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Edito : Il est parfois honorable de savoir dire : « J'ai tort »

Les incidents de parcours qui viennent d'être constatés, ces temps derniers, en France, pour le déploiement de l'UMTS et de la Boucle Locale Radio (BLR) pourraient à terme avoir des conséquences graves sur l'Aménagement du Territoire de notre Pays qui, avec ses 549.000 km², est de loin le plus grand pays de l'Union Européenne. Après le coup de folie qui a marqué les enchères en Angleterre pour l'attribution des licences UMTS, l'ouverture récente des plis aux Pays Bas met en évidence que les opérateurs sont redevenus beaucoup plus raisonnables. Ils ont pris conscience, enfin, qu'ils allaient droit dans le mur. Aussi, le chiffre de 31,5 Milliards de francs annoncé par le Ministre de l'Economie et des Finances pour l'attribution d'une licence UMTS paraît peu raisonnable, surtout si nous prenons en considération qu'il est autrement plus difficile de couvrir l'ensemble du territoire de la France qu'il ne l'est pour les Pays Bas ou même l'Angleterre. Si le Gouvernement veut éviter que ne se creuse à une vitesse stupéfiante dans ces prochaines années un profond fossé entre les régions urbaines et le monde rural, il est encore temps, et cela l'honorerait, de dire qu'il s'est trompé et qu'il est prêt à revoir l'évaluation qu'il avait rendu publique pour l'attribution d'une licence UMTS. Ce qui serait le plus efficace serait même d'annoncer qu'il s'engagerait à rembourser aux opérateurs la moitié de la somme demandée quand la couverture du territoire serait réalisée à 95 %... Pour la Boucle Locale Radio, l'ART (Autorité de Régulation des Télécommunications) s'honorerait, elle aussi, en annonçant qu'elle s'est trompée dans sa proposition d'attribution des licences régionales. En effet, comment a-t-elle pu penser qu'un groupe industriel pourrait accepter d'investir des sommes importantes pour installer la BLR dans des régions peu habitées, au relief souvent difficile, sans obtenir en contrepartie la possibilité d'équilibrer ses comptes en investissant dans des régions plus peuplées et plus riches. Cette réaction des sociétés Completel et Siris était d'autant plus prévisible que l'ART a fait une erreur fondamentale (voir mon édito du @RTFlash n° 82 du 29 janvier 2000 http://www.tregouet.org/lettre/index.html) en attribuant aux licences régionales les fréquences qui obligent les opérateurs à mettre des relais à 5 km les uns des autres alors que les deux bénéficiaires des licences nationales pourront, grâce à des fréquences plus basses, disposer des relais à 20 ou même 30 km les uns des autres... Je ne dis pas qu'il aurait fallu imposer aux deux opérateurs nationaux de couvrir l'ensemble du territoire avec des relais tous les 5 km mais un choix judicieux aurait dû permettre d'attribuer les hautes fréquences imposant des relais très proches les uns des autres pour les régions urbaines (quelle que soit la nature de la licence : nationale ou régionale) et les fréquences plus basses permettant des relais plus distants les uns des autres pour les régions rurales. En effet, alors même que nous avions attiré leur attention sur cette approche technique du problème dès février, comment les personnalités très compétentes de l'ART peuvent-elles avoir pensé que la Boucle Locale Radio pourrait être rentable en obligeant un opérateur à installer des relais à 5 km les uns des autres... Déjà en les disposant à 30 km, l'équilibre financier ne sera pas facile à trouver dans ces régions à faible pouvoir d'achat. Pour s'en sortir, le Gouvernement et l'ART devraient lancer une nouvelle consultation pour l'attribution des licences régionales en trouvant de nouvelles fréquences mieux adaptées à la couverture du monde rural. Ces décisions sont fort importantes. En effet, si elles n'étaient pas prises très rapidement, nous verrions très vite se creuser une fracture dramatique entre le monde rural et les villes de notre Pays. Serait-il possible que dans notre France actuelle il y ait encore des régions qui ne soient couvertes que par le téléphone semi-automatique qui exigerait souvent plus d'une heure d'attente pour avoir la moindre communication téléphonique ? Or, avant cinq ans, avec la montée en puissance des larges débits, la différence entre ceux qui disposeront de l'UMTS ou de la BLR et ceux qui n'en disposeront pas sera encore plus grande qu'entre ceux qui, il y a encore 25 ans, ne disposaient que du téléphone manuel face à ceux qui utilisaient déjà l'automatique. La vitesse de la communication va devenir un élément si discriminant dès ces prochaines années pour l'entreprise, alors que l'image va envahir tout son environnement, qu'elle ne pourra plus survivre si elle n'est pas puissamment connectée au reste du monde. Il est grand temps que le Gouvernement et l'Autorité de Régulation des Télécommunications prennent les bonnes décisions car s'ils persévéraient dans leur erreur, les conséquences pourraient être dramatiques pour une grande partie du territoire de la France et ce, dès ces prochaines années. Comme chaque année, @RTFlash suspend sa publication pendant le mois d'août et souhaite à tous ses lecteurs de très bonnes vacances. Vous recevrez notre prochaine lettre n°109 le vendredi 1er septembre.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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