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Edito : Energie solaire : la France doit combler son retard

Le Solar Power 2006, la plus grande conférence sur l'énergie solaire au monde, vient de se tenir à San José, en Californie. Pour les scientifiques et industriels, l'événement est une occasion de faire le point sur l'avenir de ce secteur énergétique qui croît en moyenne de 32 % par année. «D'ici 10 ans, nous croyons que l'énergie solaire comptera pour 10-15 % de toute la nouvelle création d'énergie aux États-Unis, dit Noah Kaye, le responsable des communications pour la conférence. Notre défi ultime, c'est de diminuer le coût de l'énergie solaire pour le rendre compétitif avec les autres formes d'énergie».

Pour les scientifiques, il s'agit d'améliorer constamment le rendement des capteurs photovoltaïques eux-mêmes. Les panneaux solaires que l'on connaît actuellement sont fabriqués à base de silicium cristallin. C'est un matériau coûteux et fragile qui convertit l'énergie lumineuse en énergie électrique avec un rendement d'environ 15 %. Mais ces résultats sont loin de satisfaire les chercheurs qui ont pris part au congrès.

«Parmi les sujets de la conférence, on note un intérêt grandissant pour les capteurs solaires en couches minces», explique Sass Peress, PDG d'ICP Solar, un fabricant montréalais de composants et de panneaux solaires présent à San José.

Ces nouveaux procédés permettent de déposer le silicium en une mince pellicule formée d'une myriade de petits cristaux plutôt que d'utiliser un seul bloc de silicium cristallin. Ce type de cellule photovoltaïque permet d'économiser beaucoup en silicium à haute pureté, un matériau qui se fait rare ces jours-ci. L'efficacité du silicium dit «polycristallin» demeure inférieure au silicium cristallin, mais leurs coûts de productions sont aussi à la baisse. De plus, les couches minces peuvent être intégrées à des panneaux flexibles pour les rendre moins fragiles et même plus attrayants sur le plan esthétique.

Pour réduire encore plus les coûts de production, plusieurs nouveautés technologiques ont aussi été présentées lors d'un autre congrès récent, celui de l'American Chemical Society, à San Francisco. Des matériaux plastiques conducteurs d'électricité, des pigments semblables à la chlorophylle, et des nanotubes de carbone promettent de révolutionner notre utilisation de l'énergie solaire à long terme. «On pense que le coût de fabrication de ces nouveaux systèmes sera 10 fois moindre que les systèmes actuels, explique Oumarou Savadogo, professeur à l'École Polytechnique de Montréal. Certains d'entre eux peuvent même capter les rayons infrarouges du soleil et les transformer en électricité. Même si pour l'instant les rendements sont plutôt faibles.»

Grâce à tous ces progrès techniques, le coût moyen de production du kilowatt-heure solaire devrait passer, d'ici 2010, de 25 à 15 cents, ce qui rendra l'énergie solaire tout à fait compétitive.

En Europe, l'Espagne s'apprête à démarrer la production du plus grand complexe de centrales solaires thermo-électriques d'Europe sur le site de Sanlùcar La Mayor, près de Séville. Cette première centrale se présente sous la forme d'un vaste champ de près de 70 hectares, planté de 624 miroirs orientables, d'une surface de 121 mètres carrés chacun, fixés sur des piliers de métal, disposés en colimaçon au pied d'une tour dominant la campagne andalouse du haut de ses 115 mètres.

Ces miroirs permettent de concentrer les rayons du soleil sur un point focal situé en haut de la tour où est installée une chaudière, afin d'obtenir une température entre 600°C et 1.000°C pour chauffer un fluide et produire de la vapeur qui actionne un système de turbines et d'alternateurs, générant ainsi de l'électricité.

Cette technologie - l'héliothermodynamisme - permet un meilleur rendement que la production d'électricité d'origine photovoltaïque (panneaux solaires), assure le professeur Ruiz, spécialiste des énergies renouvelables. C'est la seule capable de fournir une puissance similaire à celle des centrales à énergies fossiles, ajoute-t-il.

Pas besoin de silicium, un élément chimique indispensable pour fabriquer des cellules photovoltaïques mais cher, et pas d'émissions de gaz carbonique (CO2), principal gaz à effet de serre, responsable du réchauffement climatique. Par contre, il faut de l'espace (au minimum 2 hectares par MW) et du soleil (1.900 KWh/m2/an). Mais le soleil, contrairement au pétrole, est une source d'énergie inépuisable et gratuite, fait valoir le professeur Ruiz.

La première centrale de ce complexe est achevée et devrait être inaugurée prochainement. Mais à Sanlùcar La Mayor, il est prévu de construire au total huit centrales pour porter la capacité du complexe à 302 MW d'ici 2010. A terme, cet ensemble sera capable d'approvisionner en électricité 180.000 foyers, l'équivalent d'une ville comme Séville.

Le Portugal inaugurera, pour sa part, en janvier 2007, dans le sud du pays, à Moura, la plus grande centrale solaire photovoltaïque du monde. C'est BP Solar qui assurera la maîtrise technique du projet. Selon les responsables du projet, la centrale photovoltaïque de Moura sera la plus grande du monde avec 350 000 panneaux solaires installés sur 114 hectares et une capacité de production de 62 mégawatts (à comparer aux 1500 mégawatts produits par un réacteur nucléaire). Elle sera six fois plus puissante que l'actuelle plus grande centrale au monde installée en Allemagne. Inaugurée début juillet 2005, la centrale allemande «Bavaria solarpark» compte près de 250.000 m² de panneaux répartis sur 3 sites pour une puissance allant jusqu'à 10 MW.

"Il s'agit d'un projet unique au monde et du plus ambitieux pour ce qui concerne sa puissance finale", a déclaré Francisco Conesa, directeur commercial de BP Solar pour le sud de l'Europe. BP Solar sera donc chargée de la construction de la centrale, qui sera terminée en principe en 2009 et dont le coût s'élèvera à 250 millions d'euros. La société BP Solar, déjà présente à Madrid avec l'usine de Tes Cantos, a même l'intention de construire à Moura une usine qui fabriquera les panneaux solaires nécessaires à la centrale à partir de juin 2007.

Aujourd'hui en Europe, 53,9 % de l'électricité produite provient toujours de sources d'énergies fossiles et 31,1 % du nucléaire. Les énergies renouvelables ne représentent que 14,4 % de la production d'électricité de l'UE, mais leur croissance est très dynamique. L'énergie solaire y apporte pour l'instant la plus petite contribution derrière l'hydraulique, la biomasse, l'éolien et la géothermie.

La production d'électricité solaire mondiale toutes technologies confondues s'établit à 3,2 TWh (2004). 82,2 % provenant des centrales photovoltaïques et 17,8 % des centrales thermo-solaire électriques. L'Europe est la troisième région productrice d'énergie solaire au monde, avec 20,7 %, derrière l'Asie de l'Est (41,2 %, grâce au Japon en particulier) et l'Amérique du Nord (29,4 %, essentiellement produits par des centrales solaires thermo-électriques). Actuellement, la plupart des centrales solaires opérationnelles, exploitées commercialement, sont situées dans le désert de Mojave en Californie. Certaines sont en fonction depuis plus de quinze ans. Elles utilisent des systèmes à réflecteurs cylindro-paraboliques (qui concentrent le rayonnement vers des récepteurs tubulaires), pour une puissance totale installée de 354 mégawatts.

Avec l'Allemagne, le Danemark et la Finlande, l'Espagne fait partie du groupe des quatre Etats-membres susceptibles d'atteindre les objectifs fixés par l'UE sur l'électricité verte, à savoir 21 % de la consommation électrique communautaire issue des énergies renouvelables à l'horizon 2010.

Fin 2005, notre voisin allemand, qui n'est pourtant pas réputé pour son climat très ensoleillé, comptait sur ses toits une surface installée de capteurs solaires thermiques de quelque 6,7 millions de m² représentant une puissance thermique de 4.700 mégawatts. 4 % de l'ensemble des foyers allemands font d'ores et déjà appel au solaire en tant que source de chaleur durable et écologique. Pas moins de 270 millions de litres de fioul sont ainsi économisés chaque année. En outre, l'Allemagne produit plus de 1000 MW d'électricité photovoltaïque en 2006, soit les 3/4 de l'électricité solaire européenne. L'Allemagne dispose à présent d'un savoir-faire technologique et industriel qui en fait, comme c'est déjà le cas pour l'éolien le leader européen en matière d'énergie solaire, avec toutes les retombées très positives que cela entraîne en terme de création d'emplois qualifiés.

Pendant ce temps, en France, la production solaire, qu'elle soit photovoltaïque ou thermique, reste marginale et insignifiante (moins de 0,5 % de la production totale d'énergie). Pourtant notre pays, contrairement à certaines idées reçues, dispose d'un excellent potentiel solaire. Plus de 20 départements du Sud de la France bénéficient de plus de 2000 heures d'ensoleillement par an et même en Ile-de-France, le rayonnement solaire moyen annuel est de 1150 kWh/ m2, soit seulement 20 % de moins que dans le sud de la France. Il est tout de même regrettable, et pour tout dire incompréhensible, que la France, qui a la chance de disposer d'un excellent gisement solaire, ne parvienne pas à utiliser cette énergie gratuite et non polluante avec le même niveau d'efficacité que l'Espagne ou l'Allemagne.

Alors que le dernier rapport du Fonds mondial pour la nature (WWF) montre, qu'au rythme actuel, l'humanité consommera en 2050 l'équivalent des ressources annuelles de deux planètes comme la terre (Voir article dans notre rubrique environnement), il est grand temps que notre pays se réveille et se donne les moyens d'exploiter pleinement cette énergie solaire qui est appelée, aux côtés de la biomasse, du vent et de l'énergie des mers, à jouer un rôle majeur dans la civilisation de l'après-pétrole que nous devons bâtir d'ici le milieu de ce siècle.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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