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Un virus récrit l'histoire de la vie

Mimivirus n'était, jusqu'à présent, rien d'autre qu'une bizarrerie de la nature : un virus gigantesque, plus imposant que certaines bactéries. Depuis que des chercheurs français en ont séquencé le génome, comme annoncé vendredi 15 octobre dans la revue Science, il suscite un vif émoi dans la communauté scientifique. Selon l'expression d'une biologiste canadienne, Mimivirus serait même "un chaînon manquant dont on ignorait qu'il manquait". Stupéfiante par sa taille très inhabituelle, la bestiole l'est plus encore par son patrimoine génétique, dont la complexité surprend des biologistes. Au point de relancer le débat sur la caractérisation - vivants ou non - des virus. Et d'envisager la création d'un quatrième domaine pour décrire le monde du vivant.Depuis les années 1970 et les travaux du microbiologiste américain Carl Woese, les êtres vivants sont classés en trois grandes catégories : les eucaryotes (dont les hommes, les animaux, les plantes, etc.), les bactéries et les archæa (une catégorie de micro-organismes). Cette grande classification pourrait devoir être réécrite : Mimivirus pourrait, en effet, être le représentant d'une quatrième branche de l'arbre de la vie. Découvert en 1992 dans le système de ventilation de l'hôpital de Bradford (Royaume-Uni), le virus géant a résisté plus de dix ans à la curiosité et aux investigations des scientifiques. Transmis à une équipe de chercheurs français spécialisée dans l'étude de ces micro-organismes "fastidieux", Mimivirus a, là encore, tardé à révéler sa véritable identité. C'est, en définitive, l'observation au microscope électronique qui a permis, en 2003, de mettre au jour la nature virale de cette entité. Le matériel génétique de Mimivirus réserve d'autres surprises. "Les premières estimations de la taille du génome de Mimivirus donnaient 800 000 paires de bases, c'est-à-dire presque trois fois celle des plus gros génomes de virus connus, dit Jean-Michel Claverie, directeur du laboratoire Information génomique et structurale (CNRS), coordinateur du séquençage de Mimivirus. Cette estimation a été revue à la hausse, à environ 1,2 million de paires de bases." Et ce, alors que la majorité des virus à ADN sont pourvus d'un génome de quelques dizaines de milliers de paires de bases seulement. Outre sa longueur inhabituelle, le génome de Mimivirus se révèle être, selon les termes de M. Claverie, "extraordinairement complexe". Doté de plus de 1 200 gènes, il est aussi élaboré que ceux de certaines bactéries. Surtout, outre la quantité de matériel génétique, la présence de certaines séquences remet en question la définition même de la notion de virus."On trouve dans le génome de Mimivirus une dizaine de gènes environ qui ont trait à la synthèse de protéines", dit M. Claverie. En l'état de leurs travaux, les chercheurs pensent cependant que Mimivirus n'est pas capable, sans le concours de la cellule hôte, de synthétiser seul ses protéines. Il concourt cependant à cette synthèse de manière très étonnante pour un virus puisqu'il est capable de la "moduler", selon l'expression de M. Claverie. Ultime surprise : les chercheurs ont identifié, dans le génome de Mimivirus, sept gènes communs à tous les organismes vivants actuels appartenant aux trois grands domaines de la vie. "En analysant ces sept gènes, nous avons montré que Mimivirus ne provient pas des eucaryotes, des bactéries ou des archæ, résume M. Raoult. Nous pensons, mais cela demeure à confirmer, que Mimivirus est le représentant d'un quatrième domaine de la vie, celui des gros virus à ADN." Au contraire, une part des biologistes considère les entités virales comme des biomolécules issues de génomes bactériens ou cellulaires et non comme des organismes vivants à part entière. La découverte et le séquençage de Mimivirus devraient relancer et faire avancer ce débat, qui tient à la définition même de la vie.

Le Monde : http://www.lemonde.fr/

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