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Edito : L'énergie éolienne pourrait combler le déficit énergétique global de la planète

Dans notre lettre 387 du 2 juin 2006, j'avais écrit un éditorial intitulé "Energie éolienne, la France doit se réveiller", qui avait suscité de nombreuses réactions et avait contribué à alimenter le débat sur ce défi majeur que représente la nouvelle donne énergétique caractérisée par un épuisement accéléré des énergies fossiles, une augmentation inéluctable du prix de ces énergies et la nécessité de prendre à bras le corps le problème majeur du réchauffement climatique planétaire.

Il y a quelques jours, la publication du dernier rapport du GWEC (conseil mondial de l'énergie éolienne) est venu éclairer d'une lumière nouvelle ce débat sur l'avenir de notre paysage énergétique et confirmer mes craintes mais aussi les extraordinaires potentialités que recèle l'énergie éolienne qui est aujourd'hui parvenue à un degré d'efficience technologique et de rentabilité économique qui rend possible son exploitation généralisée et la sortie de sa situation artisanale pour la hisser à un niveau de production industrielle d'énergie.

Ce rapport très instructif du GWEC nous montre que les experts ont largement surestimé les réserves mondiales de pétrole et de gaz et qu'un écart considérable entre l'offre et la demande pourrait apparaître d'ici les dix prochaines années. Selon les auteurs du rapport, intitulé «Plugging the Gap - A survey of world fuel ressources and their impact on the development of wind energy» (L'écart se creuse - enquête sur les ressources mondiales en combustibles et leur impact sur le développement de l'énergie éolienne), les prévisions sur l'offre émanant d'organismes tels que l'agence internationale de l'énergie (AIE) sont souvent trop optimistes, donnant ainsi une impression d'abondance et même de réserves croissantes de pétrole, de gaz et de charbon.

«Les données publiques concernant les réserves de pétrole et de gaz sont étonnamment contradictoires, écrivent les auteurs du rapport. En outre, elles ne semblent pas fiables pour des raisons juridiques, commerciales, historiques et parfois politiques. Pour obtenir une perspective plus claire des réserves disponibles, le GWEC a examiné les rapports de forage de chaque puits de pétrole, qui sont conservés dans des bases de données pouvant être utilisées par l'industrie. Nombre de ces données ne sont pas accessibles au public, mais on peut trouver des détails concernant des régions importantes et des totaux mondiaux dans des documents publiés.

Les chercheurs ont fait des constatations inquiétantes ; leurs chiffres suggèrent que la production mondiale de pétrole connaîtra un pic dans dix ans environ, puis qu'elle diminuera progressivement, alors que la demande de pétrole continuera à croître. Ils prévoient que d'ici 2030, il y aura un déficit entre l'offre et la demande équivalent à cinq fois la production actuelle de l'Arabie saoudite.

«Le déficit en pétrole est le plus urgent et le plus difficile à combler, parce qu'à ce jour aucune alternative aux combustibles liquides n'a été développée à grande échelle et qu'il ne reste guère de temps pour ce faire, observe les auteurs du rapport. Finalement, le déficit en pétrole sera comblé en combinant la réduction de la demande et l'efficacité des véhicules, les carburants liquides dérivés du charbon, les biocarburants et le gaz naturel.»

En ce qui concerne le gaz, les auteurs du rapport prédisent que la production connaîtra un pic en 2030. Toutefois, la demande augmente tellement vite que d'ici là la demande dépassera largement l'offre. Le déficit énergétique qui en résultera sera comblé en combinant l'efficacité énergétique, la production d'énergie à partir de sources renouvelables, le charbon et l'énergie nucléaire et la production de chaleur à partir de sources renouvelables.

Les réserves de charbon sont plus importantes et les auteurs du rapport estiment qu'elles ne seront pas épuisées avant la fin du XXIe siècle. Toutefois, l'impact environnemental de la production d'énergie à partir du charbon est élevé et réduire cet impact est onéreux. Globalement, les auteurs du rapport estiment qu'il y aura un déficit évident entre l'offre et la demande de pétrole et de gaz peu après 2010. Ils pensent également que l'énergie éolienne peut fournir une part importante de la solution à ce problème.

Le GWEC estime qu'une capacité éolienne de plus de 1 000 GW (gigawatts) pourrait être installée d'ici 2020, si des changements politiques significatifs sont mis en oeuvre, a ajouté Arthouros Zervos, président du GWEC. Selon le GWEC, "Ce potentiel est techniquement réalisable, mais il exigera le développement permanent de politiques visant à favoriser une intégration plus substantielle de l'énergie éolienne à la combinaison des diverses sources d'énergie."

L'objectif du GWEC peut sembler ambitieux mais il s'inscrit en fait dans le prolongement d'une tendance très forte du développement de l'énergie éolienne depuis 10 ans : 32.000 MW installées dans le monde sur cette période, soit deux fois plus que le nucléaire ! Aujourd'hui, l'énergie éolienne représente plus de 55.000 MW de puissance installée, 85.000 installations, un taux de croissance annuel de près de 25 % et plus de 150.000 salariés dans le monde.

A présent, sous l'impulsion de collectivités locales dynamiques et clairvoyantes, les projets éoliens terrestres se multiplient un peu partout sur notre territoire, dans l'Aveyron, en Lozère, dans la Haute Loire, dans le Nord. Mais notre pays ne compte encore en 2006 que 1000 MW de puissance électrique d'origine éolienne, ce qui représente une production d'électricité de 1 TWh en 2005. C'est à peine 0,2 % de notre consommation électrique et c'est 20 fois moins qu'en Espagne ou en Allemagne.

La France a la chance de disposer du deuxième potentiel éolien d'Europe après la Grande-Bretagne avec près de 70 térawatts (TW ou milliards de kilowatts) sur terre, et surtout, d'environ 90 TW en mer, soit, au total, 160 TW. Ces éoliennes situées en pleine mer auront en effet un avantage décisif sur les éoliennes terrestres : elles bénéficieront d'un vent beaucoup plus rapide et plus régulier qui permettra à ces aérogénérateurs d'atteindre un rendement moyen annuel de 40 à 50 %, contre moins de 30 % pour leurs homologues terrestres.

Quelque 4.100 MW de puissance éolienne vont être installés dans les mers danoises d'ici l'an 2030. L'énergie éolienne couvrirait alors environ 50 % de la consommation d'électricité danoise (d'un total de 31 TWh/an). L'Allemagne et la Grande-Bretagne, pour leur part, ont également d'ambitieux projets de parcs éoliens « offshore », 3000 MW pour l'Allemagne et 6000 MW pour la Grande Bretagne. En Allemagne, Les travaux de construction de Baltic I devraient débuter fin 2007. Le parc, dont le coût est évalué à une centaine de millions d'euros, comptera 21 éoliennes, d'une puissance cumulée de 54 mégawatts pouvant ainsi produire l'électricité nécessaire à quelque 57.000 foyers.

Notre pays a la chance extraordinaire de posséder à la fois un excellent potentiel de vent, de grandes surfaces terrestres disponibles et de larges façades maritimes propices au développement de parcs éoliens offshore. Il nous faut maintenant, en nous appuyant sur ces nouvelles réalités technologiques, économiques et écologiques, mobiliser toutes les énergies et mettre en oeuvre un ambitieux plan décennal de développement de l'énergie éolienne qui soit enfin à la hauteur des défis que notre pays doit relever en matière d'indépendance, d'efficacité énergétique et de respect de l'environnement. Je souhaite pour ma part que cette question majeure du développement de l'éolien et des énergies renouvelables soit au coeur des programmes et des partis et des candidats qui s'affronteront à l'occasion des prochaines échéances électorales de 2007.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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