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Une nouvelle méthode pour séparer efficacement l’hydrogène et le lithium de l’eau de mer pour nos batteries

La plus grande partie de l’hydrogène produit aujourd’hui provient de sources de combustibles fossiles, ce qui accroît considérablement l’impact sur l’environnement et l’empreinte carbone. L’électrolyse électrochimique de l’eau, c’est-à-dire séparer l’eau en hydrogène et en oxygène, utilisant des énergies renouvelables comme moteur (éolien et solaire), apparaît comme une méthode écologique pour la production en masse d’hydrogène vert.

Il faut savoir que, traditionnellement, l’eau doit être pure pour réaliser ce processus, afin d’éviter des réactions annexes aux électrodes et des problèmes de corrosion résultant des composants complexes de l’eau de mer. De fait, les électrodes ont une durée de vie extrêmement courte. L’utilisation de revêtements de polyanions pour résister à la corrosion par des ions chlorure ou des électro-catalyseurs hautement sélectifs ne permet pas de résoudre le problème.

Mais utiliser de l’eau pure, et donc potentiellement potable, soulève d’autres problématiques. D’une part, l’eau douce est une ressource précieuse actuellement, dans le contexte de la crise climatique. Selon l’OMS, une personne sur trois dans le monde n’a pas accès à l’eau potable. D’autre part, le dessalement de l’eau demande une bien trop grande quantité d’énergie, qui rendrait inefficiente l’électrolyse qui s’en suit. Sans compter que le système de dessalement volumineux et indépendant rend les systèmes d’électrolyse d’eau de mer moins flexibles en matière de taille.

Face à ce constat, la séparation électrolytique de l’eau salée est cruciale. Récemment, un groupe de chercheurs de l’Université Nanjing Tech (Chine) a mis au point une technique innovante permettant de séparer directement l’hydrogène de l’eau de mer salée, via un électrolyseur d’eau de mer à membrane. Leur étude est publiée dans la revue Nature.

Le principe de l’électrolyse repose sur la présence de deux électrodes dans les électrolyseurs, revêtues chacune de catalyseurs faisant passer le courant dans l’eau. Une membrane sépare l’hydrogène et l’oxygène lorsque les gaz sortent de l’eau de chaque côté. Comme mentionné précédemment, les impuretés dans l’eau de mer peuvent provoquer des réactions secondaires et de la corrosion. Plus précisément, les catalyseurs actuels convertissent les ions chlorure de l’eau de mer en chlore gazeux à l’anode. Le chlore est un gaz extrêmement réactif et corrosif, et il peut dégrader les catalyseurs et les électrodes, raccourcissant la durée de vie de l’appareil, explique Zongping Shao, co-auteur et professeur de génie chimique à l’Université Nanjing Tech.

D’autres ions dans l’eau de mer, tels que le magnésium et le calcium, réagissent également avec le catalyseur et forment des sous-produits qui peuvent bloquer les membranes. De plus, toutes ces réactions secondaires réduisent l’efficacité de l’électrolyseur. Pour surmonter ces obstacles, l’équipe utilise une solution concentrée d’électrolyte d’hydroxyde de potassium pour tremper les électrodes, et une membrane poreuse aide à séparer la solution d’électrolyte de l’eau de mer. La membrane, à base de PTFE bon marché, imperméable, respirante et anti-biofouling, riche en fluor, bloque l’eau liquide mais laisse passer la vapeur d’eau.

Concrètement, lorsque l’électricité passe à travers les électrodes, elle sépare l’eau dans la solution d’électrolyte. La concentration de la solution augmente encore, créant une différence de pression entre l’électrolyte et l’eau de mer à l’extérieur des membranes. La différence de pression de vapeur d’eau entre le côté eau de mer et le côté électrolyte « fournit une force motrice pour la gazéification (évaporation) spontanée de l’eau de mer. […] Aucune énergie supplémentaire n’est nécessaire pour assurer l’entrée d’eau dans le système », selon Shao.

En effet, la vapeur d’eau de mer se diffuse à travers les membranes dans l’électrolyte, où elle redevient de l’eau liquide, mais propre, les ions et autres impuretés de l’eau de mer restant à l’extérieur de la membrane. Puis l’électrolyseur fonctionne de manière habituelle pour séparer l’hydrogène et l’oxygène. Pour démontrer le caractère pratique du dispositif, l’équipe a fabriqué un appareil de démonstration contenant 11 cellules d’électrolyse. Ils l’ont testé avec de l’eau de mer de la baie de Shenzhen.

Ce système a fonctionné de manière stable, sans panne, pendant plus de 130 jours, produisant 386 litres d’hydrogène par heure. Cela revient à une densité de courant de 250 milliampères par centimètre carré pendant plus de 3200 heures dans des conditions d’application pratique. L’équivalent du fonctionnement, sur un peu de plus de 3 km, d’une voiture électrique standard. De plus, l’appareil n’a montré aucun signe de corrosion sur les électrodes, démontrant l’efficacité à 100 % des membranes pour bloquer les ions nocifs aux instruments.

Les chercheurs tentent maintenant d’améliorer l’efficacité du système, en testant des électrolytes autres que l’hydroxyde de potassium et différents matériaux pour les électrodes et les catalyseurs.

Shao explique que leur appareil pourrait être utilisé pour produire de l’hydrogène tout en récupérant simultanément des ressources utiles telles que le lithium à partir de l’eau. La technique pourrait être étendue à d’autres applications que la production d’hydrogène, comme la dépollution des eaux usées industrielles, permettant une réduction notable de l’impact sur l’environnement et la qualité de l’eau.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

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