RTFlash

Edito : Les virus redéfinissent les frontières de la vie

En 2003, le professeur Bernard La Scola, de l'équipe du Professeur Raoult (Unité de Recherche sur les Maladies Infectieuses et tropicales Emergentes, Faculté de Médecine de Marseille), publiait dans "Science" un article relatant la découverte d'un virus géant, le plus grand connu à ce jour, dont la taille de la particule et du chromosome était supérieure à celle de nombreuses bactéries. Ce microorganisme, baptisé "Mimivirus" et découvert dans l'eau d'une tour d'un système de climatisation située à Bradford (Royaume-Uni) avait d'abord été pris pour une bactérie par son découvreur.

Cinq ans après, en août 2008, la même équipe annonçait la découverte de deux nouveaux virus, dont l'un était capable d'infecter l'autre afin de se reproduire. Les scientifiques révélaient ainsi pour la première fois un mécanisme biologique tout à fait nouveau. Le premier de ces nouveaux virus était encore plus grand que Mimivirus, ce qui en fait le nouveau plus grand virus connu. Ce «Mamavirus» a été trouvé sur une amibe dans le système d'eau d'un système de climatisation.

Le second nouveau virus de petite taille (50 nanomètres et 18 000 paires de base contre plus de 2 millions pour Mamavirus) est capable d'infecter Mamavirus et Mimivirus quand ils sont en phase de réplication, en infectant directement l'organe de multiplication de ces virus géants dans l'amibe.

Cette infection d'un virus par un autre virus par un mécanisme remarquable et totalement inconnu jusqu'alors ouvre de nouveaux horizons à la biologie. En effet, le génome de "Spoutnik", la plus petit de ces deux virus, est constitué d'un ensemble de gènes provenant de virus qui infectent les trois domaines du vivant : les eucaryotes (animaux, plantes, champignons), les bactéries (ce virus sont appelés bactériophages) et les archaebactéries (organismes vivants dans des conditions extrêmes), ce qui démontre un échange de gènes entre les virus de l'ensemble du monde vivant. Cette découverte majeure vient éclairer d'une lumière nouvelle l'évolution des espèces mais également la définition même de la vie car depuis 2003, les scientifiques qui vont de surprise en surprise, ont notamment découvert, grâce à la métagénomique, que les virus géants sont présents partout dans la nature.

Pour beaucoup de scientifiques, ces découvertes font définitivement basculer les virus du côté des êtres vivants. En outre, la découverte de "Spoutnik" replace les virus dans un nouveau schéma d'évolution. Comme le souligne Didier Raoult "L'existence de Spoutnik montre que les virus peuvent, eux aussi, être pris entre la proie qu'ils exploitent et le virus qui les attaque..."

Alors les virus sont-ils vivants ? Pour Patrick Forterre, Professeur à l'Université Paris-Sud, la réponse ne fait aucun doute : selon lui "On peut commencer à parler de vie lorsque les mécanismes de la sélection darwinienne s'appliquent." Or, rappelle-t-il, "les virus y sont soumis..."

Mais au-delà du bouleversement théorique qu'elles représentent, ces récentes découvertes ouvrent également de nouvelles voies de recherche dans la mise au point d'outils thérapeutiques extrêmement ciblés et efficaces utilisant certains virus génétiquement modifiés pour combattre d'autres virus redoutables (celui du SIDA par exemple) mais aussi certaines bactéries dangereuses et résistantes aux antibiotiques. C'est donc bien un nouveau et passionnant chapitre de la biologie et de la médecine qui commence.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

Noter cet article :

 

Recommander cet article :

back-to-top