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Un médicament contre le cancer du sein pour traiter les myopathies

Les myopathies regroupent plus de 200 maladies neuromusculaires, dont la plupart sont d’origine génétique. Toutes se caractérisent par une fonction musculaire altérée, mais elles se distinguent par des mutations et des mécanismes physiopathologiques différents. À l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg, l’équipe de Jocelyn Laporte en étudie deux familles : les myopathies centronucléaires liées à des mutations des gènes DNM2 ou BIN1, et les myopathies myotubulaires liées à une mutation de MTM1. « Les anomalies cellulaires engendrées par ces différentes mutations se traduisent par une activité excessive de la dynamine 2, une protéine en charge de la réorganisation de la membrane des cellules musculaires. Ce phénomène limite la capacité des cellules musculaires à se contracter », explique le chercheur.

Avec son équipe, il vient de montrer que l’administration de tamoxifène, un anticancéreux utilisé dans le cancer du sein, améliore la contractilité des muscles dans un modèle animal de la myopathie centronucléaire. « Il s’agissait d’une étude dite de repositionnement », poursuit-il. « Cela consiste à étudier une molécule déjà commercialisée pour savoir si elle pourrait être efficace dans d’autres maladies ». Cette approche permet d’identifier de nouveaux traitements plus rapidement que par la voie classique, puisque leur toxicité chez l’humain est déjà connue.

Le tamoxifène possède une activité anti-œstrogénique au niveau du tissu mammaire, mais il semble avoir aussi un effet favorable sur le fonctionnement des cellules musculaires. Il y a quelques années, cette particularité a motivé des chercheurs à évaluer l’effet du tamoxifène dans un modèle animal de la myopathie de Duchenne, la plus fréquente des atteintes musculaires génétiques, dans laquelle une perturbation de la cohésion du tissu musculaire conduit à la dégénérescence progressive des muscles. « Les résultats probants qui ont été obtenus ont conduit à la mise en place d’un essai clinique, actuellement en cours », relate Jocelyn Laporte

Les myopathies centronucléaires et les myopathies myotubulaires sont différentes de la myopathie de Duchenne : elles ne sont pas associées à une dégénérescence des cellules musculaires mais à leur très faible contractilité. Le chercheur a voulu savoir si l’administration de tamoxifène pouvait néanmoins avoir un intérêt équivalent dans ces maladies. Après avoir confirmé cette hypothèse dans les myopathies myotubulaires en 2018, son équipe montre donc aujourd’hui que le médicament semble également bénéfique en cas de myopathies centronucléaires. Ces démonstrations ont été réalisées chez des souris qui modélisent les deux maladies, mais « nous avons observé la même efficacité de la molécule sur les cellules musculaires humaines étudiées in vitro. Reste à confirmer ces résultats chez des malades », précise Jocelyn Laporte.

« Étant donné l’hétérogénéité des anomalies génétiques, cellulaires et moléculaires des différentes myopathies qui répondent au tamoxifène, nous avons également souhaité caractériser les mécanismes d’action de la molécule », poursuit-il. Il est apparu qu’elle conduit à une diminution intracellulaire de la quantité de dynamine 2, associée à celle d’une autre protéine, la culline 3. « Lorsqu’une protéine n’est plus fonctionnelle, elle est dégradée par la cellule. La culline 3 étiquette les protéines qui doivent être envoyées au recyclage en leur attachant une petite molécule, l’ubiquitine. Or, les taux de ces deux protéines sont corrélés : lorsque la dynamine 2 est en excès, le taux de culline 3 augmente. Sous tamoxifène, on observe une normalisation du taux de dynamine 2 et de culline 3. Nous pensons donc que le tamoxifène améliore ou renforce la dégradation de la dynamine 2 ».

Depuis quelques semaines, un essai clinique est conduit pour évaluer l’efficacité du tamoxifène dans les myopathies myotubulaires et le chercheur espère qu’une nouvelle étude pourra être rapidement mise sur pied pour conduire le même travail dans les myopathies centronucléaires. Parallèlement, il élargit ses travaux précliniques à de nouveaux groupes de myopathies. « L’étude clinique qui est en cours dans la myopathie de Duchenne montre de premiers résultats encourageants. Les malades semblent récupérer une meilleure fonction musculaire, sans effets secondaires majeurs. On peut donc espérer qu’il en sera de même dans les myopathies centronucléaires et myotubulaires », conclut Jocelyn Laporte.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Inserm

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