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Edito : Les récepteurs d’énergie solaire deviennent flexibles

AVANT-PROPOS :

CAMPAGNE DE DONS : JE VOUS REMERCIE POUR LES DONS DE CES DERNIERS JOURS QUI ONT UN PEU AUGMENTÉ (1.630 € dans la semaine). MAIS, NOUS NE SOMMES QU'AUX 3/4 DU CHEMIN ET IL EST NECESSAIRE QUE BEAUCOUP DE LECTEURS DE RT FLASH RÉAGISSENT SI NOUS VOULONS ATTEINDRE NOTRE OBJECTIF (15.000 €) AVANT LA FIN DU MOIS DE DÉCEMBRE.

Aujourd'hui, 1er Décembre, le total des dons reçus par l'ADIST s'élève à 11.271 euros. Soit 1.630 euros de dons dans la semaine.

A raison d’une somme de 1360 euros par mois nécessaire pour mettre en ligne notre Lettre, avec les 11.271 euros reçus, à ce jour, nous ne pourrions financer la mise en ligne hebdomadaire de RT Flash au-delà du 6 Octobre 2023. (Nous n'avons pas besoin de financer RT Flash en Août car notre Lettre est en vacances pendant cette période).

Je vous demande instamment d’être plus nombreux à faire des dons pour que nous ayons la certitude que RT Flash continue bien à être publiée pendant toute l’année 2023.

A nouveau, il m'est nécessaire de vous dire que notre Association ADIST, qui gère RT Flash est une association d’intérêt général qui fait qu'en respect des articles 200 et 238 du Code Général des Impôts, ses donateurs se feront rembourser 66 % de leur don lors du règlement de leur impôt sur le revenu. Ainsi, à titre d'exemple, une personne faisant un don de 100 euros à l'ADIST constaterait une diminution de 66 euros de ses impôts sur le revenu et la charge réelle de son don ne serait que de 34 euros.

Bien Cordialement

René Trégouët

Sénateur Honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

Rédacteur en Chef de RT Flash

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EDITORIAL :

LES RECEPTEURS D'ENERGIE SOLAIRE DEVIENNENT FLEXIBLES

Le dernier rapport Forbes nous apprend que l'énergie solaire photovoltaïque a fourni plus de 1000 TWh d'électricité en 2021, contre seulement 20 TWh en 2010. L’énergie solaire représente désormais 4 % de la production mondiale d’électricité (25 500 TWH en 2021), contre 6 % pour l’éolien et la production solaire mondiale a augmenté de 19 % en 2021, contre 13 % pour l’éolien. Mais l’électricité mondiale reste, à plus de 70 %, issue des énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole) et est responsable de 40 % des émissions mondiales de CO2, soit 14,5 gigatonnes de CO2 par an, l’équivalent de l’ensemble des émissions annuelles de CO2 de la Chine…

Pour parvenir à respecter les objectifs climatiques de l’Accord de Paris, les experts du GIEC et de l’AIE s’accordent sur le fait qu’il va falloir inverser complètement la situation actuelle, c’est-à-dire décarboner à au moins 70 % l’électricité mondiale dès 2040, pour atteindre les 90 % en 2050. Sachant que la consommation mondiale d’électricité est appelée de manière inéluctable à augmenter, à la fois à cause de la nécessaire électrification croissante des usages (dans les transports notamment) et de la croissance démographique qui va voir arriver deux milliards d’humains supplémentaires d’ici trente ans, et à supposer que les parts respectives de l’éolien (terrestre, marin et urbain) et solaire deviennent équivalentes –chacune un tiers – dans la production mondiale d’électricité en 2040, cela veut dire que le monde va devoir multiplier par 14 la production d’électricité photovoltaïque d’ici 20 ans, passant ainsi de 845 à 11 700 Twh d’électricité solaire…

Comme le souligne le Cabinet Bloomberg, si l’on constate l’évolution des coûts de production des différentes énergies, on en arrive à la conclusion que l’énergie solaire va inévitablement s’imposer à terme, comme la première source d’énergie électrique, devant les énergies fossiles, mais également devant l’éolien. L'ARENA prévoit d’ailleurs que d'ici 2050, l'énergie solaire, avec une capacité installée de 8.500 GW, devancera d’un tiers l’éolien et pourrait fournir, à elle seule, la moitié de l'électricité mondiale consommée en 2050. Il est vrai que le coût de production moyen de l’électricité photovoltaïque à grande échelle a baissé de 82 % entre 2010 et 2020 et cette baisse devrait se poursuivre, puisque l’AIE prévoit que le coût du solaire photovoltaïque va continuer à diminuer fortement dans les prochaines années, passant de 50 dollars par MWh en 2020 à moins de 30 dollars en 2040. L’électricité solaire deviendra alors, de loin, l'énergie la moins chère, même par rapport à l’éolien.

En Europe, le plan REPowerEU de l’Union européenne (UE), qui vise à mettre fin à sa dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles russes, prévoit un quadruplement de notre capacité d’énergie solaire, ce qui veut dire 68 GW de nouvelles centrales solaires par an (à comparer aux 26 GW ajoutés en 2021). En mai dernier, les ministres de l’énergie de l’Autriche, de la Belgique, de la Lituanie, du Luxembourg et de l’Espagne, ont signé une lettre adressée à la Commission européenne dans laquelle ils demandent à l’UE de relever ses objectifs en matière d’énergie solaire, pour atteindre au moins 1 TW d’énergie solaire installée d’ici à 2030. Cette initiative forte souligne que L’UE peut déployer au moins 70 millions de toits solaires d’ici 2030 en Europe, ce qui permettra de générer 1100 TWh d’électricité et créera des millions d’emplois locaux. Cette requête va probablement être reprise officiellement par l’UE, qui vient d’annoncer, à l’occasion de la COP 27 qui s’est tenue en Egypte, qu’elle allait porter à 57 % son nouvel objectif de réduction d’émissions de CO2 pour 2030.

En France, la production d’électricité photovoltaïque - 15 TWh -, qui ne représente encore que 3 % de notre consommation annuelle totale, doit être décuplée d’ici 2050, ce qui devrait permettre à l’électricité solaire de représenter presque le quart de la consommation électrique totale de la France prévue en 2050 (645 TWh par an). La loi sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables, qui sera prochainement définitivement adoptée par le Parlement, prévoit, en outre, de déployer progressivement des ombrières photovoltaïques sur les parkings, de faciliter les projets sur les bords des routes et autoroutes, de faciliter l’installation des projets photovoltaïques sur tous les terrains dégradés.

Rappelons que la récente loi Climat du 22 août 2021 prévoit déjà l’obligation d’installer, des 2023, des panneaux solaires sur les toitures des constructions nouvelles à usage commercial, industriel ou artisanal, et les parcs de stationnement couverts accessibles au public, lorsque ces constructions créent plus de 500m2 d'emprise au sol.

C’est dans ce contexte particulièrement favorable à l’essor de l’énergie solaire que la technologie des cellules photovoltaïques dites "organiques", à couches minces, est en train de s’affirmer comme un nouveau et puissant moteur de développement de la production massive d’électricité solaire. Ce type de cellules est constitué de dépôts de couches extrêmement fines de matériaux semi-conducteurs photovoltaïques sur différents supports, plastique, verre ou acier inoxydable. L’épaisseur de ces cellules est de l’ordre de quelques nanomètres, soit 20 fois inférieurs à celle des tranches de silicium les plus fines. Les cellules à couches minces sont en outre flexibles, dix fois moins lourdes que leurs cousines en silicium, et moins coûteuses à fabriquer que les cellules cristallines en raison de la quantité réduite d’énergie et de matériaux qu’elles requièrent.

Il y a quelques jours, la prestigieuse revue "Science" a publié un long article, intitulé, "L’énergie solaire devient flexible", qui fait le point sur cette technologie d’avenir et évoque ses immenses potentialités pour accélérer la transition énergétique mondiale vers la fin des énergies fossiles (Voir Science ). Cet article évoque notamment le projet de Marburg, en Allemagne, qui a choisi des panneaux solaires souples, conçus par la société Heliatek, pour recouvrir les parois d’un réservoir municipal d’eau, ce qui aurait été impossible avec de panneaux en silicium. Les panneaux photovoltaïques organiques (OPV) d'Heliatek sont bien plus légers que les panneaux en silicium et coûtent moitié moins cher à produire. Certains sont même transparents, ce qui permet d’envisager d’intégrer des panneaux solaires non seulement sur les toits, mais aussi sur les façades des bâtiments, les fenêtres et même les espaces intérieurs. « Nous voulons transformer chaque bâtiment en un bâtiment produisant de l'électricité », déclare Stéphane Le Séguillon, directeur-général d’Heliatek.

Les panneaux d'Heliatek convertissent environ 9 % de l'énergie de la lumière du soleil en électricité, contre 20 % pour les cellules en silicium, mais ce handicap en matière de rendement est largement compensé par la légèreté (un kg au m2, contre 25 kg pour les panneaux photovoltaïques conventionnels), la souplesse et la robustesse de ces films, qui peuvent être installées sur presque toutes les surfaces extérieures. Heliatek est en train de construire une usine capable de produire 2 millions de mètres carrés par an, de quoi fournir environ 200 mégawatts d'électricité chaque année.

Avec une empreinte carbone inférieure à 10 g de CO2/kWh, la technologie de films solaires souples d’Heliatek amortit sa consommation d’énergie en moins de six mois d’utilisation de ses panneaux et il faut moins de trois mois pour neutraliser le carbone émis. En 2017, Heliatek a réalisé une première mondiale en recouvrant les toits du collège Mendès-France, à La Rochelle, de 540 m2 de ses films solaires souples, ce qui permet à cet établissement de couvrir 20 % de ses besoins en énergie.

Parallèlement, une société suédoise, Epishine, propose des cellules organiques souples qui fonctionnent à l'intérieur des bâtiments et peuvent alimenter directement des capteurs de température et aux commandes d'éclairage automatisées. En France, le CEA a annoncé en 2020 qu’il avait réussi à développer, en coopération avec le Japonais Toyobo, des mini-cellules organiques solaires souples à base de polymères, capables d’atteindre un rendement de conversion-record de 25 % en intérieur, même sous la seule lumière des néons. Ces cellules très légères et sans composants toxiques devraient être bientôt sur le marché et pourront être utilisées pour alimenter de manière autonome les multiples capteurs et petits composants électroniques qui s’intègrent à présent dans les bâtiments et maisons connectées et reliées à l’Internet des objets.

L’article de Science souligne que l'énergie solaire conventionnelle, principalement basée sur le silicium, fournit environ 3 % de toute l'électricité de la planète et se développe plus vite que n’importe quelle autre source d’énergie, avec plus de 200 gigawatts mis en ligne chaque année, assez pour alimenter 150 millions de foyers. Pourtant, ce développement reste encore insuffisant pour répondre à l’explosion de la demande mondiale croissante et contrer efficacement le changement climatique catastrophique en cours. Si l’on se cale sur l’hypothèse défendue par l’AIE, qui prévoit que la demande mondiale d'électricité devrait doubler d'ici 2050, il va falloir en effet installer de nouvelles ressources solaires à un rythme quatre fois plus important qu’actuellement, jusqu’en 2050.

Heureusement, des avancées décisives sont en cours, en matière de rendement des cellules organiques souples. En 2020, des scientifiques du Cluster RIKEN pour la recherche pionnière et du Centre RIKEN pour la science de la matière émergente ont réussi à créer une cellule solaire organique ultra-mince à la fois très efficace et durable. Cette cellule organique flexible qui se dégrade de moins de 5 % sur 3000 heures, atteint l’excellent rendement de 13 % (Voir RIKEN).

En mai dernier, des chercheurs de l’Université de Ritsumeikan à Kyoto, dirigés par les Professeurs Jakapan Chantana et Takashi Minemoto, ont développé de nouvelles cellules solaires à couche mince, flexibles et sans cadmium. Non seulement leur technologie affiche un impact environnemental bien inférieur à celui des cellules solaires standards, mais elle peut être produite à plus faible coût et affiche un rendement-record pour ce type de cellules, 16,7 %. Ces cellules solaires, qui sont à base de séléniure de cuivre, d’indium et de gallium (CIGSSe), sont environ 100 fois plus fines, bien moins énergivores et donc moins chères à produire et peuvent être installées facilement sur de nombreux types de surfaces, toits, façades d’immeubles… (Voir Ritsumeikan University).

En août dernier, Zhan Lingling de l'Université normale de Hangzhou et ses collègues ont présenté une nouvelle cellule organique souple qui a atteint une efficacité de 19,3 %. Ces progrès en matière de rendement, combinés à de nouvelles techniques de production, pourraient diviser par dix d’ici 2030 les coûts de ces cellules, qui deviendraient alors bien plus compétitives que leurs cousines en silicium. Reste que l’avantage décisif des cellules organiques souples sur toutes les autres technologies génératrices d'énergie est sans doute leur empreinte carbone étonnamment faible. Lors de l'évaluation des panneaux Heliatek, l'institut de test allemand TÜV Rheinland a certifié que pour chaque kWh d'électricité produit par les panneaux de l'entreprise, au plus 15 kilogrammes (kg) de dioxyde de carbone (CO 2) seraient émis lors de leur cycle de vie. Un chiffre à comparer à 49 kg de CO 2 /kWh pour les panneaux de silicium et à 1 008 kg de CO 2 /kWh pour l'extraction et la combustion du charbon. Même avec leurs faibles rendements, les panneaux solaires souples d’Heliatek généreront plus de 100 fois d'énergie que celle nécessaire pour les fabriquer…

Des scientifiques suisses de l’EPFL ont également atteint un nouveau record d'efficacité pour leurs cellules solaires transparentes, ouvrant la voie à des fenêtres génératrices d'électricité. Appelées cellules Grätzel, du nom de leur inventeur, ces cellules solaires à colorant (DSC) ont également un faible coût de production et une faible empreinte carbone. Elles utilisent un colorant photosensibilisé fixé à la surface d'un semi-conducteur pour convertir la lumière visible en énergie. Initialement, ces cellules DSC utilisaient essentiellement la lumière directe du soleil, mais des scientifiques de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) ont réussi à concevoir des photosensibilisateurs transparents – des molécules qui peuvent être activées par la lumière – qui peuvent capter la lumière sur la totalité du spectre lumineux visible. « Nos découvertes ouvrent la voie à un accès facile aux DSC hautes performances et offrent des perspectives prometteuses pour des applications comme alimentation et remplacement de batterie pour les appareils électroniques à faible consommation qui utilisent la lumière ambiante comme source d'énergie », soulignent les auteurs de l'étude (Voir Nature).

En France, la société nantaise Asca, filiale du groupe Armor, développe depuis une dizaine d’années des films solaires organiques. Asca a mis au point une remarquable technologie à base de polymères photo-actifs, sans solvants, sans matériaux rares et dont le recyclage est prévu dès la conception du produit. Ce procédé repose sur 5 couches imprimées, en rouleau, sur le film OPV, encapsulées dans 2 couches protectrices pour protéger les polymères de l'oxygène, de l'humidité et des rayons ultraviolets. Ces films solaires ont la particularité d’être beaucoup plus sensibles à la lumière diffuse, et peuvent produire de l'énergie quelle que soit la température et les conditions de luminosité. « A puissance égale, le film produit 30 % d'énergie de plus qu'un panneau solaire », fait valoir Hubert de Boisredon, le patron d’Armor. « À énergie constante, la consommation de ressources est trois fois moins importante pour la planète qu'avec des panneaux photovoltaïques », souligne Hubert de Boisredon.

La plupart des spécialistes s’accordent sur le fait que la marge de progression de ces cellules solaires organiques est encore très importante et qu’elles atteindront très probablement un rendement en série de 20 % avant la fin de la décennie, tout en augmentant leur longévité et en réduisant leur coût de fabrication. Ce solaire flexible, performant, léger et sans composants toxiques, est donc promis à un brillant avenir car, même s'il n'a pas vocation à se substituer entièrement au solaire sur silicium, il va permettre d’intégrer l’énergie solaire dans la 3ème dimension et de rendre toutes les surfaces verticales de nos bâtiments, maisons et infrastructures, fenêtres comprises, potentiellement productrices d’énergie propre. Nous pouvons nous réjouir que l’Europe et la France soient en pointe dans ce domaine stratégique qui nous donne une formidable opportunité, si nous savons maintenir et organiser notre effort scientifique et industriel, de reconquérir notre indépendance énergétique face à la Chine, aux Etats-Unis et au Japon, tout en accélérant de manière décisive notre transition énergétique vitale vers un monde sans carbone .

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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