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Une puce neuromorphique pour détecter les anomalies cardiaques

Le CEA-Leti et le Centre de nanosciences et de nanotechnologies ont conçu une puce neuromorphique embarquant une IA bayésienne, capable de détecter et de classifier des anomalies cardiaques. Le système tire parti de la variabilité intrinsèque de mémoires résistives pour quantifier l'incertitude des résultats. Une première qui a fait l’objet d’une publication dans Nature Communications fin novembre 2023.

La puce neuromorphique du CEA-Leti a été fabriquée au CEA-Leti grâce à un procédé standard de microélectronique (Cmos), avec une finesse de gravure de 130 nanomètres. Les memristors ont été ajoutés en deuxième partie du cycle de fabrication (back end of line). Un réseau de neurones bayésien, probabiliste, capable de détecter et de classifier des anomalies cardiaques en mesurant l’incertitude, une puce neuromorphique capable de réaliser des calculs dans la mémoire avec l’appui de memristors – des mémoires résistives non volatiles dans lesquelles l’information est encodée en fonction de leur conductance électrique.

« Des travaux précédents avaient démontré la faisabilité d’une telle application avec des réseaux de neurones artificiels classiques et déterministes implantés sur le même type de hardware », indique Elisa Vianello, directrice du programme sur l’IA embarquée au CEA-Leti et co-pilote de cette étude avec Damien Querlioz du C2N. « Mais personne n’avait encore proposé de mesurer précisément l’incertitude aléatoire (qui traduit l’ambiguïté entre plusieurs situations connues, ndlr) et épistémique (en lien avec l’inconnu, ndlr) qui permet de déterminer si la détection est hors du domaine du domaine d’apprentissage (OOD, out of distribution) ».

C’est la force d’un réseau de neurones bayésien, d’autant plus valorisable dans le contexte du diagnostic médical. « Un réseau de neurones classique, s’il est entraîné à détecter deux types d’anomalies cardiaques, donnera l’un ou l’autre résultat », explique Elisa Vianello. Un réseau bayésien, lui, peut détecter une nouvelle anomalie. » Le premier répond avec aplomb, même s’il se trompe. Le second, plus nuancé, commet des résultats avec un degré d’incertitude et peut faire face à une situation non rencontrée. Qui plus est, un réseau bayésien peut être entraîné à partir de petites quantités de données, bruitées, ce qui est généralement le cas en médecine.

Outre cette approche probabiliste, cette étude corrige une autre faiblesse de la précédente puce du CEA-Leti et du C2N, dédiée aussi à la détection d’anomalies cardiaques. « Nous avions besoin d’une nouvelle technique de programmation pour écrire des valeurs analogiques précises dans les memristors, qui possèdent une variabilité intrinsèque (la conductance électrique reflétant la valeur encodée dérive au cours du temps, ndlr) », rappelle Elisa Vianello. « Cela marchait bien mais demandait du temps et un peu d’énergie car il fallait réécrire plusieurs fois l’information à cause de cette variabilité ».

D’où un changement de stratégie. « Dans cette nouvelle étude, on exploite au contraire cette variabilité intrinsèque au lieu de la combattre », poursuit-elle. « Dans un réseau bayésien, les poids synaptiques ne sont pas des valeurs déterministes mais une distribution de probabilité. L’idée est d’utiliser directement la variabilité des memristors pour sauvegarder cette distribution, sans générer de nombres aléatoires, ce qui est une procédure coûteuse ».

L’algorithme d’apprentissage élaboré par l’équipe du CEA-Leti et du C2N en tient compte. « Quand on calcule la fonction de perte durant l’apprentissage, on lui ajoute un terme (technological loss, ou perte technologique) qui sélectionne les distributions de probabilité qu’on peut physiquement encoder dans nos memristors », complète Elisa Vianello. Ce terme modificateur dépend des spécificités de la technologie de memristor employée dans l’étude, à savoir des memristors filamentaires ou des mémoires à changement de phase, que développe notamment ST Microelectronics.

Pour le reste, côté matériel, cette puce hérite de l’architecture fondamentale de la précédente version, tout en la démultipliant : elle ne compte pas une seule grille de 32x32 unités de mémoire (composées chacune de deux memristors et deux transistors), mais 75. « On peut sauvegarder un maximum de 75 échantillons par distribution de probabilité, chaque unité-mémoire stockant un échantillon », développe Elisa Vianello. « On lit ensuite ces grilles en parallèle pour obtenir la distribution de probabilité ».

La puce embarquant ce réseau bayésien a démontré une précision très proche de celles de réseaux de neurones logiciels (exécutés sur PC), pour classifier neuf types d’anomalies cardiaques. Son efficacité énergétique est toutefois bien supérieure. En outre, le réseau bayésien réalise des prévisions avec un niveau d’incertitude, plus utile au praticien que la réponse catégorique mais potentiellement erronée d’un réseau de neurones classique. D’après Elisa Vianello, ce système matériel et logiciel a atteint un TRL 3, celui de la preuve de concept. « On discute avec nos collègues qui travaillent sur les capteurs de santé », ajoute-t-elle. La suite idéale serait que l’apprentissage se fasse aussi sur la puce, au même titre que l’inférence, ce qui permettrait d’enrichir continuellement le réseau bayésien avec de nouvelles données.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Leti

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