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L’inosine, un ingrédient possible des débuts de la vie

L'une des grandes énigmes de la science concerne les débuts de la vie. Celle-ci serait apparue sur Terre il y a trois milliards et demi d’années, mais son déroulement reste à préciser. Dans le scénario de « l’hypothèse du monde à ARN », l’acide ribonucléique, ou ARN, aurait eu une place centrale très tôt dans le développement de la vie.

Mais cette piste s’accompagne de nombreuses questions, notamment les composés chimiques présents sur la Terre primordiale permettaient-ils la synthèse de l’ARN ou d’une forme apparentée ? Et cette dernière était-elle néanmoins capable de stocker l’information génétique en vue de son auto-réplication ? Jack Szostak, de l’Université Harvard, et ses collègues, ont étudié une molécule, l’inosine, qui pourrait avoir joué un rôle clé dans ce scénario.

Aujourd’hui, l’ADN est le support de l’information génétique. Il contient les instructions pour la production de protéines, mais sa réplication n’est possible qu’en présence de certains catalyseurs, des protéines.

Dès lors, il se pose la question : qui de l’ADN ou des protéines sont apparues en premier ? En 1982, Tom Cech et Sidney Altman ont découvert (ils recevront le prix Nobel de chimie en 1989 pour ces travaux) que l’ARN, très proche chimiquement de l’ADN et capable de transporter de l’information génétique, peut aussi avoir un rôle de catalyseur, comme les protéines. Cela ouvre la possibilité d’auto-réplication de l’ARN.

Mais est-il possible de produire l’ARN, une molécule complexe, grâce à des processus de chimie prébiotique, c’est-à-dire à partir des composés présents sur Terre avant l’apparition de la vie ? Une possibilité est que la vie a commencé avec des molécules plus simples et que l’ARN est arrivée plus tard. Mais de nombreux chercheurs étudient « l’hypothèse du monde à ARN » où cette molécule est produite directement dans des conditions prébiotiques.

Cependant, même si l’ARN peut avoir un rôle de catalyseur, on ne connaît pas de processus nonenzymatiques (c’est-à-dire sans l’aide de certaines protéines) de réplication de l’ARN dans sa forme actuelle. Cela rend impossible ce scénario dans les conditions prébiotiques. Une solution est d’imaginer que les premières formes de vie auraient contenu un ARN primordial, très proche de l’ARN mais avec quelques différences, notamment dans les bases nucléiques qui constituent la molécule.

L’ARN est, en effet, un long assemblage de nucléotides comportant chacun une des quatre bases que sont l’adénine (A), la guanine (G), la cytosine (C) et l’uracile (U). Si des processus prébiotiques efficaces sont connus pour synthétiser la cytosine et l’uracile, ce n’est pas le cas pour les deux autres. L’adénine et la guanine appartiennent à la famille des purines, des composés dont la structure repose sur celle de la purine, une molécule azotée cyclique. En 2017, Jack Szostak et des collègues de l’University College de Londres ont mis en évidence la possibilité de former certaines purines, des oxo-8-purines, dans des conditions prébiotiques.

Dans cette nouvelle étude, Jack Szostak et son équipe ont examiné la possibilité de construire des ARN avec des oxo-8-purines à la place de A et G. Les chercheurs ont examiné deux facteurs importants : la rapidité de la réplication et la fiabilité de ces ARN modifiés. En effet, l’ARN est une molécule qui se dégrade vite. Elle doit donc accomplir sa mission de réplication assez rapidement. Mais le processus doit aussi se faire en limitant le nombre d’erreurs qui compromettraient l’information héritée.

Les chercheurs ont mis des oxo-8-­purines en présence de brins d’ARN, en cours d’autoassemblages selon un motif imposé. Ils ont constaté que dès que ces purines s’ajoutaient à la chaîne, la fixation d’autres nucléotides était ralentie, tandis que le nombre d’erreurs dans la synthèse devenait très important. Les chercheurs ont donc écarté ces candidats.

Ils ont aussi testé une autre purine, l’inosine. Lors d’une étude précédente, des chercheurs avaient suggéré que l’inosine n’était pas un bon candidat, mais l’équipe de Jack Szostak l’a testée dans des conditions plus proches de celles de la Terre prébiotique. Ils ont montré que l’inosine remplaçait la guanosine (la base guanine associée à un ribose dans l'ARN) sans perturber la réplication et a peut-être eu ce rôle dans l’ARN primordial. Par ailleurs, l’inosine s’obtient par une réaction de déamination de l’adénosine (la base adénine associée à un ribose). Mais reste une question, comment produire l’adénosine dans les conditions prébiotiques ?

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Pour La Science

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