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La loi DADVSI entre en vigueur après son durcissement par le Conseil Constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a validé, dans sa décision 2006-540 du 27-07-2006 l'essentiel de la Loi du 1-08-2006 relative aux droits d'auteurs dans la société de l'information qui est entrée officiellement en vigueur le 3 août avec sa publication au Journal Officiel.

Le Conseil constitutionnel a toutefois censuré quatre articles de cette loi. Le groupe socialiste de l'Assemblée avait déposé le 7 juillet un recours sur ce texte auquel s'étaient associés les trois députés Verts, quatre membres du groupe communiste et républicain et deux UDF, dont François Bayrou, président de la formation centriste. Le Conseil a rejeté "la plus grande partie de l'argumentation des requérants" et déclaré anti-constitutionnels les articles 21, 22, 23 et 24, précise un communiqué.

Le Conseil constitutionnel a estimé que la notion « d'interopérabilité », c'est-à-dire la possibilité de lire sur le support de son choix une oeuvre achetée légalement, n'était pas définie par le texte de loi « en des termes clairs et précis ». Les articles qui exonéraient de responsabilité pénale ceux qui contourneraient les systèmes de protection techniques des oeuvres (DRM) ont donc été censurés. Pour les juges constitutionnels, il appartiendra à une future autorité de régulation de veiller à la mise en oeuvre de cette interopérabilité et de demander, moyennant indemnisation, aux industriels de permettre « l'accès aux informations essentielles », relatives aux DRM.

Cette décision "n'affecte en rien la capacité de l'Autorité de régulation des mesures techniques créée par la loi à mettre en oeuvre l'interopérabilité", a toutefois assuré le ministre de la Culture. Cette Autorité sera "mise en place très rapidement dès la rentrée", a-t-il précisé.

Les modifications décidées par le Conseil constitutionnel

Le premier point concerne l'article 21 (l'amendement "Vivendi Universal"), sur les sanctions encourues par les éditeurs de logiciels peer-to-peer (3 ans d'emprisonnement et 300.000 euros d'amende). Son dernier alinéa a été supprimé par le Conseil constitutionnel. Il indiquait que les sanctions n'étaient pas applicables «aux logiciels destinés au travail collaboratif, à la recherche ou à l'échange de fichiers» non soumis au droit d'auteur. Selon les Sages, cette mesure institue «une cause d'exonération» des sanctions dans des «conditions imprécises et discriminatoires.

Le deuxième point porte sur les articles 22 et 23, qui précisent que le détournement des fameuses mesures de protection (MTP) contre la copie est interdit. Le Parlement avait instauré une exception à cette interdiction, pour «les actes réalisés à des fins d'interopérabilité». C'est cette disposition qui a été censurée par le Conseil, jugeant «imprécise» la définition d'interopérabilité. Il est donc désormais interdit de détourner une mesure de protection, même si c'est nécessaire pour pouvoir lire correctement un fichier légalement acheté.

Le troisième point, de loin le plus important, annule l'article 24 qui définit l'échange de fichiers protégés sur les réseaux peer-to-peer comme une simple contravention (entre 38 et 150 euros d'amende). Les sanctions pour les internautes pris sur le fait devaient être précisées par décret, par le ministère de la Culture. Pour les Sages, la qualification en tant que contravention est «contraire au principe d'égalité devant la loi». En conséquence, le téléchargement et la mise à disposition sur les réseaux peer-to-peer seront à nouveau assimilés à des actes de contrefaçon. Cette décision de Conseil constitutionnel entraîne donc un net durcissement de la loi puisque, pour ces délits, les internautes risquent jusqu'à 3 ans de prison et 300.000 euros d'amende.

Le Conseil a par ailleurs émis plusieurs «réserves d'interprétation». La principale concerne l'Autorité de régulation des mesures techniques, censée trancher les litiges sur l'interopérabilité entre plates-formes de distribution et éditeurs de DRM (gestion numérique des droits). Dans l'article 14, le texte précise que cette Autorité peut forcer un éditeur à fournir au requérant les informations nécessaires à l'interopérabilité.

Rappelons que l'examen du projet de loi sur les droits d'auteur en ligne, défendu par le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, avait été des plus mouvementé à l'Assemblée. Le gouvernement avait même dû interrompre son examen à la mi-décembre. Contre son avis, des amendements avaient été adoptés ouvrant la voie à la "licence globale", un dispositif qui consiste à légaliser le téléchargement sur le Net pour usage privé en contrepartie d'une rémunération forfaitaire versée aux auteurs.

Le texte adopté le 30 juin prévoit notamment une série de sanctions graduées pour les internautes. Il prévoit une amende de 38 euros pour ceux qui téléchargent illégalement et de 150 euros pour ceux qui mettent à disposition une oeuvre sur le Net sans l'accord des détenteurs de droits. Le texte comporte également des sanctions, pouvant aller jusqu'à de la prison, pour les auteurs de contournement des mesures techniques de protection ou Digital Rights Management (DRM) contre le téléchargement illégal.

Dans un communiqué du 28 juillet, le ministre de la Culture, qui se déclare satisfait de la validation de « l"essentiel » du projet de loi, réaffirme toutefois « qu"il est nécessaire que les sanctions soient justes et proportionnées (...) et annonce qu"il va saisir le Garde des Sceaux afin que les poursuites soient orientées vers les cas les plus graves ».

Lionel Thoumyre, coordinateur de l'Alliance Public-Artistes (un collectif qui regroupe des organisations telles que l"UFC-Que Choisir, la Spedidam, l'Adami ou l"association Les Audionautes), estime que « la mise en oeuvre de l"interopérabilité est réduite à une peau de chagrin » et que, au mieux, dans la loi, « la référence à ce concept n"est désormais que symbolique ». En clair, selon lui, avec le projet de loi DADVSI, Apple, Sony et microsoft voient leurs positions renforcées. Il estime par ailleurs qu'avec le renforcement de la loi, "dix millions d'internautes sont à nouveau sous la menace de la prison".

Pour l'association des audionautes (ADA), "cette décision fait de la loi DADVSI le texte le plus dur jamais passé dans le monde". "La décision du Conseil a ramené le curseur au point où se trouvait le projet de loi le 21 décembre 2005, avant d'être débattu par le parlement", assure Bruno Ory-Lavollée, directeur de la Société civile pour l'Administration des Droits des Artistes et Musiciens (Adami). Pour lui, il s'agit d'un retour "consternant" à la case départ.

Dans un communiqué, l'association UFC- Que Choisir affirme, elle, que la décision rendue par le Conseil constitutionnel « a censuré les dispositions du texte les moins défavorables aux consommateurs, ce qui aboutit à renforcer la logique inadmissible du “tout répressif” du projet de loi ».

Quant à l'industrie musicale, elle se félicite logiquement, à travers le SNEP (Syndicat National de l'Edition Phonographique), de l'importance que le Conseil attache au respect [...] de la propriété littéraire et artistique". Pour sa part le Sev (Syndicat de l'édition vidéo) souhaite que "la loi soit promulguée dans les meilleurs délais."

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