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Edito : Les énergies renouvelables vont s’imposer au niveau mondial...parce qu'elles sont plus rentables...
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En dépit du développement considérable des énergies renouvelables depuis dix ans, les émissions mondiales de CO₂ liées à l’énergie ont continué d'augmenter de 410 millions de tonnes en 2023, pour atteindre un niveau record de 37,4 milliards de tonnes. Il est vrai que la consommation mondiale d'énergie augmente à nouveau de 3 % par an, tirée par la Chine, l'Inde et les pays émergents d'Asie, et devrait dépasser en 2024 les 29 000 TWH (3 625 kWh par an pour chaque habitant de la planète). La part de la consommation électrique dans la consommation totale d'énergie n'a cessé de croître depuis 40 ans, passant de 11 % à 22 % de la consommation finale d'énergie et cette part, sous la pression d'une électrification croissante et inexorable des transports, de l'industrie et des usages domestiques, devrait encore doubler d'ici 2050. l'AIE nous rappelle qu'en 2023, la production mondiale d'électricité était de loin la première source d'émissions de CO2, avec 35 %, loin devant les transports (25 %), l'agriculture (20 %) et l'industrie (19 %). En 2023, la production mondiale d'électricité a ainsi généré à elle seule 13,2 gigatonnes de CO2.
En 2023, 507 gigawatts (GW) d'électricité renouvelable ont été mis en service, soit 50 % de plus que l'année précédente, selon le rapport Renouvelables 2023 publié en janvier dernier par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui souligne que, désormais, 30,% de la production électrique mondiale est décarbonée. L'année dernière, l’éolien et le solaire installés ont produit ensemble, pour la première fois, plus d'énergie que les nouvelles ressources fossiles, selon Carbon Brief, Autre indicateur d'une tendance lourde, le solaire et l’éolien ont représenté 13 % de l’approvisionnement mondial en électricité en 2023, contre 3 % au début de la décennie, précise Carbon Brief. La production d’énergie éolienne et solaire a été multipliée par cinq depuis dix ans, passant de 774 TWh en 2013 à 4000 TWh en 2023, soit plus du quintuple en une décennie
Mais ce rythme reste encore insuffisant pour atteindre les nouveaux objectifs de la COP28 qui visent un triplement du déploiement des énergies renouvelables au cours des 20 prochaines années pour réduire plus rapidement nos émissions de CO2. Il est à noter que les trois quarts de ces installations nouvelles de 2023 ont été réalisées dans le solaire photovoltaïque. Le cabinet britannique Ember souligne que pour tenir les objectifs de la COP28, il va falloir installer environ 7.000 gigawatts (GW) de nouvelles capacités en sept ans, afin de passer de 3.600 GW de capacités à fin 2022 à 11.000 GW en 2030. Cela permettrait d'éviter l'émission de 7 milliards de tonnes de CO2 d'ici à 2030, estime l'AIE. Mais l'objectif à terme reste bien de décarboner complètement d'ici 2050 la production mondiale d''électricité (13 gigatonnes de CO2 par an), ce qui permettrait de réaliser la moitié de l'effort global de décarbonatation nécessaire, soit une réduction annuelle de 27 gigatonnes de CO2 en 2050, pour retomber en dessous des 10 gigatonnes par an d'émissions anthropiques, un niveau d’absorption redevenu supportable pour les sols, les océans et les forêts de notre Terre...
Une étude de l'Université d'Exeter montre que l'énergie solaire pourrait représenter plus de la moitié de la production mondiale d'électricité d'ici 2050, y compris en l'absence de politiques climatiques plus ambitieuses. Cette estimation dépasse de loin toutes les précédentes, puisque le rapport World Energy Outlook de l'AIE de 2023 prévoyait que l'énergie solaire ne représenterait que 25 % de l'électricité mondiale d'ici 2050. Ces prévisions très encourageantes reposent à la fois sur la baisse plus rapide que prévue du coût du solaire, qui a diminué de 89 % depuis 15 ans et sur la baisse attendue des coûts, qui devraient encore diminuer de 60 % d'ici 2050 (avec une diminution comparable du coût des batteries). L'étude a identifié deux facteurs clés qui favoriseront l’expansion rapide de l’énergie solaire : son prix abordable et la rapidité de sa construction, un an pour un parc solaire, contre trois à quatre ans pour un parc éolien offshore.
L'énergie solaire combinée à différents modes de stockage (STEP, batteries et hydrogène) devrait devenir l’option la moins chère pour produire de l’électricité dans presque toutes les régions du monde d’ici 2030. Elle sera bien moins coûteuse que la construction de nouvelles centrales à charbon dans six grandes régions : l’UE, les États-Unis, l’Inde, la Chine, le Japon et le Brésil. L'étude précise toutefois que l'énergie solaire étant intermittente, son développement massif au niveau mondial suppose une augmentation considérable des moyens de stockage de l'énergie (Batteries solides et liquides, stations de pompage-turbinage, et hydrogène). De fait, il n’aura fallu que dix ans à l’énergie solaire pour passer de 100 TWh à 1 300 TWh de production d'énergie solaire, alors que le charbon a mis 32 ans, le gaz 28 ans et l’hydroélectricité 39 ans pour atteindre ce niveau.
Dans son dernier rapport sur l’énergie et les ressources, le cabinet d’audit et de conseil EY a indiqué que 86 % des ressources d’énergie renouvelable mises en service depuis 2022 produisent de l’électricité à un coût inférieur au coût moyen affiché par la production d’énergie fossile en 2022. Depuis 2010, le LCOE moyen de l’énergie solaire est passé de 400 $/MWh à 50 $/MWh en 2022, soit une baisse de 88 %. Au cours de la même période, le LCOE de l’énergie éolienne a chuté d’environ 60 %. En Europe, le coût de production du MW solaire est tombé à 36 euros et celui de l'éolien marin est également en train de connaître une baisse spectaculaire puisqu'il pourrait tomber à 45 euros le MW en 2030, un coût deux fois inférieur à celui du nucléaire classique.
En Chine, les mises en service de centrales solaires géantes se succèdent : la dernière en date, inaugurée il y a quelques semaines, s'étend sur 800 km2 dans la région du Xinjiang, au nord-ouest du pays, et pourra produire plus de six TWH par an (l'équivalent d'un gros réacteur nucléaire), de quoi alimenter une ville comme Los Angeles. En 2023, la Chine produisait déjà 15 % de son électricité avec le solaire et l'éolien (soit 1320 TWH sur 8 850 au total). Ce pays veut à présent porter à 30 % cette électricité solaire et éolienne, puis monter à 50 % en 2050, ce qui lui permettrait, en augmentant également la part du nucléaire et de l'hydraulique, de décarboner au moins les deux tiers de sa production électrique à cette échéance. Le grand rival asiatique de la Chine, l'Inde, n'est pas en reste et mise principalement sur le fort développement de l'énergie solaire dont la part dans sa production électrique devrait passer de 6 à 22 % d'ici 2030. L'Inde construit le plus grand parc solaire du monde à Khavda (près du Pakistan). Cette installation hors-norme, qui sera achevée en 2027, s'étendra sur une superficie de 726 kilomètres carrés, soit la superficie de la ville de New York. Elle pourra produire 18 TWH par an, de quoi alimenter environ 18 millions de foyers indiens en énergie.
Une étude de référence réalisée par le Professeur Jacobson de Stanford montre que, dans 145 pays, la transition vers une énergie reposant entièrement sur l’éolien, l’hydraulique, le solaire et le stockage serait rentable en six ans, et coûterait même moins cher à terme que de conserver les systèmes énergétiques actuels (Voir RSC). Selon ces recherches, la combinaison éolien-hydraulique-solaire permettrait de réduire les coûts de la production d'énergie de 56 % et de 92 % les coûts sociaux globaux, incluant notamment la lutte contre le changement climatique et les dépenses de santé liées à la pollution de l'air et aux pathologies qui y sont associées.
Sachant que la demande mondiale d'énergie devrait augmenter de plus de 50 % d'ici 2050, avant de se stabiliser sous l'effet de la décélération démographique et de l'efficacité énergétique accrue de nos économies, on voit à présent s'esquisser ce que pourrait être, selon plusieurs instances mondiales, dont l'AIE, le nouveau paysage énergétique mondial qui émergera vers 2050. En tablant, selon l'AIE, sur une consommation mondiale d'électricité d'environ 46 000 TWH à cet horizon et en faisant l'hypothèse que les parts du nucléaire et de l'hydraulique restent identiques (respectivement 10 et 15 % de la production électrique mondiale), la moitié de l'électricité mondiale serait issue du solaire, 20 % de l'éolien nouvelle génération (essentiellement éolien marin) et 5 % des énergies marines (énergie houlomotrice, marémotrice et énergie osmotique). Dans ce scénario, il faudrait multiplier par 4 la puissance éolienne installée (pour atteindre 9 200 TWH par an en 2050), mais surtout multiplier par 11 la puissance solaire installée (pour atteindre 23 000 TWH par an en 2050).
Cet objectif très ambitieux peut sembler difficile à atteindre en si peu de temps mais il est pourtant, selon un nombre croissant d'ingénieurs, de chercheurs et d'économistes, tout à fait à notre portée car non seulement les coûts de production de l'électricité solaire et éolienne ont diminué, comme nous l'avons vu, plus rapidement que prévu, ce qui rend à présent ces énergies renouvelables plus compétitives que n'importe quelle énergie fossile (surtout si l'on tient compte dans ce calcul de rentabilité des bénéfices climatiques et environnementaux considérables liés au développement du solaire et de l'éolien), mais l'efficacité énergétique du solaire et de l'éolien a doublé depuis le début de ce siècle, ce qui veut dire qu'on peut à présent produire la même quantité d'énergie propre avec deux fois moins d’installations qu'il y a 20 ans (et donc des coûts d'exploitation et d'entretien réduits). Et tout porte à croire que l'efficacité énergétique du solaire et de l'éolien va de nouveau connaître un doublement d'ici 2050, grâce à la combinaison de plusieurs avancées techniques, cellules pérovskites et cellules organiques souples, pour le solaire, machines flottantes et géantes pilotées par IA pour l'éolien.
A ces ruptures technologiques s’ajoute la révélation récente du nouveau potentiel considérable du solaire flottant. Un groupe international de chercheurs vient en effet de calculer ce potentiel du solaire flottant à travers le monde. Leurs résultats indiquent une possibilité de production de 9 434 Wh par an, répartis sur 114 555 réservoirs dans le monde dont 30 % de la surface seraient couverts. Les États-Unis arriveraient en tête avec un potentiel annuel de 1 911 TWh, suivis par la Chine avec 1 107 TWh par an et le Brésil avec 865 TWh par an. L’étude a pris en compte tous les réservoirs exploitables allant de 0,01 km² à 30 km2, dont 30 % de la surface seraient couverts de panneaux solaires. Au total, 114 555 réservoirs dans le monde sont éligibles, pour une surface grande comme la France de 554 111 km2. L'étude, très solide, prend comme référence un panneau solaire standard de Panasonic, doté d’un rendement de 18,6 %. Les chercheurs ont travaillé sur une vaste base de données portant sur l’irradiation solaire, la température et la vitesse du vent sur la période de 2001 à 2020. Ces chercheurs ont finalement estimé le potentiel de production d’électricité annuelle moyenne sur les réservoirs du monde entier à environ 9 434 TW. Le choix de couvrir 30 % des réservoirs de solaire flottant pourrait en outre contribuer à réduire l’évaporation de l’eau de 106 km3 par an. Dans ce scénario, la demande du Brésil, qui atteint 538 TWh par an, serait entièrement couverte par le potentiel de production solaire flottant de 865 TWh. Il en serait de même pour d'autres pays en développement, comme le Zimbabwe, le Laos, l’Éthiopie, le Cameroun et le Soudan. Il est important de souligner que ces 9434 TW de puissance installée en solaire flottant (sans compter l'éolien flottant marin, moins mûr techniquement, mais appelé à un fort développement) représente à lui seul 44 % de la puissance solaire à installer d'ici 2050 (21 650 TW) pour que le soleil puisse fournir la moitié de la production mondiale d'électricité prévue à cette échéance.
Mais le développement massif de l'énergie solaire va aussi pouvoir s'appuyer sur l'arrivée de films solaires organiques, légers, performants (550 grammes par mètre carré), souples et robustes, pouvant s'intégrer facilement aux façades des bâtiments et immeubles. Asca, une filiale d'Armor, a développé une technologie unique en son genre dans ce domaine plein d'avenir : il s'agit d'un film photovoltaïque organique, bas carbone, qui produit de l’électricité sans métaux rares, ni silicium. Ces cellules fabriquées par impression sont composées de polymères issus de la chimie organique, imprimés sur des films PET flexibles très résistants, d'une durée de vie d'au moins 20 ans. Ces films OPV ont une puissance de 70 watts-crête par mètre carré et sont très sensibles à la lumière, qu’elle soit artificielle ou naturelle. Dernier avantage, ces films souples ne nécessitent ni solvants ni matériaux rares et leur fabrication requiert peu d'énergie.
Une autre technologie mise au point par le Laboratoire de réactivité et de chimie des solides (CNRS, université de Picardie Jules-Verne) pourrait bien, elle aussi, permettre une utilisation massive de l'énergie solaire dans toutes les habitations et immeubles. Il s'agit d'une technologie de cellule solaire à pigment photosensible dont l'originalité est de capter le rayonnement solaire dans le spectre invisible, c’est-à-dire dans le proche infrarouge qui représente environ la moitié du flux du rayonnement solaire. Cette technologie remarquable vise à reproduire le processus de la photosynthèse des plantes qui permet absorber la lumière et de produire de l’énergie chimique pour le développement de la plante. Les molécules organiques présentes dans ces cellules qui sont ensuite véhiculées au travers de nanoparticules d’oxyde de titane forment un pigment synthétique qui produit un courant électrique.
Le 12 avril dernier, le Conseil européen a validé une nouvelle directive déjà approuvée par le Parlement européen, qui prévoit qu'à partir de 2030, tous les nouveaux bâtiments seront à zéro émission et, d'ici à 2040, les chaudières fossiles seront abandonnées. Pour les bâtiments résidentiels, les États membres devront mettre en place des mesures permettant une réduction de la consommation moyenne d’énergie primaire d’au moins 22 % d’ici 2035. Dans ce nouveau contexte énergétique, on voit immédiatement l'avantage que peut permettre l'utilisation à grande échelle des films solaires organiques sur les façades des bâtiments et de ces cellules solaires pigmentées pouvant constituer des véritables "fenêtres solaires", productrices d'énergie propre. La puissance électrique générée par ces cellules pigmentées est de l’ordre de 35 watts-crête par m² (Wc/m²). « Si l’on considère qu’en moyenne une maison individuelle moderne compte 50 m² de surface vitrée et que l’ensoleillement moyen en France sur une année est de 1500 kWh/m2, on obtient une production énergétique théorique de l’ordre de 2600 kWh par an, soit plus de la moitié de la consommation moyenne annuelle d'un foyer français » souligne Frédéric Sauvage, Directeur de recherche au LRCS d'Amiens (Laboratoire de Réactivité et Chimie des Solides). Cette intégration verticale du solaire dans tous les bâtiments futurs ou récents va considérablement accélérer l'autonomie énergétique des bureaux et habitations et la décarbonation liée au chauffage et à la climatisation des immeubles et maisons.
S’agissant de l'énergie éolienne, une rupture décisive est attendue en termes de rentabilité et d'efficacité énergétique : le consortium Freja Offshore, qui regroupe les suédois Hexicon et Meanstream Renewable Power, vient d'annoncer qu'il allait réaliser un parc éolien offshore en Suède, qui sera le premier à utiliser des turbines géantes de 30 MW. Bien que de telles machines ne soient pas encore disponibles, elles devraient arriver sur le marché d’ici 2030. Nommé Cirrus, ce parc éolien, situé au cœur de la mer Baltique, exploitera des vents forts et constants. Freja Offshore espère ainsi produire 10 TWh par an, soit l’équivalent de la consommation électrique de 500 000 foyers. En parallèle au projet Cirrus, Freja Offshore travaille sur 3 autres parcs éoliens flottants au large des côtes suédoises. Au total, ces 4 parcs pourront alimenter six millions de foyers suédois.
Ces éoliennes de 30 MW auront probablement une hauteur de 370 mètres, avec un rotor d'un diamètre de 340 mètres. On mesure mieux le bond technique accompli quand on compare ces nouveaux monstres des mers aux machines de 2011 (turbine de 8 MW, avec un diamètre de rotor de 164 mètres). Avec de telles machines, sachant que chacune peut produire au moins 120 millions de KWh par an en mer et approvisionner 25 000 foyers en électricité, il suffirait de seulement 56 000 de ces éoliennes géantes de 30 MW, réparties sur les meilleurs sites des océans et mers du globe, pour que la puissance éolienne mondiale installée puisse fournir 20 % de l'électricité que consommera la planète en 2050.
On le voit, une transition énergétique mondiale sur 25 ans, à l'issue de laquelle les trois quarts de notre consommation planétaire d'électricité seraient assurés par le vent et le soleil, ne relève plus de l'utopie et ne se heurte plus à des obstacles techniques ou économiques insurmontables, même si elle suppose de nouveaux modes de coopération entre la puissance publique et la sphère privée. L'enjeu de ce basculement vers une économie mondiale décarbonée est donc bien devenu politique, social et moral. Il consiste à nous donner démocratiquement les moyens de bâtir un projet collectif porteur d'espoir et de progrès, visant à laisser à nos descendants une planète habitable et vivable et à remplir ainsi notre devoir impérieux vis à vis des générations futures...
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
e-mail : tregouet@gmail.com
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Gjack
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