RTFlash

Vivant

Des molécules pour éliminer les excès de métaux dans le sang

Née de travaux menés à l’Institut lumière matière, la start-up MexBrain développe des biopolymères capables de capter et retenir des métaux hors de la circulation sanguine. Ces molécules sont utilisées dans des appareils d’hémodialyse, dans l’espoir de soigner des pathologies associées à des dérégulations de l’homéostasie métallique.

Qu’ils soient naturellement présents dans l’organisme ou non, l’excès de métaux libres dans le sang est lié à différentes pathologies. Ces dérégulations de l’homéostasie métallique sont généralement abordées par phlébotomie, c’est-à-dire par saignées, ou par une thérapie de chélation, qui consiste à injecter dans la circulation des molécules qui capturent et éliminent les surplus de métaux dans le sang. Ce traitement, bien que très courant, souffre d’effets secondaires pouvant aggraver certains symptômes.

La quête pour des solutions thérapeutiques originales a franchi une nouvelle étape grâce à la start up lyonnaise MexBrain. Fondée en 2017, MexBrain est issue de travaux de chercheurs de l’Institut lumière matière (ILM), avec l’aide de chimistes, biologistes, vétérinaires et cliniciens du laboratoire Ingénierie des matériaux polymères et de l’école VetAgro Sup. Signe de l’intérêt suscité par MexBrain, une première levée de fonds lui a permis de récolter six millions d’euros en 2021.

« Les dérégulations de l’homéostasie métallique concernent à la fois des métaux endogènes essentiels à la vie, comme le cuivre et le fer, et des composés exogènes toxiques, tels que le plomb ou le cadmium », précise François Lux, maître de conférences à l’Université Claude Bernard de Lyon et cofondateur de MexBrain. Nous développons des traitements dans le cadre de la maladie de Wilson, mais les excès de métaux dans le sang sont plus généralement liés à des problèmes de stress oxydant et d’inflammation ». La maladie de Wilson est une pathologie génétique marquée par l’accumulation de cuivre dans l’organisme. Elle s’en prend aussi bien au foie qu’au cerveau.

MexBrain s’intéresse de plus aux hémochromatoses secondaires, une famille d’atteintes où un excès de fer, souvent lié à de multiples transfusions sanguines, provoque des lésions au foie, au pancréas, au cœur ou encore à la glande pituitaire. Les dérégulations de l’homéostasie métallique sont également liées à la formation des plaques amyloïdes impliquées dans les maladies de Parkinson ou d’Alzheimer, et accentuent la neurodégénérescence causée par le stress oxydant. La présence de fer ou de cuivre catalytique dans le sang, même en faibles quantités, peut également avoir un impact négatif pour les patients en unité de soin intensif, notamment dans les cas de sepsis, de pathologies du foie ou du rein. Ces dernières pathologies sont des indications de choix pour la start-up MexBrain, les praticiens ayant souvent recours à la dialyse.

Pour mieux traiter la maladie de Wilson, MexBrain a combiné des appareils d’hémodialyse, la dialyse du sang, avec des polymères chélatants. Principalement associée aux insuffisances rénales dans l’inconscient collectif, la dialyse est en effet une technique plus générale de purification de solutions à travers une membrane. Dans le système de MexBrain, le sang passe dans l’appareil où les métaux excédentaires sont éliminés grâce à l’action de biopolymères chélatants, qui n’entrent jamais dans la circulation sanguine.

D’un point de vue physico-chimique, la chélation est un phénomène où un ligand s’attache, par au moins deux liaisons de coordination, à un cation métallique, formant ainsi un complexe. Les biopolymères chélatants utilisés ici sont basés sur du chitosane, un polymère lui-même obtenu à partir de la chitine, une molécule naturelle que l’on retrouve dans la carapace des crabes et des crevettes, ainsi que dans les champignons. En plus d’être biocompatible, le chitosane a l’avantage d’être abondant et bon marché, car issu de déchets de l’industrie agroalimentaire.

Les chercheurs ont donné au chitosane un pouvoir chélatant en le fonctionnalisant avec du Dotaga, un ligand utilisé dans la conception d’agents de contraste employés pour des examens comme les IRM. La masse de l’ensemble l’empêche de traverser la membrane de l’hémodialyse. Une autre opération chimique, une acétylation, a permis de rendre le tout soluble à pH physiologique afin de remplir son rôle au contact du sang. Le biopolymère ainsi obtenu est déployé dans un système d’hémodialyse, qui parvient alors à capter spécifiquement certains métaux à l’extérieur de la membrane, ce qui signifie qu’ils ne peuvent ensuite plus repartir dans le sang.

Le polymère chélatant reste lui aussi à l’extérieur de la circulation sanguine, qu’il ne rejoint jamais. L’équipe de MexBrain a cependant bien vérifié que si cela arrivait par accident, le produit n’était pas toxique. Ce système d’hémodialyse a également été testé avec succès sur des moutons et trois membranes de dialyse commerciales différentes, là encore sans problèmes de toxicité. En deux cessions de quatre heures, plusieurs centaines de microgrammes de cuivre et de fer ont pu être extraites.

Un essai clinique pour le traitement de la maladie de Wilson est prévu pour 2022, puis MexBrain se penchera sur d’autres pathologies liées à des taux anormaux de métaux dans le sang. Le système de MexBrain pourrait par exemple aider les patients souffrant de sepsis, car un taux élevé de fer dans le sérum est associé à un mauvais pronostic vital, ou d’atteintes chroniques du foie ou des reins.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

ANR

Noter cet article :

 

Vous serez certainement intéressé par ces articles :

Recommander cet article :

back-to-top