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Edito : Attention : La mise aux enchères des fréquences UMTS serait une erreur

Il ne faut pas confondre bien public et bien privé. En économie de marché, quand un bien privé est rare, il est normal que ce produit soit cher. Dans la gestion d'un bien public, quand un produit est rare, les Pouvoirs Publics doivent tout entreprendre pour que ce bien rare soit accessible au plus grand nombre. Si dans ces temps prochains, le Gouvernement français décide d'attribuer aux enchères les licences UMTS, comme cela vient d'être fait dans des conditions aberrantes en Grande Bretagne, il ferait une erreur en gérant les fréquences radio qui sont des biens particulièrement rares comme un gestionnaire privé et non en responsable qui doit avoir comme seule finalité l'intérêt public. Certes, il est tentant pour un Premier Ministre et son Ministre des Finances de pouvoir bénéficier d'une cagnotte imprévue pour améliorer les ratios budgétaires de la France dans des moments où notre Euro commence à souffrir rudement du manque de rigueur de plusieurs gouvernements européens. Mais si les fréquences UMTS étaient attribuées aux enchères et ce, sans prendre de précautions, que se passerait-il ? Tout d'abord, il faut bien avoir conscience que cette technologie UMTS va faire faire un bond extraordinaire à notre téléphone portable dès ces prochaines années. Alors que notre téléphone portable GSM actuel n'est capable, avec ses 9.600 signes par seconde, que de bien porter la voix, le téléphone portable UMTS assurera lui un débit symétrique (voie montante, voie descendante) qui dépassera les 2.000.000 de signes par seconde, ce qui permettra à chacun d'entre nous de recevoir Internet (avec des images animées) sur l'écran de son téléphone portable. Après l'ADSL, après le câble, après le satellite, après la boucle locale radio, l'UMTS est la dernière technologie annoncée qui permettrait au plus grand nombre parmi nous de pouvoir accéder à Internet à haut débit. Cette technologie UMTS est d'autant plus intéressante qu'elle permettra d'accéder à Internet, tout en étant mobile et ce pour des prix raisonnables, du moins si les Pouvoirs Publics prennent, en temps utile, conscience des conséquences néfastes qu'aurait une mise aux enchères. En effet, que se passerait-il ? Si une mise aux enchères, sans précautions, était lancée pour attribuer ces licences UMTS, il est indéniable que seuls les groupes les plus puissants et les plus riches (seraient-ils français ?) pourraient concourir. Mais l'important n'est pas là... Si des dizaines sinon des centaines de milliards de francs sont récupérés par le Trésor Public pour attribuer ces fréquences UMTS, ce sont autant de milliards dont ne disposeront plus les opérateurs pour installer leurs équipements dans des régions moins rentables, donc moins denses, essentiellement en milieu rural. Or, comme je l'écrivais dans un précédent éditorial (voir éditorial du @RT-Flash n° 82 http://www.tregouet.org/lettre/index.html) la mise en oeuvre de l'ADSL (dans les 250 villes les plus peuplées de France), la modernisation des réseaux câblés et même (nous devrions l'apprendre dans quelques courtes semaines maintenant) la BLR (Boucle Locale Radio) ne devraient être déployées que dans les villes de plus de 30.000 habitants. Aussi, si le Gouvernement ne prend pas la précaution d'exiger le respect d'un cahier des charges strict (mais peut-on être exigeant quand on met un produit aux enchères ?) , il est à craindre qu'il se passe un temps très long avant que l'UMTS soit déployé sur l'ensemble de la France. Ceci serait d'autant plus dommageable pour notre Pays et pour son aménagement du territoire qu'avant 5 ans toutes les entreprises devront être connectées au haut débit avec leurs clients, leurs fournisseurs, leurs représentants et même une grande partie de leurs salariés si elles veulent rester dans la compétition. Cela serait même vrai pour les individus qui voudront exercer leurs métiers du futur (ajouter du savoir à un signal). Or, leur nombre devrait atteindre en France plusieurs millions avant 2010. Si les Pouvoirs Publics persévèrent dans leur volonté de mettre aux enchères les fréquences UMTS, il est nécessaire qu'ils prennent au moins l'engagement de rembourser aux opérateurs retenus une partie de leur mise, et ce sur des bases justifiées, à chaque fois que ces opérateurs équiperont des territoires non rentables. C'est à cette seule condition que cette mise aux enchères des fréquences UMTS pourrait ne pas être un désastre et faire en sorte que ces technologies nouvelles si précieuses pour l'avenir soient mises à la disposition du plus grand nombre.

René TREGOUET

Sénateur du Rhône

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