Les robots qui demain nous accompagneront partout ont été présentés à Lyon à l'occasion d'Innorobo, le premier salon européen dédié à la robotique de service. Robot laveur de vitres, robot voiture, robot animal domestique, robot volant, robot infirmière, robot démineur, mais aussi robots "secouristes" au Japon : une centaine d'automates, dont une trentaine inédits, ont été présentés.
"Ces robots vont révolutionner notre quotidien, ils peupleront nos foyers, nos écoles et nos rues", prédit Bruno Bonnell, président de Syrobo, syndicat de la robotique de service qui organise l'événement. "La révolution technologique de la robotique de service est en train d'impacter profondément le corps social", dit-il. Ce marché, encore balbutiant, est appelé à croître de façon exponentielle dans les années à venir.
Le marché est aujourd'hui dominé par la robotique industrielle, qui pesait en 2009 plus de 18 milliards de dollars, avec 100.000 robots déjà vendus à l'industrie automobile, aéronautique, manufacturière (etc...), avec 8,7 millions de robots installés dans le monde selon l'International Federation of Robotics (IFR). Mais d'ici 10 ans, c'est bien le robot domestique qui devrait faire son entrée massive dans les foyers. Ce marché très prometteur est estimé à 3,3 milliards de dollars en 2009, avec 8,7 millions de robots installés dans le monde selon l'International Federation of Robotics (IFR). Mais les professionnels veulent croire que ce marché va exploser. Bruno Bonnell parle volontiers de « nouvelle frontière » après la révolution numérique. Toujours selon l'IFR, ce marché des robots de services pourrait ainsi être multiplié par trente à plus de 85 milliards de dollars d'ici 2018... Il devrait doubler dans les trois prochaines années pour atteindre les 100 milliards de dollars à l'horizon 2020, selon les données de l'International Federation of Robotic.
De nombreux fabricants asiatiques, japonais et sud-coréens, leaders sur ce marché, mais également américains, ont fait le déplacement à Lyon pour présenter leurs inventions et découvrir celles de leurs concurrents. Parmi eux, Colin Angle, président de l'américain I-Robot, numéro un mondial du robot de service, présenté comme le "Bill Gates" du secteur, en référence au fondateur de Microsoft.
"L'Europe devient un marché très important pour les robots, a-t-il dit à Reuters. Aujourd'hui, elle représente 30 % du marché mondial, les USA 20 % et l'Asie 50 %, mais on va assister rapidement à un rééquilibrage à trois tiers." I-Robot présente l'une des stars du salon, PackBot, robot actuellement utilisé dans la centrale nucléaire japonaise de Fukushima-Daichi, fortement endommagée par les séisme et tsunami du 11 mars. "Il va placer les compteurs Geiger dans la zone irradiée pour voir si on peut y pénétrer", explique Colin Angle.
Autre robot à l'oeuvre au Japon : "Warrior", qui actionne les pompes à incendie destinées à refroidir le coeur de la centrale et à remplir la piscine. I-Robot a envoyé quatre de ces robots sur les lieux du sinistre. "Ces interventions vont montrer au monde entier que les robots peuvent désormais être très utiles dans les catastrophes naturelles et les catastrophes industrielles", souligne Colin Angle.
En France, les robots domestiques commencent à pénétrer les foyers, tels "Roomba", le robot aspirateur. Vendu à 100.000 exemplaires en France en 2010 (contre un millier en 2006), son marché pourrait doubler dans les deux ans. "Il représente aujourd'hui 77 % du marché de la robotique de service en France mais il ouvre la porte à beaucoup d'autres", explique Bruno Bonnell, par ailleurs P-DG de Robopolis, qui distribue le Roomba.
Le "Karotz", développé par le français Mindscape, est un lapin domestique intelligent, classé dans les robots communicants. Il renseigne sur la météo, donne des informations, lit les mails et les pages Facebook et surveille même la maison, les devoirs des enfants et le gâteau qui cuit au four grâce à sa caméra.
Autre innovation, les voitures-robots du français Cybergo, qui devraient faire leur apparition dans quelques mois dans des villes tests. Sans chauffeur, elles desservent par exemple les zones piétonnes non autorisées aux transports en commun classiques. Les tours de bureaux de Roppongi Hills à Tokyo sont, depuis plusieurs années, envahies la nuit par des équipes de robots nettoyeurs. L'Europe n'en est pas encore là, même si ce type d'appareil et de fonction se développe en version domestique. Pour beaucoup, l'avenir de la robotique sur le vieux continent passe d'abord et très certainement par ces machines censées simplifier la vie de tous les jours.
L'exemple du robot aspirateur -petite machine qui se glisse sous les meubles et travaille lorsque la maison est vide avant de retourner à sa borne de recharge- est l'exemple le plus parlant. Dans ce domaine, l'offre devrait s'étoffer rapidement. Le coréen Yujin, par exemple, a développé un produit qui est vendu en Europe sous la marque Philips.
L'acceptation d'un robot de ce type dans une maison est possible principalement parce qu'il règle un problème de tous les jours sans empiéter nullement sur la vie de la famille. Les craintes d'une invasion progressive par les robots ne sont donc pas relancées. Colin Angle en est lui aussi convaincu. L'avenir des robots de service passe par le nombre de problèmes qu'ils vont progressivement résoudre.
Cette première étape pourrait être suivie par une autre, celle de la robotisation plus large d'objets usuels. Une lampe peut interagir davantage avec son environnement. « Non seulement elle peut proposer un éclairage plus adapté, mais elle peut aussi devenir une interface, explique Pierre Yves Oudeyer, chercheur à l'INRIA Bordeaux et directeur de l'équipe Flowers spécialisée en robotique développementale et sociale. Rien n'empêche cette lampe, estime-t-il, de composer un numéro de téléphone ou d'observer autour d'elle des enfants en train de jouer ».
Autre exemple de tendance robotique : iRobot qui développe des robots fort peu humanoïdes mais très « utiles », comme Ava. Ava est une espèce d'assistant domotique qui commande tous les terminaux en réseau de la maison : des volets roulants à la lumière, en passant par l'écran de télévision-ordinateur et le four de la cuisine. iRobot espère le commercialiser d'ici trois ans. Cette voie du majordome-robot est également explorée par la start-up française Gostai qui a développé, avant iRobot, le robot de télé-présence Jazz qui ressemble un peu à Ava.
Mais au-delà de la technologie, tous les cogniticiens et psychologues associés à ces recherches sont d'accord sur un point : comme le montre le succès du système de jeu Kinect de Microsoft, pour conquérir le grand public et entrer dans l'intimité de nos foyers, les robots devront se faire transparents mais, en même temps, nous comprendre et percevoir nos mimiques et nos gestes et savoir deviner notre humeur en fonction du ton de notre voix. En un mot, ils devront être dotés d'une intelligence intuitive et émotionnelle artificielle suffisamment convaincante pour sembler être "humanisés", donner l'illusion d'un lien affectif et devenir des compagnons polyvalents irremplaçables, notamment pour les personnes âgées qui vivent souvent seules et ont parfois des difficultés à accomplir les actes de la vie quotidienne.
Ces robots devront non seulement êtres capables de rendre en toute sécurité des services variés et très concrets à leurs utilisateurs mais ils devront également pouvoir prendre des initiatives relationnelles et savoir à quel moment ils doivent rassurer ou distraire leurs maîtres humains. Je suis convaincu que, d'ici à une génération, les robots seront présents partout dans notre environnement, sous une multitude de formes différentes, sans même que nous nous en apercevions, et rendront notre vie plus sûre et plus agréable en nous déchargeant de nombreuses tâches. Quant au coût de ces machines sophistiquées, il devrait être largement compensé par les économies considérables que permettront ces robots pour la collectivité, notamment en matière de santé et de maintien à domicile. Nous devrons cependant veiller à ce que chacun puisse avoir accès, s'il en a besoin, à ces nouveaux outils qui changeront profondément notre vie.
René TRÉGOUËT
Sénateur Honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat