imagerie de phase quantitative. Il s’agit d’une méthode d’imagerie holographique qui révèle le retard de phase subi lorsque le faisceau lumineux du microscope traverse la matière qui constitue la cellule.

En répétant ce processus sous plusieurs angles différents et en faisant passer les données de phase par un réseau neuronal, les scientifiques ont pu créer des cartes 3D de l’indice de réfraction de chaque voxel individuel – chaque volume tridimensionnel résolu par la méthode. « La densité des molécules et le matériau influent sur l’indice de réfraction », explique Demetri Psaltis. L’augmentation du nombre d’itérations a encore amélioré la précision de l’estimation de la distribution de l’indice de réfraction.

Demetri Psaltis et son équipe ont surmonté une limite bien établie des méthodes d’imagerie de phase quantitative, à savoir l’incapacité à identifier les composants intracellulaires. « L’utilisation d’une méthode d’auto-clustering qui regroupe les voxels ayant un indice de réfraction similaire, associée à des outils d’apprentissage machine, nous a permis d’assembler les clusters en formes que nous avons pu classer. Différents types de noyaux, par exemple, ont différents indices de réfraction », affirme Demetri Psaltis. En comblant cette lacune, on ouvre la voie à l’imagerie de phase quantitative, qui permet d’obtenir des informations que l’on ne pouvait obtenir qu’en utilisant la microscopie de fluorescence.

Un deuxième défi consistait à mettre au point une méthode de criblage des cellules qui ne nécessite pas leur immobilisation. La solution à cette problématique est venue de Pietro Ferraro, co-auteur, et de son laboratoire du CNR, qui a acquis une vaste expérience dans le domaine de la tomographie à flux entrant à l’aide de dispositifs de laboratoire sur puce. « L’idée était de placer les cellules dans un canal fluidique de 50 à 100 microns de diamètre et de laisser le gradient de vitesse d’écoulement du canal faire tourner les cellules », poursuit Demetri Psaltis. « En observant les cellules tomber le long du canal à l’aide d’un faisceau et d’un détecteur fixes, nous pouvons détecter le retard de phase, estimer l’orientation de la cellule et appliquer notre méthode de tomographie par apprentissage pour créer les cartes d’indice de réfraction 3D ».

« La résolution transversale possible est d’un demi-micron à un micron », explique Demetri Psaltis. « Nous ne pouvons pas détecter des protéines individuelles, mais nous pouvons voir les agrégats de protéines, qui ont tendance à mesurer quelques dizaines de microns. Cela nous permet également d’évaluer la taille du noyau et le contour de la cellule, qui est moins lisse lorsque les cellules deviennent cancéreuses ». Les chercheuses et chercheurs ont validé leur méthodologie en comparant leurs résultats avec les observations faites à l’aide de la microscopie confocale à fluorescence, l’actuelle norme de référence de l’imagerie cellulaire 3D.

Une application essentielle du criblage cellulaire sans colorant est la biopsie liquide. Celle-ci permet de détecter les cellules cancéreuses circulantes, et est utilisée pour identifier les types de cancers en chirurgie et comme outil de diagnostic précoce des métastases cancéreuses. Une autre application est le développement de médicaments. Bon nombre de maladies telles que la maladie de Parkinson sont associées à des protéines réticulées. La méthode développée par Demetri Psaltis et ses collègues offre un moyen très efficace et non invasif d’évaluer l’efficacité des médicaments conçus pour décomposer ces protéines réticulées en temps réel, en faisant passer plusieurs fois les cellules traitées dans le dispositif d’imagerie. De même, cette méthode pourrait être utilisée pour fournir aux chercheuses et chercheurs de nouvelles informations sur les effets en temps réel des agents pathogènes sur les cellules saines.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

EPFL

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