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Edito : Les Démocraties ne savent plus faire rêver leurs Peuples

Historiquement, l'une des justifications essentielles de la Démocratie était de vouloir apporter l'espérance pendant notre vie terrestre. En cela, elle voulait se substituer aux religions (ou du moins les compléter...) qui, elles aussi, ont pour mission fondamentale d'apporter l'espérance... mais au-delà de la mort. Depuis plus de deux siècles, avec plus ou moins de Bonheur, les Démocraties ont su répondre à l'attente de nos Peuples. Plus aucune guerre ne les déchire. Malgré quelques accros, le grand manteau lumineux de la Paix s'est étendu sur l'ensemble de l'Europe et de l'Amérique. Et pourtant, nos Peuples ne semblent pas être heureux !

Quelles sont les raisons de cette morosité ?

L'Homme est binaire. Son cerveau se divise en deux. Il a toujours le choix entre le Bien et le Mal. Il vient du fond des temps, et il a su dominer les autres espèces parce qu'il a la volonté de toujours aller plus loin. Pour que l'être humain soit en parfaite harmonie avec son environnement, celui-ci doit être polychrome et non d'une grise monotonie. Pour ainsi avancer et donc être heureux, l'Homme a besoin de relever des défis. Ceux-ci peuvent être individuels ou collectifs. Le ciment essentiel de nos Sociétés Démocratiques est de nous donner la possibilité d'atteindre, tous ensemble, des objectifs ambitieux. Toute l'Histoire de l'Homme peut se résumer dans cette suite de défis qu'il a voulu collectivement, et parfois aussi individuellement relever, pour toujours aller plus loin. Mais pour lancer des défis, il faut qu'il y ait émulation, sinon rivalité. Depuis Sparte et Athènes, l'Homme n'a ainsi progressé que lorsqu'il était en compétition, mortelle parfois, avec un autre Homme. Cela a été vrai jusqu'à ce que s'effondre le Communisme à la fin des années 1980. Depuis, nos Démocraties sont désemparées. Elles ne savent plus quels messages elles doivent transmettre à leurs Peuples pour justifier cette mission d'espérance sur laquelle elles se sont fondées. Pendant une dizaine d'années, durant les années 1990, les Etats-Unis et quelques autres Démocraties technologiquement avancées ont cru que la Planète Internet, avec tous ses mondes virtuels, allait être ce territoire magique sur lequel seraient lancés les défis de demain. La soif de trouver une nouvelle justification à notre vie collective était si forte après l'effondrement du Monde ancien, que des milliards et des milliards de dollars qui, hier encore, s'investissaient dans les biens durables, et même dans les armes, se sont engouffrés, sans précaution, dans cette bulle virtuelle. Les dommages sont énormes. Nombreux sont ceux qui sont déjà à terre. La morosité est grande car même ceux qui n'avaient pas investi, qui n'avaient pas pris de risque dans cette folle aventure, savent que les milliards et les milliards ainsi inutilement investis sont définitivement perdus pour améliorer le sort de l'Homme. Les Démocraties ont une ardente obligation. Elles doivent à nouveau savoir éclairer le chemin loin devant. L'Homme ne vit pas que du présent, même si celui-ci est confortable. Il a besoin du Passé, mais aussi d'imaginer son Futur. Or, les Démocraties semblent être frappées de cécité. Comment pourraient-elles ainsi voir l'Avenir ? Les Hommes d'Etat qui sont à la tête de nos Démocraties doivent nous rendre l'espérance en offrant de nouveaux territoires à l'aventure humaine. Ils ne doivent pas le faire en faisant piètrement renaître des Mondes anciens, en voulant lancer une guerre, sans défi, contre un dictateur. La nostalgie n'est jamais une bonne conseillère. Ils doivent tout entreprendre pour que l'Homme soit plus heureux sur l'ensemble de notre Terre et vive en Paix. Aussi, ce serait une terrible erreur, comparable aux livres brûlés par les Cardinaux au Concile de Trente, si les responsables politiques de notre Monde pensaient que la dure crise financière qui frappe actuellement la sphère de l'immatériel pourrait condamner à mort le Monde Internet. Il n'en est rien. Tout au contraire ! C'est par Internet, qui dans quelques courtes années va relier les uns aux autres plus d'un milliard d'êtres humains, que va se régénérer notre Monde, et que va éclore une nouvelle forme de Démocratie. Ce réseau des réseaux, qui va permettre de démultiplier à l'infini les oeuvres de l'esprit, va fortement augmenter l'efficacité de l'Humanité. Comme le disait déjà très bien Alvin Tofler, il y a 15 ans dans « Les Nouveaux Pouvoirs », le pouvoir par la violence doit disparaître car il détruit ceux qu'il voudrait dominer, le pouvoir par l'argent est limité par la valeur finie sur laquelle il s'appuie, alors que le pouvoir par le savoir peut enrichir des millions d'Hommes sans appauvrir celui qui nous transmet ce savoir. Or, Internet est le vecteur naturel de ce pouvoir par le savoir. C'est pourquoi, inexorablement, il est appelé à un très bel avenir. Prenant conscience de ce fait inéluctable, les responsables de nos Démocraties doivent tout entreprendre pour que chaque citoyen puisse accéder à ce Monde nouveau. Pour cela, il faut que nos Nations, non seulement, mettent en place les infrastructures et les outils, mais elles doivent aussi profondément s'impliquer pour que nos Peuples acquièrent, sans fracture entre les riches et les pauvres, tous les usages publics d'Internet qui pourront améliorer le sort de l'Humanité. En effet, comme je le dis avec insistance depuis de nombreuses années dans ces colonnes, ce ne sont pas les usages commerciaux d'Internet qui changeront le plus notre Monde, mais bien tous les usages publics, que ce soit dans le domaine de l'Education, de la Culture, des Arts, des Sciences, comme de la Santé ou du Social. Oui, nos Démocraties ont un besoin urgent de se définir de nouveaux horizons, de se lancer de nouveaux défis qui pourront faire avancer l'Humanité. L'aventure moderne avait commencé, il y a cinq siècles, avec la découverte de l'Amérique, la Réforme et le livre. Elle vient de se clore avec la victoire incontestable du libéralisme. Mais quand la poussière est retombée, que reste-t-il d'une victoire ? Faisons bien attention. Nos Démocraties ne savent plus faire rêver leurs Peuples.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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