RTFlash

Matière

Des bactéries pour retarder la fin du pétrole

La fin du pétrole, promise à l'horizon 2050, pourrait-elle être retardée de quelques décennies grâce à l'intervention de bactéries «méthanogènes» ? Une équipe de chercheurs canadiens, norvégiens et anglais publie dans la revue Nature une étude qui démontre que le pétrole est transformé naturellement en méthane, ou gaz naturel, par des micro-organismes vivant en conditions anaérobies (sans oxygène).

Ce procédé biologique, mis en évidence en laboratoire, «permet d'obtenir un carburant beaucoup plus propre», souligne l'un des auteurs, Steve Larter, du département de géosciences de l'université de Calgary (Canada). À énergie constante, le méthane émet en effet beaucoup moins de CO2, l'un des principaux gaz à effet de serre, que le pétrole et surtout les huiles lourdes ou les sables bitumineux. Principalement localisés au Canada et au Venezuela, ces hydrocarbures à chaîne longue représentent environ la moitié des ressources mondiales de pétrole. Mais leur rendement d'extraction est faible : 17 % seulement contre 30 % environ pour les huiles plus légères. En outre, l'opération est polluante, coûteuse en infrastructures et gourmande en énergie puisqu'il faut injecter de la vapeur d'eau pour fluidifier le bitume et pouvoir ainsi le pomper jusqu'en surface.

Dans la nature, les bactéries (principalement des Syntrophus) mettent environ 10 millions d'années pour gazéifier le pétrole. En les nourrissant correctement, avec des sels minéraux contenant de l'azote, du phosphore et du potassium, les chercheurs pensent pouvoir leur faire faire le même travail en dix ans seulement. «Nous estimons que c'est possible, poursuit Steve Larter. Nous avons réussi en laboratoire. Toute la question maintenant est de voir si nous pouvons obtenir le même résultat, in situ, dans les gisements.» Les premiers tests en vraie grandeur pourraient avoir lieu d'ici à 2009. Pour les compagnies pétrolières, l'enjeu est immense.

Applicable à grande échelle, la technique leur permettrait de n'extraire que du méthane et de laisser dans le sous-sol les bitumes difficilement exploitables ainsi que les matières polluantes comme le soufre. «Cela reviendrait à produire du gaz naturel sur des champs pétrolifères», explique Alain Huet, membre de la direction scientifique de l'Institut français du pétrole (IFP) qui juge l'idée «séduisante et astucieuse». En outre, le rendement d'extraction serait bien meilleur qu'avec les techniques classiques actuelles. Ce qui permettrait d'accroître la quantité d'énergie produite dans des proportions considérables.

Selon Martin Jones, de l'université de Newcastle (Royaume-Uni), également signataire de l'étude, «les réserves prouvées du Canada (c'est-à-dire les quantités de pétrole exploitables au moyen des technologies actuelles, NDLR) s'élèvent pour le moment à 163 milliards de barils, contre 264 milliards pour l'Arabie saoudite. Mais les ressources présentes dans le sous-sol de l'Alberta et des provinces de l'ouest du Canada, sous forme de sables bitumineux ou d'huiles lourdes et extra-lourdes, sont évaluées à 2000 milliards de barils ».

Les bactéries « mangeuses de pétrole » pourraient donc avoir, à terme, un impact non négligeable sur le marché de l'énergie. D'une part en faisant reculer, peut-être de plusieurs décennies, le moment où cette ressource vitale sera définitivement épuisée. Le tout avec une pollution et des émissions de CO2 proportionnellement moindres. D'autre part en redistribuant les cartes entre pays producteurs, avec une montée en puissance du continent américain (Canada, Venezuela) au détriment du Moyen-Orient. Mais il leur reste à prouver leur efficacité en conditions réelles.

Figaro

Noter cet article :

 

Vous serez certainement intéressé par ces articles :

Recommander cet article :

back-to-top