RTFlash

Cancer : Comment un pilulier intelligent pourrait révolutionner le suivi à domicile des patients

Oublier son médicament contre le cancer, c’est l’angoisse de nombreux patients hospitalisés à domicile. Mais peut-être que, demain, un nouvel appareil viendra en soulager certains. Son nom ? Thess. Une innovation que le président de l’Institut de cancérologie Sainte-Catherine à Avignon, Roland Sicard, développe depuis cinq ans avec Thess corporate, une entreprise montpelliéraine. Depuis un an, un patient français teste cette innovation chez lui. 20 Minutes vous explique pourquoi ce petit appareil pourrait bien révolutionner le suivi de certains patients atteints de pathologies lourdes.

Gérard Pouzol, 70 ans, est atteint d’un cancer rare du rein depuis mars 2020. « Je suis quelqu’un de très méticuleux, j’écrivais sur mon agenda tout ce qui m’arrivait depuis que je prends mon traitement », explique-t-il. Son oncologue et les pharmaciens de Sainte-Catherine lui ont donc expliqué : « C’est exactement ce que nous testons avec notre logiciel de suivi ». Voilà comment il a rencontré Thess.

En expérimentant, dans un premier temps, le suivi numérique. Depuis un an, une application rappelle à Gérard l’heure de sa prise de médicament. Puis il intègre sur son ordinateur tout événement : oubli, effet indésirable… « Et je les ai tous eus… Un jour, ma tension est subitement montée à 18. Plutôt que d’aller à la clinique, la pharmacienne a prévenu mon oncologue, qui a faxé une ordonnance afin de faire baisser ma tension. La réactivité, je l’ai beaucoup appréciée. Avec ce système, on est beaucoup plus proche de l’équipe soignante. Ils savent qui est Monsieur Pouzol, où j’en suis dans mon traitement, quels autres médicaments je prends… »

Deuxième pan de Thess, plus innovant : un distributeur intelligent de médicament. « C’est un dispensateur de médicament qui tient dans la main et qui est connecté, comme un smartphone », explique Roland Sicard. « Le principe, c’est de donner le bon médicament à la bonne dose et à la bonne heure. » Depuis un mois, Gérard dispose de ce pilulier moderne, qui sonne quand c’est l’heure de prendre son traitement.

Comment ça se présente ? « Vous voyez comment marche un chauffe-biberon ? », interroge Gérard. « Le principe est le même. A 19h, il s’allume et bipe. Un petit écran demande de vous identifier. Il reconnaît mon empreinte digitale. La machine m’indique alors, par exemple, que je dois prendre deux gélules du tube A (un conteneur de médicaments). J’insère ce tube sur le haut du distributeur. Il vérifie que c’est le bon. Puis vous appuyez deux fois [pour les deux gélules]. Et si vous appuyez encore ? Il ne vous en donnera pas plus. J’ai testé. C’est sécurisant. Je pense par exemple à ma maman qui était atteinte de la maladie d’Alzheimer, elle aurait appuyé dix fois ». 

Autre avantage : si le traitement est modifié, ce distributeur intelligent reçoit directement la directive de l’oncologue et adapte la délivrance. Même chose si l’équipe soignante décide d’interrompre le traitement. Et quand Gérard a pris 50 cachets sur les 54 que compte le tube, il est averti qu’il doit retourner à la pharmacie pour récupérer un nouveau conteneur, histoire de ne pas se retrouver à sec. « Ça marche bien, c’est fiable », se réjouit Gérard, heureux cobaye.

L’objectif de cet outil ? Améliorer l’observance, éviter les oublis, les surdosages, le gâchis. « On va par exemple dire à un patient : cet antidouleur, c’est pas plus de 3 milligrammes toutes les 4 heures, » illustre Roland Sicard. « Mais quand il a mal, il est tenté d’en prendre plus. Là, la technologie contrôle le fait qu’il reste dans le bon protocole ». Avec plus de 10.000 décès et 130.000 hospitalisations par an imputables à un mauvais usage du médicament, l’enjeu est de taille.

Avec ce suivi précis à distance, Thess pourrait apporter sa pierre à la télémédecine. Ainsi, une infirmière, au lieu de passer systématiquement le soir pour donner son traitement à un patient, vérifierait sur son écran si tout se passe bien. « Aujourd’hui, on a 1.000 patients en cancérologie à domicile. Je ne peux pas mettre un médecin derrière chacun », justifie Roland Sicard. « Mais je peux mettre Thess et m’intéresser aux 50 qui vont rencontrer un problème et concentrer mes compétences pour les assister ».

Pour le moment, l’innovation s’adresse à des patients qui ont des protocoles très lourds et coûteux. Et l’équipe de Thess Corporate a demandé l’homologation pour un marquage CE et FDA. Deux études françaises vont être lancées pour deux ans. Le CHU de Strasbourg (pour des patients après une greffe de rein) et le CHU de Nîmes (en cancérologie) mèneront des essais randomisés pour mesurer le bénéfice de cette innovation pour les soignants et les patients. « Le non respect des prises de médicaments fait que dans 30 % des cas, le patient perd sa greffe. On va vérifier si avec Thess, on arrive à faire baisser ce chiffre », reprend Roland Sicard.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

20 minutes

Noter cet article :

 

Vous serez certainement intéressé par ces articles :

Recommander cet article :

back-to-top