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Edito : Le WiFi, nouveau moteur des télécoms et de l'internet haut débit

Alors qu'aux Etats-Unis comme en Europe, la mise en oeuvre de l'UMTS et de l'internet haut débit ne cesse de prendre du retard à cause des difficultés financières de l'industrie des télécoms et de l'attentisme des utilisateurs, l'irrésistible et surprenante montée en puissance de la technologie WiFi est en train de bouleverser la donne sur le marché des télécoms et de l'internet large bande. L'année 2002 a en effet été marquée par deux grandes évolutions dans les réseaux : l'arrivée du haut débit dans la boucle locale, avec l'ADSL, et celle du sans-fil dans les réseaux locaux publics ou privés, avec WiFi (802.11b). Mais à présent une nouvelle convergence technologique se développe de manière accélérée : celle qui combine mobile, réseaux sans fil et WiFi. Avaya, Proxim et Motorola viennent ainsi de signer un accord pour faire converger téléphonie cellulaire et réseaux sans fil. Le premier apportera un logiciel de téléphonie IP pour central téléphonique, le second son infrastructure permettant à la voix de transiter sur des réseaux WiFi. Quant à Motorola, il se chargera du terminal, en proposant un téléphone cellulaire/WiFi. L'alliance a pour objectif d'offrir le meilleur des deux mondes sur un seul appareil : à proximité d'une borne WiFi, la transmission des données à haut débit et de la voix ; hors de portée d'une borne, la connexion à un réseau GSM ou GPRS. Il sera ainsi possible d'être toujours connecté sans fil avec le débit le plus élevé disponible. Plus que pour la voix, c'est dans la transmission des données que la convergence WiFi/GPRS pourrait jouer le rôle de technologie universelle. C'est ainsi que Nokia propose sa carte PC D211 qui gère aussi bien le WiFi que le GPRS et coûte 450 euros. Avec cette carte, le téléphone portable mais aussi l'assistant personnel ou le PC portable, sont connectés toujours au meilleur débit, ce qui intéresse au plus haut point le monde de l'entreprise. Certains éditeurs ont d'ailleurs saisi l'opportunité. Les Suisses de Togewanet sont ainsi en train de passer des accords avec des opérateurs européens (Orange et Vodafone) de réseaux GSM et de bornes WiFi pour interconnecter leurs clients respectifs. Selon le principe des vases communicants, les opérateurs de téléphonie mobile voyant s'éloigner les perspectives mirifiques de bénéfices avec l'UMTS ont compris tout le profit qu'ils pouvaient tirer rapidement avec l'utilisation professionnelle du WiFi. C'est ainsi que France Telecom/Oléane propose un pack "WiFi + ADSL", conçu spécialement pour les PME/PMI et basé sur le routeur "Office Connect Wireless Cable/DSL Gaetway" de l'équipementier américain 3Com . Cette solution clef en main permet ainsi à une PME de partager simplement son accès internet avec n'importe quel terminal (PC, PC portable, PC de poche, tablette SmartDisplay) équipé d'une antenne WiFi, sans utiliser le moindre câblage et en rendant possible, dans un rayon d'une centaine de mètres, l'accès au Web, à l'intranet ou encore à la messagerie d'entreprise. France Telecom vient par ailleurs d'annoncer qu'il proposerait mi 2003, en étroit partenariat avec Wanadoo et Orange, un ensemble d' offres professionnelles de HotSpots (points d'accès sans fil à l'internet utilisant la technologie WiFi) qui devrait permettre aux abonnés de se connecter de façon transparente sur chaque HotSpot. Il faut par ailleurs souligner que le WiFi est en train de reléguer au second plan la technologie Bluetooth, présentée au départ comme une technologie universelle, notamment dans les réseaux domestiques, aux applications industrielles et aux réseaux strictement personnels (PDA, PC, téléphone portable). Le WiFi est en train de s'imposer non seulement dans les réseaux d'entreprises mais aussi dans les réseaux domestiques (via l'ADSL sans fil) et enfin comme technologie tout à fait compétitive de boucle locale, comme le montre par exemple l'expérience initiée par la ville de Pau (Pau Broadband Country). Il reste qu'en France l'internet sans fil à haut débit commence seulement à s'installer dans les lieux très fréquentés. Certains de ces lieux, gares, aéroports, hôtels, sont pourvus de bornes d'accès permettant une connexion à l'internet à haut débit et sans fil (WiFi) grâce à une carte insérée dans un ordinateur portable ou un assistant personnel (PDA). Mais une fois encore la France, dans ce domaine stratégique de l'Internet sans fil à haut débit, est en retard par rapport aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis, il existe plus de trente groupements visant à promouvoir l'installation de services Internet sans fil ou WiFi, en particulier dans les villes de San Francisco, Long Beach (Californie), Seattle (Washington) et Jacksonville (Floride). Long Beach sera la première ville à mettre à la disposition de ses habitants une aire de connexion gratuite couvrant d'abord quatre pâtés de maisons dans le centre ville. Ce service devrait être rapidement étendu à la marina et à l'aéroport. La ville assume les frais de la connexion Internet et des entreprises locales comme Vernier Networks de Mountain View fournissent les équipements nécessaires. Cette "île WiFi" est considérée par les planificateurs de Long Beach comme faisant partie du renouveau urbain. Autour de San Francisco, le Bay Area Wireless Regional Network prévoit la mise en place d'une aire connectée d'un rayon de 12 Km couvrant le sud de la ville. En outre il est révélateur, sur le plan politique, de constater que les réseaux WiFi avaient dans un premier temps été écartés du débat parlementaire américain concernant l'accès Internet à haut débit dans les zones rurales et les petites agglomérations. Seuls les accès via le câble et l'ADSL avaient été pris en compte dans la discussion. Mais à l'initiative de deux sénateurs, la technologie WiFi a finalement été réintégrée dans ce débat législatif et sera reconnue dans le nouveau cadre réglementaire américain comme une alternative dans le développement de l'accès haut débit. Mais le développement rapide et fiable du WiFi nécessite encore une simplification et une clarification des différentes normes de réseaux locaux sans fil. La norme 802. 11 se décline actuellement en deux standards réputés utilisables par les ordinateurs pour des liaisons à haut débit : le 802.11b qui fournit des liaisons à 11 Mbits/s sur la bande des 2,4 GHz, et le 802.11a qui doit le compléter sur la bande des 5 GHz, à une vitesse de 54 Mbits/s. Ces bandes de fréquences radio vont heureusement pouvoir faire l'objet d'une utilisation plus large grâce à l'adoption, par l'IEEE, d'une certification d'interopérabilité des matériels commercialisés. L'IEEE a mis au point un éventail de règles qui vont harmoniser les procédures mises en oeuvre lors du passage d'un réseau à l'autre, dans les lieux publics ou privés. Le but est d'assurer la persistance de la liaison à un réseau et d'éviter que les ordinateurs des personnes connectées et changeant de zone de couverture ne passent alternativement d'un réseau à l'autre de façon totalement anarchique. Cette certification a permis l'apparition des premiers produits WiFi compatibles 802.11a et b. Mais un troisième standard devrait rejoindre les deux premiers qui sont déjà de fait interopérables sur certains produits, principalement vendus aux Etats-Unis : le 802.11g , capable d'assurer des débits de transmission de données à 22 Mbits/s sur la bande des 2, 4 GHz. Ce standard devrait prochainement faire l'objet d'une nouvelle spécification à 54 Mbits/s pour s'appeler 54 Mbps 802.11b. Il y aurait aujourd'hui 10.000 stations relais à travers le monde, mais la diffusion de cette technologie s'emballe. Pour la société de recherches spécialisée Gartner, elle représentera un chiffre d'affaires mondial de 3,9 milliards de dollars en 2007, à comparer avec 1,7 milliards en 2001 -, avec, rien qu'en Amérique du nord, près de 5,5 millions d'utilisateurs. Pour les experts, il faudra attendre plusieurs années avant qu'il y ait assez de bornes relais pour atteindre une masse critique, et plus longtemps encore pour gagner de l'argent avec le WiFi. Pour l'instant, c'est en Asie que les stations sont les plus nombreuses, mais c'est en Amérique du Nord qu'il y a le plus d'ordinateurs avec l'équipement ad hoc. L'accès est parfois gratuit, mais plus souvent requiert un abonnement ou le paiement d'un droit d'accès, à la journée. De gros investisseurs se sont lancés dans l'aventure : AT and T, Intel et IBM ont uni leur force pour lancer en décembre Cometa Networks, avec l'ambition de mettre sur pied un réseau couvrant tous les Etats-Unis avec 20.000 stations relais, un chiffre insuffisant, selon Gartner, qui prévoit des résultats à l'équilibre en 2007 au plus tôt. Côté équipement, Dell commence à vendre des ordinateurs portables avec WiFi intégré, ce qui supprime la nécessité d'une carte. Et Intel annonce pour bientôt le lancement d'un microprocesseur avec WiFi intégré. "Aujourd'hui, à peu près 20 % des utilisateurs d'ordinateurs portables recourent au sans-fil", selon un responsable d'Intel, Don MacDonald. "On devrait arriver à au moins 30 % dès cette année", prédit-il. Avec l'arrivée massive d'ordinateurs intégrant le WiFi, et une fois achevée la clarification et cette mise en cohérence des différentes normes, la technologie WiFi, en combinaison synergique avec l'UMTS, devrait connaître une progression encore plus fulgurante, tant dans les domaines de la téléphonie mobile que de la transmissions de données à haut débit et des réseaux locaux d'entreprises ou domestiques. Le succès commercial du WiFi, et son adoption comme norme universelle pour les réseaux locaux et les transmissions de données sans fils dépendra sans aucun doute du degré d'interopérablitité et de compatibilité entre machines et réseaux, et de la pertinence des offres commerciales, pour que l'utilisateur puisse de manière totalement transparente obtenir en tout lieu la meilleure connexion haut débit. Mais la question ultime que tout le monde se pose est de savoir si la technologie WiFi restera complémentaire de l'UMTS ou finira, et à quelle échéance, par absorber cette norme universelle pour laquelle les opérateurs on dépensé des sommes colossales.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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