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Edito : Biocarburants : il faut passer à la deuxième génération

Le ministre de l'Economie et des Finances Thierry Breton a reçu, le 26 septembre, le rapport d'Alain Prost, intitulé "Flexfuel 2010", concernant la généralisation en France de l'usage d'un biocarburant, l'E85. S'appuyant sur ce rapport très favorable au développement des biocarburants, le ministre a annoncé le lancement en 2007 de 500 "pompes vertes" au bioéthanol, afin de proposer aux automobilistes "une essence verte beaucoup moins chère".

Au plus tard en 2010, chaque station-service devra mettre à disposition du consommateur à la fois de l'essence et des biocarburants, a indiqué le ministre, ajoutant qu'il faudrait doubler en France la capacité de production de bioéthanol. Le coût de l'E85 - avec une part d'éthanol de 85% pour 15% d'essence - au kilomètre, doit être "assez proche du prix du gazole", a ajouté M. Breton.

Actuellement, le plan français en matière de biocarburants, annoncé en juin 2006, prévoit leur montée en puissance afin qu'ils représentent 7 % du volume des carburants vendus en 2007 et 10 % en 2015, contre 1,75 % en 2006. Sur le plan agricole 400 000 ha sur 10 millions d'hectares cultivés en céréales et betteraves permettent de satisfaire l'objectif d'incorporation de 7 % de biocarburants en 2010 pour la filière essence.

Mais alors que la France accélère la mise en place de la filière biocarburant sur ses terres, la Suède possède déjà une longueur d'avance sur notre pays et s'affirme comme le pays pionnier en matière de biocarburants. Aujourd'hui, la Suède est le plus gros consommateur d'éthanol en Europe et l'énergie représente pour la filière agricole suédoise environ 10 % du chiffre d'affaires de la coopérative nationale suédoise.

Quant aux constructeurs automobiles et aux consommateurs, ils ont résolument pris le virage des biocarburants: en 2005, en Suède, les véhicules "propres" ont ainsi représenté 10 % des immatriculations. Et la tendance est à la hausse. Sur le premier trimestre 2006, ils représentent 12 %.

Cette évolution a été largement favorisée par la politique très volontariste du gouvernement mise en oeuvre par le gouvernement suédois depuis 2004. Afin d'imposer l'E 85 (mélange constitué d'essence et de 85 % d'éthanol) dans le pays, la Suède a en effet décidé de supprimer les taxes sur le bio-éthanol jusqu'en 2013. A la pompe, l'E 85 est ainsi affiché à 0,87 euro le litre, contre 1,25 euro pour le SP 95. Cet allégement s'accompagne d'une baisse de 20 à 30 % de la TVA sur l'achat de ces véhicules "propres".

Par ailleurs, afin de soutenir un peu plus encore le développement du bio-éthanol, le gouvernement donne lui même l'exemple. Les administrations publiques (Police, Poste...) ont, en effet, pour obligation de réaliser 75 % de leurs achats de véhicules avec ce type de carburation. Et pour tous les véhicules "propres", les péages sont gratuits !

Depuis le 1er avril dernier, toutes les stations qui vendent plus de 3 000 m3 d'essence ou de gazole par an, sont obligées de proposer une alternative énergétique à leurs clients. Qu'il s'agisse, d'ailleurs, de bioéthanol, de biogaz ou de toute autre énergie.

En Suède, les collectivités locales sont en pointe en matière d'initiative pour promouvoir l'usage des biocarburants. La ville de Stockholm représente ainsi 40 % des véhicules "propres" vendus en Suède. La capitale a, en effet, pris en début d'année la direction d'un programme international pour l'utilisation de bioéthanol dans les transports. A la fin de l'année, 60 % de la flotte municipale fonctionnera ainsi grâce à des biocarburants. Stockholm a rendu tous les parkings et les péages urbains gratuits pour ce type de véhicules. Enfin fin 2006, 25 % des bus en circulation dans la capitale suédoise fonctionneront au biogaz ou au bioéthanol. L'objectif est de porter cette proportion à 50 % pour 2011.

Mais la Suède, non contente d'être en pointe dans les biocarburants de première génération, a également l'intention d'exploiter pleinement les immenses ressources de sa biomasse pour produire des biocarburants de deuxième génération n'entrant pas en compétition avec les productions alimentaires (bois, paille et résidus biologiques de nos ordures). Actuellement, 80 % de l'éthanol consommé en Suède provient de la canne à sucre brésilienne mais la Suède compte démarrer en 2008 une usine de production d'éthanol à partir de déchets de bois et de blé.

Il est vrai qu'en Suède comme en France ces biocarburants de deuxième génération représentent une solution d'avenir qui fait sauter le goulot d'étranglement lié à la limitation des surfaces agricoles pouvant être consacrées aux biocarburants. En France, en 2004, quelque 300 000 hectares étaient consacrés aux biocarburants. On devrait approcher le million d'hectares en 2007 - pour produire 1 million de tonnes - ce qui représente 3 % de la surface agricole utilisée du pays. Si l'on voulait obtenir 35 millions de tonnes, pour couvrir nos besoins en gazole, il faudrait mobiliser 35 millions d'hectares, soit la totalité de la surface agricole hexagonale. Les objectifs annoncés comme accessibles, et sans doute acceptables, se situent autour de 3 millions de tonnes. Il convient donc de développer de nouvelles filières énergétiques qui utilisent une ressource moins limitée et ne soient pas en concurrence avec l'usage alimentaire.

L'avenir appartient donc à la conversion de biomasse lignocellulosique d'origine forestière et agricole : bois, paille, déchets végétaux. Autre axe de recherche : la production de gaz de synthèse (à partir de charbon, de gaz naturel ou de biomasse ; Gas To Liquid ou BTL) pour fabriquer des carburants de synthèse.

La France possède tous les atouts pour relever ce défi majeur : la forêt française est la deuxième d'Europe. Elle progresse de 50 000 hectares par an et couvre actuellement, avec les autres espaces boisés que sont peupleraies, bosquets et arbres épars, 16,6 millions d'hectares, soit un peu plus de 30 % du territoire métropolitain, contre environ 10 millions d'hectares au début du XXe siècle. En outre, notre pays est en pointe en matière de recherche pour la transformation du bois et des déchets végétaux en biocarburants.

Un récente étude révèle que 89 % des français se déclarent prêts à acheter un véhicule roulant au biocarburant, et 68 % sont mêmes prêts à payer plus cher à la pompe pour « rouler propre ». Cette prise de conscience de nos concitoyens montre que si nous savons faire preuve, comme la Suède, d'une volonté politique forte et d'une vision de l'avenir à long terme, nous pouvons, d'ici 10 ans, devenir un pays pionnier au niveau mondial en matière de production de biocarburants à partir du bois et de ses dérivés. Souhaitons que la France se donne les moyens de relever ce défi majeur pour son économie, l'emploi et l'environnement.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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