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Quelques réflexions sur des décisions qui vont changer l'avenir

Nous vous en parlions la semaine dernière, l'opérateur Free a créé l'événement en annonçant qu'il allait s'engager dans le déploiement de son propre réseau en fibre optique jusqu'au domicile de l'abonné et qu'il comptait également proposer un "service universel gratuit". L'objectif est de proposer au 1er semestre 2007 une déclinaison très haut débit de son offre ADSL. L'offre de Free restera "Triple Play" et intègrera toujours la téléphonie et un bouquet numérique de programmes de télévision.

L'opérateur, qui n'a pas vocation à la philanthropie, va bien entendu commencer le déploiement de son réseau optique dans les zones où la densité de détenteurs de Freebox est la plus importante. Le réseau fibre de Free raccordera d'abord des domiciles situés à Paris, avant d'être progressivement déployé en banlieue parisienne et à certains quartiers de villes de province. L'objectif de Free est de toucher 10 millions de Français, soit 4 millions de foyers raccordables à l'horizon 2012.

En annonçant ce plan de réseau optique jusqu'à l'abonné, Free prend un risque financier réel (la bourse a d'ailleurs immédiatement sanctionné l'annonce de Free en faisant sensiblement baisser la valeur de son titre). Il faut en effet rappeler que l'investissement consacré pour le développement de cette architecture FTTH (Fiber to the Home) n'a rien de symbolique puisqu'il est estimé à un milliard d'euros. Il est vrai que chaque internaute connecté à la fibre optique représente une facture de 1.500 euros. Dans cette facture, 350 euros représentent les derniers mètres et la fourniture de la Freebox.

De manière logique, pour rentabiliser cette coûteuse infrastructure, l'opérateur prévoit également de revendre des capacités réseau à d'autres acteurs du marché. « Dès que ce réseau sera opérationnel, Free engagera des discussions avec tous les opérateurs qui le désirent pour leur proposer, à des tarifs « convenables », une offre de location de fibres optiques jusqu'à l'abonné. » En pratiquant cette stratégie ouverte, Free souhaite également prévenir les risques que nombre d'immeubles se retrouve câblés plusieurs fois, par différents opérateurs.

Mais après avoir dévoilé son plan de réseau optique jusqu'à l'habitant, Free a fait une autre annonce, encore plus étonnante : l'opérateur, par le biais de sa Fondation Free, entend rendre gratuit l'accès à Internet : c'est ce que free appelle le "service universel gratuit". Concrètement, dans chaque immeuble raccordé en fibre optique par Free, les foyers pourront, s'ils le désirent - et uniquement contre une caution pour le prêt du terminal Freebox optique - bénéficier d'une ligne téléphonique (sans abonnement), d'un accès à Internet bas débit et du bouquet TNT de base en qualité numérique.

Free insiste sur la gratuité de cette offre, voulant "rendre gratuit au plus grand nombre l'accès à la société de l'information". Outre le fait que cette offre va abolir le monopole de l'abonnement téléphonique, elle risque de susciter un réel attrait auprès des syndics et propriétaires d'immeubles, qui se verront proposer gracieusement pour leurs occupants un accès triple play (téléphonie, télévision, Internet) contre l'autorisation de raccordement en fibre par Free de ces bâtiments.

Si Free est le premier, en Europe, à annoncer le lancement de son offre commerciale, d'autres pays ont une longueur d'avance sur la France et ont déjà déployé massivement des réseaux optique haut débit jusqu'à l'habitant. C'est le cas du Japon, où un quart des abonnés à l'Internet haut débit ont accès à la fibre optique jusqu'au foyer et où l'on prévoit que les abonnés au FTTH (Fibre optique jusqu'au domicile) seront plus nombreux que les abonnés à l'ADSL (haut débit sur cuivre utilisant le réseau téléphonique) dès 2008 ! En Corée, grâce à une politique volontariste de l'Etat depuis 10 ans, 11 millions d'immeubles sur 15 sont raccordés par fibre optique. En Suède, plus de 280 000 suédois avaient accès au Net par le FTTH en 2005, soit plus d'une connexion haut débit sur 3. L'Italie dispose actuellement de plus de 180 000 lignes FTTH, dont 80 % desservent des résidentiels (à 60 ? par mois).

En Italie, la plupart des villes italiennes sont câblées à 40 % en FTTH et Milan l'est totalement. FastWeb propose un accès FTTH à Milan, Rome, Gênes, Turin, Naples et Bologne. Le service FastWeb de e.Biscom interconnecte plus de 300 000 foyers et 50 000 entreprises par le biais d'une connexion directe en fibre optique. A l'horizon 2010, l'opérateur envisage d'interconnecter toutes les villes italiennes de plus de 45 000 habitants, couvrant ainsi plus de 1 million de foyers.

En France, la plupart des opérateurs sont en train d'expérimenter le très haut débit par fibre optique jusqu'à l'habitant. France Télécom a annoncé en début d'année le déploiement graduel d'un réseau de fibre optique jusqu'à la maison - 100 mbps de débit - mais « pas avant 2008 », pour un investissement « pas massif, mais progressif ». Actuellement, les tests se poursuivent sur 1.000 logements. Ce projet de France Télécom a débuté dans quelques arrondissements parisiens et villes de banlieue, mais pour 70 euros par mois. Neuf Cegetel a récemment indiqué avoir lui aussi lancé des expérimentations de très haut débit optique. Et quelques autres petits opérateurs, comme Erenis et Citefibre, proposent déjà des offres commerciales locales.

Mais on voit bien qu'avec cette nouvelle annonce de Free, les choses se sont brusquement accélérées : le plan de réseau optique "raisonnable" de France Télécom apparaît à présent comme bien timide et n'étant plus à la hauteur des nouveaux enjeux en matière d'accès pour tous à ce "service numérique universel gratuit" que veut, de manière très habile, promouvoir Free.

Les ambitieux projets de Free en matière de très haut débit optique pourraient bien avoir l'effet d'un véritable catalyseur et accélérer sensiblement la mutation, inévitable mais toujours reportée, du cuivre vers la fibre optique, seule technologie offrant une réserve de bande suffisante pour pouvoir amener dans les foyers, pour les décennies à venir, la myriade de nouveaux services numériques à forte valeur ajoutée qui pourra séduire les consommateurs. La réaction des fournisseurs d'accès Internet ne s'est d'ailleurs pas fait attendre puisqu'au lendemain de l'annonce de Free, le fournisseur Erenis annonçait sur Paris une offre FTTH "Triple Play à 30 ? par mois comprenant l'Internet à 60 Mbits (en voie descendante), le téléphone illimité vers 100 pays, et plus de 80 chaînes TV.

Si l'on observe l'évolution de l'économie numérique au niveau mondial, on voit bien que la généralisation rapide de la fibre optique jusqu à l'habitant est à présent devenue un enjeu majeur pour que chaque foyer puisse avoir accès, dans des conditions optimales de rapidité et de confort, aux nouveaux services numériques gros consommateurs de bande passante, reposant sur la virtualisation massive et la 3D, dont nos concitoyens vont vouloir disposer en permanence chez eux, non seulement dans le domaine des loisirs mais de plus en plus dans les domaines encore embryonnaires, du télétravail, de la télémédecine et de la téléprésence. Souhaitons que la France, comme cela a été trop souvent le cas pour d'autres révolutions technologiques majeures, sache rapidement relever ce défi de l'accès pour tous au très haut débit optique et au service numérique universel.

René Trégouët

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