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Edito : Cartographie du génome humain : nous sommes à l'aube d'une ère nouvelle

Il n'est pas éloigné le temps où nos savants ne disposaient que de la théorie et de la démarche expérimentale pour faire avancer les connaissances. L'arrivée massive dans ces dernières années de la simulation informatique a fait s'accélérer de façon stupéfiante notre accès à de nouveaux savoirs. Ainsi, pour cartographier le génome humain, il fallait une année entière, dans les années 1980, pour qu'un biologiste puisse séquencer 10.000 paires de bases. En 1992, il ne fallait plus qu'une journée pour analyser cette même quantité de bases. En 2002 au plus tard, un technicien utilisant toute la puissance des révolutions informatiques et biomoléculaires (processeur dépassant la fréquence de 2 gigahertz, réseaux de neurones, laboratoire robotisé) pourra analyser 10 millions de paires de bases... par jour ! ! ! Ainsi, en moins de 10 ans, grâce à la fécondation croisée des trois révolutions qui vont marquer le 21e siècle, la révolution informatique, la révolution biomoléculaire et la révolution quantique, la vitesse avec laquelle nous découvrons la carte de la vie aura été multipliée par 300.000. Cela nous permet d'affirmer aujourd'hui, avec une rigueur mathématique, que le déchiffrage des 100.000 gènes dont est constitué le génome humain sera terminé en 2003. Cela nous permet d'affirmer aujourd'hui, avec une rigueur mathématique, que le déchiffrage des 100.000 gènes dont est constitué le génome humain sera terminé en 2003. L'annonce que nous reprenons dans notre lettre de ce jour, faite par une équipe de chercheurs de Cambridge du déchiffrage complet d'un chromosome humain, le chromosome 22 constitué d'une séquence de 60 millions de paires de bases, ne fait que confirmer cette accélération. Cette enquête au coeur de nous-mêmes qui est entreprise avec cette cartographie du génome humain est, de loin, le plus important projet scientifique que l'humanité n'ait jamais entrepris. Grâce à cette aventure, l'homme se trouve à l'aube d'une ère nouvelle. La cartographie du génome humain va être aussi importante pour la biologie que le fut au 19e siècle la classification de Mendeleïev qui donna naissance à la chimie moderne. Grâce à cette classification, l'homme fut capable de prédire la découverte de nouveaux éléments et même de préciser leurs propriétés. L'une des conséquences les plus rapidement appréhendables de cette connaissance du génome humain sera la révolution, dans le sens copernicien du terme, que va subir la médecine qui va passer d'une discipline essentiellement fondée sur le traitement à une science permettant une réelle prédiction. Ainsi, dès 2010, chacun d'entre nous pourra disposer, pour une somme modique qui sera totalement prise en charge par la collectivité tant les économies engendrées seront énormes, de la liste de nos risques individuels de développer telle ou telle maladie en analysant le génome dont nous avons hérité. Dès 2020, chaque être humain pourra disposer sur le support optique qui aura alors remplacé le CD, de sa séquence personnelle d'ADN. La médecine, malgré ses énormes progrès dans ces dernières décennies, en est encore au stade où en était la mécanique aéronautique ou automobile il y a un demi-siècle. On établissait alors un diagnostic sur notre voiture en écoutant le moteur ou en observant la couleur des fumées à l'échappement. Ces deux observations ne permettaient pas d'assurer que notre voiture n'était pas à la veille d'une panne majeure. Il en est malheureusement encore ainsi en médecine humaine : rien ne dit, même si vous sortez de chez votre cardiologue avec un électrocardiogramme parfaitement correct, que vous n'aurez pas un infarctus dans les minutes qui suivent. Or, la maintenance préventive qui est maintenant assurée avec rigueur sur les avions, grâce aux outils informatiques qui surveillent chaque organe sensible, a fait disparaître, presque totalement, toutes les pannes mécaniques. Il n'en est pas de même pour l'homme. " Nous entrons dans une ère où la maladie sera prédite avant son apparition " dit William Haseltine de Human Genome Sciences. L'avenir de notre santé appartient à la médecine moléculaire. Nous verrons, enfin, ce qui se passe réellement à l'intérieur de notre corps, que ce soit au niveau moléculaire, que ce soit au niveau génétique. Mais cette connaissance du génome humain ne va pas seulement servir à mieux prédire la maladie mais aussi à la combattre. ADN... Ces trois lettres ainsi associées seront celles qui seront le plus souvent utilisées par la communauté scientifique mondiale dans cette prochaine décennie. Chacun connaît déjà l'importance prise par les tests d'ADN dans la recherche de criminels, dans la résolution d'énigmes historiques (ossements du Tsar Nicolas II), dans la découverte de supercheries (Anastasia), dans l'analyse d'espèces disparues dont des cellules ont été emprisonnées dans l'ambre (Charançon vieux de 125 millions d'années), d'études d'êtres humains morts il y a plusieurs millénaires (homme des glaces, antiques momies égyptiennes) et même dans la recherche de paternité. Mais bien au-delà de toutes ces applications, le génie génétique permet déjà de préparer les médicaments de demain. Ainsi, 114 ans après la découverte géniale de Pasteur, l'Institut qui porte son nom vient d'annoncer la mise au point d'un vaccin ADN contre la rage qui permettra dans un premier temps de vacciner les chiens pour un faible coût. La barrière du prix ayant sauté pour les pays pauvres, c'est l'éradication de très nombreuses maladies qui devrait être bientôt permise grâce à ces nouveaux vaccins ADN. Mais l'avènement de l'ère nouvelle sera véritablement sensible quand il y aura fusion des ordinateurs et de la biologie moléculaire sur une puce ADN. Le dépistage génétique sera alors rapide et peu coûteux. Une entreprise pionnière dans le domaine, Affeymetrix, a déjà réussi à assembler sur une puce tous les gènes du VIH, ce qui devrait, maintenant dans des temps très courts, accélérer de façon spectaculaire le test du Sida. Dans un autre domaine, une bio-puce actuellement développée par la Lyonnaise des Eaux et Bio-Mérieux devrait permettre, avant 5 ans, d'analyser l'eau que nous buvons tous les jours et de vérifier que les 64 paramètres de qualité imposés par la réglementation sont bien respectés et ce, automatiquement et pour un prix modique. Mais soyons réalistes. L'Histoire de l'Homme entre dans une ère nouvelle mais, même avec l'établissement de la cartographie de l'ensemble du génome humain en 2003, nous n'aurons encore fait qu'un petit pas vers le Futur. Si tout laisse à penser que nous devrions pouvoir, grâce à cette connaissance du génome humain, éradiquer quelque 5000 maladies monogéniques entre 2010 et 2020, il nous faudra certainement encore un temps assez long pour lutter efficacement contre les maladies polygéniques, sachant que l'une des évolutions polygéniques parmi les plus complexes est le vieillissement. Mais quand la science aura fait ce nouveau bond extraordinaire qui permettra à l'homme d'allonger la vie, pourrons-nous malgré tout avoir la prétention de dire enfin ce qu'est la vie ? Je n'aurai pas l'outrecuidance, pour conclure cet éditorial, d'y répondre car je n'en ai pas, même à titre infime, la moindre compétence mais, pour prolonger cette réflexion je ne peux que vous inviter à lire ou relire un livre écrit par Erwin Schrodinger en 1944 (il y a 55 ans) intitulé " QU'EST CE QUE LA VIE ? " Ce livre est d'une actualité extraordinaire.

René Trégouët

Sénateur du Rhône

" Qu'est ce que la Vie " - Auteur : Erwin Schrodinger - Editions Le Seuil - Prix : 47,50 F ((7,24 Euros)

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