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Greffe du visage : un exploit salué par la communauté scientifique internationale

L'état de la Française Isabelle Dinoire, devenue il y a sept mois la première personne au monde à subir une greffe partielle du visage, continue de s'améliorer, selon ses médecins, qui pour la première fois détaillent cette opération dans l'édition en ligne de la revue scientifique britannique "The Lancet". Isabelle Dinoire, 38 ans, avait été gravement défigurée en mai 2005 par les morsures de son chien Labrador.

Opérée le 27 novembre dernier au CHU d'Amiens par l'équipe du Pr Bernard Devauchelle, spécialiste de chirurgie maxillo-faciale, en coopération avec celle du Pr Jean-Michel Dubernard, chef du service de chirurgie à l'hôpital Edouard-Herriot de Lyon, la patiente a reçu les lèvres, le nez et le menton d'une femme en état de mort cérébrale. Les experts ont relevé que les excellents résultats de cette intervention de 15 heures avaient surpris la patiente elle-même, mais aussi l'ensemble de la communauté médicale.

"Il est difficile d'imaginer qu'un même succès (...) aurait été possible avec les techniques existantes" et sans transplantation, souligne le Dr Patrick Warnke, chirurgien du visage à l'université de Kiel (Allemagne), dans un commentaire publié sur le site de "The Lancet".

Depuis la première transplantation de rein avec donneur vivant en 1952 et la première greffe de coeur en 1967, la transplantation a soulevé des questions éthiques plus souvent à propos du donneur que du receveur, remarquent pour leur part Edgardo Carosella (recherche en hémato-immunologie, hôpital Saint-Louis-CEA, Paris) et Thomas Pradeu (histoire et philosophie des sciences, université Paris Sorbonne).

L'avènement de greffes d'organes non vitaux et visibles, en particulier de la main et de la face, a introduit un "changement majeur" dans ces débats, relèvent-ils. Selon eux, "une telle greffe ne peut être considérée comme un succès que si elle assure non seulement la fonction de l'organe, mais aussi la reconstruction de l'identité du receveur".

Dans cette même édition, le Dr Devauchelle explique comment lui et son équipe ont utilisé des vers à soie pour drainer les fluides pendant l'opération. Avant le transfert fatidique, le visage de la donneuse était maintenue dans des éponges gelées.

En cours d'intervention, les praticiens ont découvert que le visage de la donneuse était dépourvu d'un nerf crucial qui devait permettre d'animer la partie inférieure du visage d'Isabelle Dinoire. Malgré cette carence, l'opérée était en mesure de manger et de mâcher une semaine seulement après l'intervention, et son élocution s'est rapidement améliorée. Quatre mois plus tard, la patiente retrouvait des sensations jusqu'à l'extrémité de l'une de ses lèvres. Il lui reste encore impossible de bouger sa lèvre inférieure ou de sourire vraiment, et les médecins avertissent qu'elle ne sera jamais à l'abri d'un possible rejet.

Isabelle Dinoire a déjà connu ce désagrément lorsque ses nouveaux tissus ont viré au rouge betterave, transformant son visage en un masque terrifiant. L'injection de doses importantes d'immuno-suppressants ont permis de contrôler la situation, mais la première greffée du visage devra prendre un traitement anti-rejet le restant de ses jours pour ne pas perdre ses nouveaux traits.

Les chirurgiens ont également transplanté une portion de la peau de l'avant-bras gauche de la donneuse sous l'un des seins d'Isabelle Dinoire. Ils peuvent ainsi pratiquer régulièrement des biopsies sur la patiente pour traquer d'éventuels signes de rejet sans avoir à tailler dans son visage reconstitué.

L'opération lui a rendu non seulement son apparence mais aussi sa confiance en elle, ce qui lui donne la force mentale de réapparaître en public. Le 6 février, pour la première fois depuis sa greffe du triangle nez-lèvres-menton, elle avait donné une conférence de presse à Amiens, expliquant comment l'intervention avait ouvert une "porte sur l'avenir", pour elle comme pour d'autres blessés. Avant l'intervention, trois psychiatres et un expert indépendant s'étaient accordés pour la trouver psychologiquement apte à supporter cette procédure extrêmement délicate, rappelle le Dr Devauchelle dans "The Lancet". Après l'opération, elle a dû subir des évaluations psychologiques quotidiennes durant le premier mois, la fréquence étant depuis réduite à deux examens par semaine.

Depuis cette première mondiale, la Clinique de Cleveland (Ohio) a fait état d'un projet de greffe totale du visage. Dans le même temps, des médecins chinois ont pratiqué une autre greffe partielle, tandis qu'une équipe britannique étudie actuellement une demande en ce sens. Le Dr Devauchelle et ses collègues ont annoncé qu'ils prévoyaient de procéder à cinq autres greffes de visage. Aucune n'est toutefois imminente.

BBC

Lancet

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