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Edito : INTERNET : LES TYRANS ET LES DEMOCRATIES

Lorsqu’en 1957, après le lancement des satellites Spoutnik par les Soviétiques, le Département de la Défense Américaine créa l’ARPA pour réhabiliter la prééminence des États-Unis dans le domaine de la défense, par le développement des Sciences et des Technologies, ses concepteurs n’imaginaient certainement pas que leur invention majeure, en 1969, d’ARPANET, qui allait donner naissance à INTERNET, changerait la face du monde un peu plus de 50 ans plus tard…


Et pourtant, dès 1962, J.C.R. Licklider du MIT (Massachussett Institute of Technology), l’un des plus importants personnages de l’Histoire de l’Informatique, dans une série d’articles décrivait sa conception d’un « réseau galactique » avec lequel chacun pourrait accéder, rapidement et facilement, à toutes les données disponibles depuis n’importe quel point de la planète (et plus tard de n’importe quel endroit de la galaxie ?).


Jusqu’à l’invention d’Internet, toutes les télécommunications filaires reposaient sur une commutation réseau. Il suffisait qu’un fil soit coupé lors d’une conversation  téléphonique ou de la transmission d’un document en un seul grand morceau pour que tout soit irrémédiablement perdu. Avec Internet, on découpe le gros document (ou la conversation sur IP) en de nombreux petits paquets dont chacun porte l’adresse de destination. Cette commutation par paquets utilise toutes les voies disponibles et tous les nœuds accessibles à cet instant. Ainsi, un même document expédié par Internet peut voir certains de ses paquets passer par Paris, d’autres par New-York, d’autres par Londres, d’autres par Tokyo, etc… et ces divers paquets s’emboîtent automatiquement les uns dans les autres quand ils arrivent à destination. Si l’une des voies empruntées est coupée ou surchargée au moment de l’échange, un ou plusieurs paquets peuvent manquer à l’arrivée. Le destinataire s’aperçoit alors de ces manques et à la vitesse de la lumière, demande à l’expéditeur, de lui réexpédier, par une autre voie, le ou les paquets manquants.


Tout cela ne demande que quelques millisecondes, et lorsque nous parlons et nous échangeons nos images, lors d’une conversation sur IP (avec Skype, par exemple), il n’y a même plus de temps de latence entre les 2 interlocuteurs.


Depuis une vingtaine d’années, Internet a permis à notre Planète de se transformer en village. Plus d’un milliard d’êtres humains sont ainsi connectés les uns aux autres grâce à Internet.


Dès l’an 2000, dans un éditorial que j’avais alors intitulé « La création d’une démocratie universelle est maintenant inéluctable » ( http://www.rtflash.fr/creation-d-democratie-electronique-universelle-est-maintenant-ineluctable/article)  j’écrivais « au niveau mondial, l’explosion d’Internet va favoriser de manière très positive l’apparition et le développement de très puissants contre-pouvoirs susceptibles de s’opposer efficacement aux Etats, mais aussi à la puissance financière de grands groupes mondiaux… A plus long terme, on peut aussi prévoir l’avènement d’un véritable niveau de démocratie électronique planétaire sur les grandes questions essentielles… Ce niveau démocratique planétaire, dont le moteur sera l’Internet, sera d’autant plus accepté et efficace qu’il permettra également l’expression très forte des particularismes socio-culturels locaux. Même si cette vision du futur peut paraître utopique (nous étions en l’an 2000, je le rappelle –note de l’auteur), je porte la conviction qu’avant 10 ans, nous assisterons, à la suite d’initiatives citoyennes spontanées, aux premières consultations électroniques planétaires portant sur les grandes questions qui détermineront l’avenir de notre civilisation. On peut imaginer que si ces consultations atteignent un niveau de participation suffisant, et suscitent un large débat démocratique, il deviendra très difficile pour les Etats ou les grandes sociétés multinationales d’en ignorer les résultats. Avec le milliard d’êtres humains qu’Internet réunira, avant 10 ans, sur la même Toile, l’émergence de ce niveau démocratique planétaire, autonome et direct, sera bien plus rapide et puissant que beaucoup l’imaginent aujourd’hui (nous sommes en l’an 2000 !), et va probablement marquer le début d’une nouvelle étape historique et sociale fondamentale dans la longue Histoire de l’Humanité, et sa conquête jamais achevée de la Démocratie… »


Il y aura bientôt 11 ans que j’ai rédigé cet Edito. Depuis quelques mois, nous sommes plus de 1 milliard à être sur Internet et, depuis quelques semaines, sans qu’aucun dictateur ne l’ait vu venir (mais dans l’incrédulité tout autant ahurissante de nos Démocraties), des milliers et des milliers, et demain, des millions et des millions d’êtres humains, souvent maltraités sinon affamés et toujours ignorés, sont en train de se saisir de ces outils du futur pour changer leur destin.


Twitter, Facebook et tous les réseaux sociaux sont des outils hyper simples, mais terriblement efficaces qui surfent sur les capacités énormes et souvent ignorées d’Internet.


Nos Démocraties, de toute urgence, doivent prendre conscience du bouillonnement sans précédent qui va secouer notre monde, et qui ne s’arrêtera pas aux limites du monde arabe.


Partout dans le monde, les structures pyramidales, sur lesquelles s’appuyait encore le Pouvoir dans tous les Pays, vont s’écrouler pour laisser place à des réseaux terriblement efficaces.


Pour ne pas avoir vu venir ce mouvement de fond qui, pourtant, avait été annoncé par certains, nos Démocraties, avec leurs systèmes surannés de décision et de représentation, vont devoir cravacher et relever des défis auxquelles elles n’étaient pas habituées, si elles veulent toujours avoir la noble finalité d’apporter le bonheur et la paix aux Peuples.


L’une des décisions les plus symboliques que devraient prendre toutes les Démocraties serait qu’elles s’engagent toutes à mettre en place, sans tarder, les moyens techniques (avec les satellites ces moyens techniques existent) pour que tout habitant de notre Planète, quel que soit l’endroit où il se trouve, puisse instantanément accéder avec son simple téléphone à un réseau social sur Internet afin qu’il nous dise ce qui se passe autour de lui et puisse éventuellement appeler Au Secours. Cet accès à la Toile mondiale devrait toujours être possible même si les tyrans, au sol, donnent l’ordre de couper toutes les liaisons avec Internet. Ainsi, des êtres humains qui sont aujourd’hui brimés, blessés, torturés sinon tués par des dictatures sanglantes comme celles de la Libye, pourraient, en communiquant avec le reste du Monde, se saisir d’un bouclier bien plus efficace qu’une armure.


Voyez comment les dictatures les plus sanglantes ont réagi ces jours derniers en voulant couper l’accès à Internet. Voyez comment la seconde puissance économique du Monde, la Chine, essaie de poser une chape de plomb sur tous les échanges Internet.


Cela prouve que les tyrans prennent peur et ne savent plus endiguer la vague qui les submergera.


De toute urgence, et pour l’avenir même de l’Humanité, les Démocraties doivent faire comprendre à chaque habitant de notre Planète, quelle que soit sa condition, la couleur de sa peau, le pays qu’il habite, qu’elles ont compris l’ampleur et l’importance du mouvement qui ne fait que commencer et, que toute affaire cessante, elles vont mettre en œuvre les moyens qui permettront à tous les êtres humains d’être liés les uns aux autres, en pouvant facilement et spontanément accéder à Internet quel que soit l’endroit où ils se trouvent et ce malgré les forces tyranniques qui ne peuvent prendre leurs ignobles dimensions que dans les ténèbres et le secret le plus absolu.


René  TRÉGOUËT


Sénateur Honoraire


Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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  • tregouet

    27/02/2011

    Michel ROTTA, fidèle lecteur belge de RT Flash depuis plus de 4 ans et qui est informaticien m'a fait parvenir, par e-mail direct, une remarque fort pertinente que je me permets, avec son autorisation,, de poster en commentaire sous mon édito, afin que mon erreur dans la description imagée dans la description du fonctionnement de TCP-IP soit réparée. RT

    "Dans votre dernier édito, vous faîte une excellente description du fonctionnement du TCP/IP et de ses petits paquets.

    Par contre, vous parlez aussi de la voix sur IP avec ces services skype ou MSN ou voixIP. Hors ces services n'utilisent pas le TCP/IP mais l'UDP/IP et la gestion des paquets est diamétralement opposée. Si dans le TCP, les paquets manquants sont attendus et redemandés si nécessaire, dans l'UDP les paquets qui n'arrivent pas où arrivent hors séquence (trop tard par rapport au suivant) sont oubliés et non traités. En effet, si on devait demander à récupérer, dans une conversation, les paquets manquants, la conversation serait vite décalée. Le contenu d'un de ces paquets représente une fraction de seconde d'échange, un perdre 1 ne s'entend généralement pas. La perte de plusieurs produit des grésillements. Dans le cadre de la vidéo c'est sensiblement la même chose, sauf qu'il n'y a pas d'échange (sauf dans le cadre de visio conférences), le lecteur peut alors se permettre de récupérer une partie de la vidéo en avance et d'attendre les paquets manquant, voir d'en redemander. C'est donc moins sensible."
    Michel Rotta

  • Z@@m

    10/03/2011

    Magnifique !
    A vous lire, on pourrait penser que, sans internet, pas de salut pour la démocratie ...
    Le mur de Berlin s'est-il ouvert grâce aux réseaux sociaux ? La Révolution Française était-elle une révolution 2.0 ? Non et non.
    De VRAIS gens sont descendus dans la rue, certains y sont restés, pendant pendant que des bloggeurs et autres clavardeurs faisaient leur "e-révolution" peinards derrière leur écran.
    Ouvrez les yeux !
    N'oublions pas que Facebook et Twitter sont des marques.
    Je frémis à l'idée que l'Occident apporte "la bonne parole" étasunienne à ces peuples opprimés par les tyrans (qui n'ont rien de 2.0, eux) : encore plus de marchés, de consommation, d'asservissement des êtres aux objets high-tech et d'essoufflement de notre pauvre planète.

    Z@@m, lecteur d'assez longue date

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