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Mais où est donc passée la masse manquante de l'univers ?

Dans notre univers, la matière ordinaire ou baryonique, ne représente que 5 % du total. Et encore la matière visible qui donne sa substance à nos corps ou aux étoiles ne ressemble-t-elle qu'à une mince pellicule de givre à la surface de l'ensemble : 0,5 %. Les 95 % restant participent à l'énorme masse "manquante", qui échappe à notre regard. Les certitudes sont rares et les hypothèses nombreuses pour tenter de résoudre cette énigme cruciale pour la compréhension de l'évolution cosmique. Pourquoi les astronomes sont-ils certains que celle-ci ne représente qu'un vingtième de la totalité de la masse critique de l'Univers ? Tout simplement parce que la théorie du Big Bang, ce modèle standard cosmologique qu'aucune observation n'a démenti jusqu'ici, a fixé très précisément la quantité de matière qui a participé aux fusions nucléaires des premières minutes de l'Univers, à l'origine des tout premiers éléments chimiques. Ceux-ci se sont ensuite combinés dans les fonderies surchauffées des étoiles pour donner les éléments lourds qui nous composent aujourd'hui. Mais ils n'ont jamais été assez nombreux pour aller au-delà des 5 %.

La matière noire, composée d'éléments invisibles, sans rayonnement, électriquement neutres et qui n'interagissent pratiquement pas avec la matière ordinaire, fournirait 25 % de la masse critique de l'Univers. Principalement répartie en halos autour des parties visibles des galaxies, c'est elle qui leur fournit le supplément de force d'attraction nécessaire pour garder les étoiles en leur sein. Mais pour l'instant un seul des composants de cette matière noire a eu l'obligeance, en 1956, de se signaler aux physiciens des particules. Ce sont les neutrinos, d'une masse infime et d'une vitesse extrême, dégageant de la chaleur. Ils composent la "matière noire chaude" qui n'a qu'un seul défaut : celui de ne contribuer que très marginalement à la totalité de la masse de l'Univers, aux alentours de 0,3 %. En plus grande quantité, l'hyperactivité des neutrinos aurait dilué les ferments des galaxies et empêché la formation d'un Univers tel que celui que nous connaissons. Les astronomes ont donc postulé l'existence d'une "matière noire froide", composée d'éléments plus massifs et moins actifs, davantage conforme aux modèles théoriques mais souffrant aussi d'un handicap majeur : personne n'a pu, jusqu'ici, en démontrer l'existence. Le principal élément candidat pour fournir les plus gros bataillons de matière noire froide est le neutralino. Plusieurs expériences, telles que celle, franco-allemande, menée sous plusieurs centaines de mètres de rochers, dans les Alpes, le traquent actuellement.

La confirmation matérielle de son existence aurait des répercussions immenses sur la cosmologie moderne, mais toutefois bien insuffisantes pour lever la totalité du mystère de la masse manquante. Les deux tiers de la masse totale de l'univers serait en effet constituée de cette mystèrieuse énergie noire dont on ne sait pas grand choses. Non seulement elle apporterait 70 % de la masse cosmique, mais, en plus, elle fournirait une réponse satisfaisante à cette découverte déduite, en 1998, de l'éloignement inattendu de certaines supernovae et qui n'en finit pas d'estomaquer les astronomes : l'expansion de l'Univers est en train d'accélérer. Une force qui repousse au lieu d'attirer serait en train de prendre le dessus sur la gravité. Cette force, Albert Einstein en avait eu l'intuition, dès 1917, lorsqu'il l'avait glissée dans sa théorie de la relativité générale pour contrebalancer l'attraction gravitationnelle de la matière et garantir un Univers stable. Il l'avait baptisée "constante cosmologique", puisqu'elle s'exerçait en tout point avec la même puissance.

Mais il y avait renoncé quelques années plus tard, la considérant inutile à partir du moment où l'expansion de l'Univers avait été démontrée. Avec l'énergie noire, la "constante cosmologique" est donc de retour. Mais sous quelle forme réelle peut se traduire un tel principe théorique ? Certains ont pensé qu'il s'agissait de l'"énergie du vide", due aux fluctuations des champs quantiques du vide. Mais cette théorie souffre de plusieurs graves défauts : la physique quantique, dont elle est issue, n'est pas compatible avec la gravitation. Surtout, mise en équation, l'énergie du vide est d'un tel ordre de grandeur qu'elle pulvériserait l'Univers instantanément. D'autres physiciens ont donc pensé que l'énergie noire ne pouvait être constante, qu'il fallait lui donner corps en inventant une force d'une nature nouvelle, la "quintessence", variable dans le temps. En l'état actuel des recherches, le débat fait rage pour trouver ces fameux 70 % de la masse critique, puisque aucune théorie n'a réussi à s'imposer aux autres.

Le Monde

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