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Edito : Voiture propre et nouvelle conception des transports individuels : un défi technologique, économique et politique

Il est très intéressant de rapprocher le contenu et les conclusions de deux récents rapports concernant les véhicules du futur, celui de l'AIE (Agence Internationales de l'Energie), déjà évoqué dans notre lettre 362 (Voir article sur la voiture à hydrogène dans la lettre 362) et le dernier rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, intitulé « La définition et les implications du concept de voiture propre » (Rapport de l'OPECST à paraître).

Le rapport de l'OPECST souligne que, dans l'immédiat, la motorisation diesel est la solution la plus efficace et la moins chère pour réduire les émissions en Europe, où le diesel est massivement diffusé. Les motorisations diesel dégagent en effet moins de gaz carbonique - principal coupable du réchauffement de l'atmosphère - que les motorisations essence car leur consommation est en moyenne moindre de 20 % à 30 %. Elles peuvent aussi fonctionner avec des esters d'huiles végétales, les "biocarburants". Le rendement énergétique de cette technologie, qui a perdu beaucoup de ses défauts environnementaux initiaux grâce au filtre à particules et à l'injection haute pression, peut encore être amélioré de l'ordre de 20 %, selon le rapport.

En revanche, les véhicules associant propulsion diesel et électrique, comme ceux en préparation chez PSA, trouvent grâce auprès des rapporteurs. Pour eux, la meilleure des solutions serait pour le court terme "un diesel hybride, disposant d'un système automatique arrêt/démarrage en circulation urbaine, et doté d'un filtre à particules, dans l'attente, au- delà de 15 ans, de véhicules à pile à combustible commercialement viables".

Les rapporteurs relèvent également que les progrès récents des batteries automobiles (batteries Lithium-Ion et Lithium-Polymères), redonnent une chance au véhicule électrique, comme l'attestent les projets des groupes Bolloré et Dassault. Mais le véhicule électrique ne pourra concurrencer avec succès les véhicules thermiques que s'il affiche "les mêmes performances, la même polyvalence et le même coût que le véhicule thermique", affirment-ils.

Ce rapport de l'OPECST est complémentaire de celui de l'AIE qui explore, pour sa part, les perspectives à plus long terme du moteur à hydrogène pour les véhicules. L'AIE souligne, à juste titre, que la généralisation des véhicules fonctionnant à l'hydrogène représente un double défi, techno-économique et politique. Une pile à combustible coûte actuellement 2.000 dollars par kilowatt d'énergie produite. Il faudrait ramener ce coût à 100/200 USD pour engager une production de masse, tout en sachant que le coût des moteurs actuels de voiture est de l'ordre de 50 USD par kilowatt.

L'AIE estime par ailleurs qu'il faut diviser de trois à dix fois le coût de revient actuel de l'hydrogène, actuellement de l'ordre de 50 dollars par gigajoule (soit l'équivalent de 8 kilogrammes d'hydrogène), pour que les voitures à pile à combustible puissent être compétitives. Il faudrait y ajouter 1 à 2 USD/Gj pour refléter le coût des pipelines d'acheminement, 7 à 10 USD/Gj pour les installations de cryogénisation et de 3 à 6 USD/Gj pour les stations-service. Les voitures seront également difficiles à construire à des prix compétitifs, car l'hydrogène est un gaz très peu dense. Pour le stocker, il faut donc le comprimer très fort (jusqu'à 700 fois la pression atmosphérique) ou le geler à -253° C.

Les technologies existent mais leur coût est très élevé, y compris du point de vue énergétique, puisque jusqu'à 60 % de l'énergie de l'hydrogène embarqué dans une voiture pourrait être consommé dans son stockage.

Pour l'AIE, le développement de la pile à combustible rendra nécessaire dans le demi-siècle des investissements additionnels pouvant atteindre au total 4000 milliards de dollars (1.000 milliards de dollars dans les pipelines de transport, 700 mds USD dans les stations-service et 2.300 milliards de dollars dans les véhicules). Cette somme peut sembler considérable mais elle ne représente cependant qu'un quart des 16.000 milliards de dollars que la planète devra investir dans l'énergie d'ici 2030.

Il faut donc non seulement parvenir à réduire au moins d'un facteur 20 le coût de fabrication et d'utilisation du moteur à hydrogène mais également mettre en oeuvre, au niveau des états, des politiques très volontaristes qui facilitent la difficile transition vers l'hydrogène.

Selon ce rapport de l'AIE, dans l'hypothèse la plus favorable, les véhicules mus par une pile à combustible à l'hydrogène pourraient être commercialisés à partir de 2025 et représenteraient 30 % du parc automobile en 2050, soit 700 millions de véhicules. La consommation mondiale de pétrole en serait ainsi réduite de 13 %. Avec l'apport d'autres technologies nouvelles, un tel développement du parc mondial de ce type de véhicule permettrait de diminuer de moitié d'ici 2050 les émissions de gaz carbonique, principal fautif du réchauffement de la planète.

Le gros problème de l'hydrogène est que, contrairement au pétrole ou au gaz, il n'existe pas dans la nature à l'état natif. Il faut donc le fabriquer par différentes voies technologiques mais toujours au prix d'une grosse consommation d'énergie et l'utilisation accrue de l'hydrogène impliquera d'améliorer les techniques de capture et de stockage du gaz carbonique dégagé lors de sa fabrication.

La généralisation de l'hydrogène comme carburant pour nos voitures doit donc relever de multiples et complexes défis, baisse du coût de fabrication de la pile à combustible, baisse du coût de production et de stockage de l'hydrogène, mise en place d'un réseau de distribution suffisant et sûr. Face à ces défis, les chercheurs étudient donc d'autres solutions, comme des systèmes de production d'hydrogène dans le véhicule, ce qui évite d'avoir à embarquer des réservoirs ou des bouteilles de gaz. L'automobile devient alors une centrale électrique sur roues, autosuffisante.

Autre solution, complémentaire, la cogénération : les Japonais travaillent beaucoup dans ce domaine qui consiste à faire d'abord entrer la Pile A Combustibles (PAC) dans nos maisons et nos immeubles et dans un second temps, lorsque le rapport coût-efficacité des PAC aura progressé, à généraliser l'utilisation de la PAC dans tous les véhicules.

Mais en attendant de basculer dans l'ère de l'hydrogène, sans doute pas avant 2050, on peut déjà réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre en améliorant et en combinant des technologies existantes, moteurs hybrides diesel-électrique ou thermique-électrique et voiture électrique de nouvelle génération.

Mais au-delà de la dimension technologique, il est également possible, comme le préconisent d'ailleurs les auteurs du rapport de l'OPECST, de rationaliser et de maîtriser beaucoup mieux l'utilisation de nos voitures, non seulement en améliorant et en développant l'offre de transports en commun mais également en utilisant pleinement les potentialités des technologies de l'information qui permettent une prévision et une gestion « intelligente » du trafic routier. Les TIC peuvent également permettre de répondre de manière beaucoup plus souple et efficace à la diversité de la demande individuelle en matière de transports et de déplacements, en généralisant par exemple le covoiturage interactif, géré en temps réel sur l'Internet.

En attendant l'avènement de l'ère de l'hydrogène, qui prendra deux générations à cause des gigantesque défis techno-économiques qui viennent d'être évoqués, nous pouvons donc immédiatement mettre en oeuvre, grâce aux puissantes ressources des TIC, des concepts et des services très innovants en matière de déplacements et d'utilisation des transports individuels et collectifs. Et améliorer ainsi considérablement la qualité de vie de nos concitoyens, tout en réduisant de manière très sensible les coûts économiques, sociaux et environnementaux liés à l'utilisation de la voiture et aux transports routiers.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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