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Edito : L'Europe, à nulle autre pareille

Nous sommes dorénavant plus de 300 millions à avoir dans nos poches ou notre sac les mêmes objets qui sont pour nous parmi les plus intimes, puisque nous les traînons partout : ce sont ces pièces en Euro ou centime d'Euro qui viennent de nous confirmer, de façon tangible, que l'Europe existe bien. Et pourtant, avec ces euros, le Français se fera une joie de continuer à acheter son Camembert. Mais n'en soyons pas désolés. Avec ces euros, les Finlandais continueront à acheter les ingrédients pour préparer leur Kalakukko, comme le feront les Grecs avec leurs dolmades, les Portugais avec leur bacalhau, les Irlandais avec leur colcannon, les Autrichiens avec leur Tafelspitz, le Bavarois avec son Leberkäs, le Madrilène avec ses tapas et le Romain avec son abbacchio. Oui, c'est cela la force de l'Europe : elle se nourrit de ses diversités. Ce serait une erreur de croire que nos peuples pourraient trouver le Bonheur dans l'uniformité. C'est bien parce qu'elle n'a pas de passé ou qu'elle l'a sciemment fait disparaître, pas d'Histoire multimillénaire, que l'Amérique peut se définir en quelques images trop sommaires : le Coca-Cola, les Mac-Do, les Jean's, les Cow-Boys... Le bon sens européen est authentique. Si les responsables de notre Europe veulent que l'idée d'appartenance à un même destin se développe rapidement, il va leur falloir éclairer l'avenir avec discernement. Faisons ensemble tout ce qui est nécessaire pour assurer une belle vie à nos enfants mais sachons préserver tout ce qui fait la qualité de vie de chacun d'entre nous en ne réglementant pas de façon stérile tout ce qui fait son charme à la proximité, à notre cadre de vie de tous les jours. Ainsi, tout Européen prend conscience que de grandes plaques mondiales sont actuellement en train de se constituer et de s'organiser. Dans cette compétition planétaire, nous ressentons bien, même pour les plus puissants parmi eux, qu'aucun pays européen, pris individuellement, ne fait la « maille » pour relever ces défis de l'avenir. Dans un monde où dorénavant le rang des nations ne s'évaluera plus au travers de leur capacité de lever des armées nombreuses ni même dans leurs seules capacités financières ou de production de moyens matériels, mais bien dans leurs réelles possibilités d'ajouter des savoirs nouveaux à la somme mondiale des connaissances et des expertises, maintenant que les monnaies sont unifiées, la priorité des priorités est d'apporter la meilleure éducation, la meilleure formation à chaque Européen. Pour valoriser ces savoirs et donner toutes ses chances à notre Europe dans cette compétition globale, la Recherche publique et privée devra faire jouer toutes les synergies en abattant des frontières archaïques encore trop nombreuses. Nous devrons, tous ensemble aussi, exploiter et valoriser au mieux notre capital d'expertise qui, de loin, est le premier au Monde. L'actuelle crise en Afghanistan met en évidence que l'Europe est encore un nain politique quand chacun des principaux pays qui la constituent envoie, pour l'un ses bateaux, l'autre son porte-avions, un autre son régiment de fantassins. Les lois fondamentales de chacun des Pays de notre Europe doivent confier la Défense de celle-ci à une organisation unique, forte et respectée qui reste encore à inventer. Comme nous avons déjà su le faire pour l'espace, pour l'aéronautique, sachons mettre en commun au niveau de l'ensemble de l'Europe tous nos très grands équipements scientifiques, militaires ou structurants. Par contre, la proximité étant un lien très fort que recherchent nos concitoyens pour s'ancrer dans la réalité et pour faire face aux pertes de repères qui, souvent, sont apportées par toute démarche globale, il est nécessaire que la technostructure européenne respecte les particularismes locaux et régionaux et protège même les traditions et notre mémoire. Ce n'est qu'à ce prix, avec ce nécessaire équilibre entre une démarche globale cohérente et efficace et le respect de l'individualité de chacun dans sa vie de tous les jours que l'Europe, dorénavant, pourra avancer à grands pas.

Des millions d'hommes ont donné leur vie pour fonder notre civilisation. Les Vikings, les Celtes, les Germains, les Ibères et beaucoup d'autres peuples souvent barbares se sont affrontés pour forger le creuset dans lequel a été fondue notre Société. Sachons respecter notre Histoire et alors oui, l'Europe aura un bel avenir.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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