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La lutte contre la pandémie passe aussi par la recherche fondamentale

Une seule protéine située à la surface du nouveau coronavirus est responsable de sa transmission chez l’humain et de la pandémie qui en a découlé. Poussés par les développements technologiques majeurs des dernières années, les scientifiques connaissent déjà sa structure et sa composition, ce qui pourrait grandement aider la recherche pour un traitement et un vaccin. La protéine en question est nommée protéine S pour spicule ou spike en anglais. Sa structure a été découverte par un groupe de recherche américain. Elle entoure la particule virale et forme les pointes de sa couronne. C’est aussi elle qui permet au virus d’infecter les cellules humaines.

Les virus se servent de leurs protéines S pour pénétrer dans la cellule en interagissant avec les protéines appelées ACE2 à la surface de la cellule, explique Pierre Talbot, virologiste et directeur du Laboratoire de neuro-immunovirologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Un peu comme si le coronavirus avait réussi à trouver une fausse clef qui arrive à débarrer (ouvrir) la serrure pour entrer dans la cellule humaine. Une fois à l’intérieur, le virus se sert de la machine cellulaire pour produire d’autres virus. C’est un peu comme un pirate qui prend le contrôle de la cellule, illustre le virologiste.

Un peu par hasard, à travers quelques mutations génétiques, quelque part entre la chauve-souris, une autre espèce — un pangolin peut-être — et l’homme, le virus de la COVID-19 est tombé sur une variante dotée d’une protéine S particulièrement bien adaptée à la protéine ACE2 de l’humain. La bonne relation entre les deux protéines pourrait expliquer en partie l’ampleur qu’a prise la pandémie. Ce qui fait que ce coronavirus est aussi infectieux, c’est probablement entre autres à cause de la très bonne affinité entre les deux protéines, suggère Nicolas Doucet, un biochimiste de l’INRS spécialisé en protéine et en biologie structurale.

Le terme important, c’est affinité. Deux composés chimiques ont de l’affinité l’un pour l’autre lorsque leurs propriétés électrochimiques font en sorte qu’ils s’attirent, un peu comme des aimants. Pour simplifier, les protéines sont de longues chaînes d’acides aminés qui se replient l’une sur l’autre selon leur composition. L’ordre et le choix des acides aminés sont décidés par le code génétique et c’est ce qui détermine la structure finale de la protéine et les interactions qu'elle aura avec son milieu.

Si on remplace un acide aminé par un autre dans la chaîne, on peut changer complètement l’affinité de l’une des protéines pour l’autre. C’est ça qui est surprenant, ça tient vraiment à peu de choses, s’émerveille Nicolas Doucet. Connaître les atomes et la structure responsable de cette affinité permet entre autres de faire des prédictions. "On pourrait par exemple trouver des anticorps neutralisants à la protéine S", souligne  le virologiste Pierre Talbot. Ce genre d’anticorps possède aussi une affinité avec la protéine du virus et arrive ainsi à bloquer l’interaction avec les protéines ACE2 de la cellule humaine.

Selon Pierre Talbot, le fait de connaître les protéines responsables de l’infection pourrait aussi permettre à des chercheurs de trouver une façon de les introduire dans le corps humain, sans rendre la personne malade. Le système immunitaire pourra apprendre lui aussi à reconnaître la protéine et à la neutraliser. C’est ainsi que sont développés les vaccins.

On pourrait essayer de mettre les protéines S sur une base, comme un autre virus qui n’affecte pas les humains, comme ce fut le cas pour le développement d’un vaccin contre l’Ebola, donne en exemple le virologiste. Ainsi, la prochaine fois que le système immunitaire est exposé à ces protéines avec un véritable coronavirus, il aura déjà développé ses défenses pour empêcher l’infection.

Il y a à peine 5 ou 10 ans, les scientifiques auraient peut-être attendu beaucoup plus longtemps avant de connaître la structure de la protéine et d’avoir le coup de pouce qui vient avec cette connaissance. Cette rapidité n’est possible que grâce aux avancées des dernières années dans une technique de caractérisation nommée, la cryomicroscopie électronique, cryoEM pour les intimes.

Il y a quelques années à peine, la technique aurait juste donné un gros blob avec aucune information moléculaire et atomique claire, relate le biochimiste, prédisant qu’elle finira probablement par supplanter les autres techniques plus anciennes. C’est pour lui une belle démonstration de l’utilité des travaux qui se font en science fondamentale.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Radio Canada

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