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Edito : Les nouvelles technologies vont changer nos relations avec la mort

En ce début de novembre, alors qu'une très large majorité de Français se sont rendus dans les cimetières pour honorer les êtres chers qui les ont quittés, je pense qu'il est bien que nous nous arrêtions quelques instants pour essayer d'imaginer en quoi les Nouvelles Technologies pourraient changer nos relations avec la mort. Ces jours derniers, nombreuses ont été les familles qui se sont réunies au chaud, chez un parent, un frère ou une soeur, comme il est de tradition, et profitant de la tempête et des premiers frimas, ont sorti les albums de photos. Il suffit de parcourir les allées des cimetières pour voir la place prise par la photo dans le souvenir collectif et individuel : très nombreuses sont les tombes qui portent maintenant la photo du « Cher Disparu ». Dans ces dernières décennies est venu s'ajouter le film familial qui, de noir et blanc saccadant des années 50, est maintenant numérisé sur des mini caméscopes digitaux de quelques centaines de grammes. Mais il faut bien remarquer que le classement de tous ces témoignages du passé, que ce soit sous forme de photos, diapos, vidéos, super 8 ou autres mini-DV, qui vont du petit dernier qui vient de naître jusqu'à la mamie que nous venons d'inviter au restaurant pour fêter son 90e anniversaire, est encore une tâche ardue que bien peu entreprennent. Aussi, dès que nos échanges avec les machines qui nous entourent seront devenus totalement naturels, que nous n'aurons plus besoin d'un clavier et d'une bonne maîtrise du logiciel utilisé et que la voix seule suffira, tout laisse à penser que l'archivage pertinent des actes essentiels de notre vie et tous les êtres qui nous sont chers va devenir une attente pressante de nos concitoyens. Mais une fois que nous aurons parcouru cette première étape dont l'arrivée est maintenant bien proche (moins de 5 ans) avec des processeurs qui dépassent le giga, il est intéressant d'imaginer ce que pourraient devenir nos relations virtuelles avec nos êtres ainsi disparus. La montée en puissance continue des processeurs, l'arrivée des larges débits pour Monsieur Toutlemonde, la progression stupéfiante des outils de traitement de l'image, le développement de standards universels mais aussi les progrès très sensibles dans la construction de mondes virtuels hyper-réalistes sachant tromper avec de plus en plus d'efficacité les cinq sens qui relient notre cerveau à son environnement, nous incitent à penser que les relations avec nos morts, donc avec la mort, ne seront plus les mêmes dans quelques courtes décennies. Dès que les outils que je viens de citer seront pleinement opérationnels et que nos échanges avec les machines deviendront totalement naturels, c'est-à-dire qu'elles sauront utiliser les sens humains pour communiquer avec nous, une nouvelle intelligence se glissera dans les technologies pour créer autour de nous des mondes nouveaux. En traitant les images innombrables et la grande quantité de son qui seront saisies sur chacun pendant toute sa vie (dans la mesure où il l'acceptera...) il nous sera proposé de reconstituer des familles « virtuelles » dans lesquelles des êtres vivants et des êtres disparus se rencontreront et échangeront. Cette vision de l'avenir sera ressentie comme une élucubration sans valeur par beaucoup d'entre vous... et je vous comprends ! Toutefois, alors que dans notre mémoire nous essayons de tenir vivaces les souvenirs des êtres chers, je ne vois pas les raisons qui nous empêcheraient d'accepter que ces souvenirs soient dorénavant non seulement préservés mais aussi traités par la machine et lorsque nous aurons franchi ce pas, rien n'interdira à la machine de nous entraîner vers le futur puisque des trois états du temps, seul le présent est réel et que le futur est aussi virtuel que nos souvenirs. Comme je l'ai souvent dit, il ne faut pas mésestimer l'importance de ces temps qui arrivent car l'être fragile et malheureux pourrait se réfugier sans idée de retour dans ces mondes virtuels.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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