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Edito : La ville du futur décidera du destin de l'Homme

Si les villes sont nées il y a plus de 5.000 ans, avec les premières grandes civilisations du Proche Orient, d'Egypte, de Mésopotamie, d'Inde et de Chine, l'urbanisation est historiquement un phénomène récent qui n'a véritablement débuté qu'à la fin du XIXème siècle. En 1900, seuls 13 % de la population mondiale habitaient en ville. A cet égard, il faut d'ailleurs rappeler que le terme "urbanisme", dans son sens actuel, n'est apparu qu'en 1910, sous la plume de Pierre Clerget. En France, la première loi sur l'urbanisme, dite loi Cornudet, qui instaure le premier régime de planification d'urbanisme en France, ne fut votée qu'en 1919. En 1950, moins d'un habitant de la planète sur 3 vivait en ville. Plus de la moitié de la population de notre planète est aujourd'hui composée de citadins, soit environ 3 milliards d'hommes. Au cours du XXème siècle, le nombre de citadins aura été multiplié par 15, alors que la population mondiale ne faisait que quadrupler.

La population urbaine mondiale devrait croître jusqu'à 5 milliards en 2030, soit 60 % de la population mondiale en 2030. Presque toute la croissance démographique (2 milliards de personnes) prévue entre 2000 et 2030 sera absorbée par les zones urbaines des régions les moins développées.

Entre 1995 et 2000, la croissance de la population urbaine a augmenté à un taux annuel de 2,2%. Durant la période 2000-2030, elle devrait croître en moyenne de 1,8 % ; à ce taux de croissance, la population urbaine mondiale doublera en 38 ans. Dans trente ans, les pays actuellement en développement resteront bien moins urbanisés que les pays développés mais sur les quelque 5 milliards de citadins que comptera alors la planète, 4 milliards vivront dans ces pays en développement, dont plus de 2,5 milliards en Asie. Le processus d'urbanisation est déjà très avancé dans les régions les plus développées, où 75% de la population vivent déjà dans des zones urbaines. Néanmoins, la concentration de la population dans les villes devrait continuer de sorte qu'en 2030, 84 % des habitants des pays plus développés habiteront dans des villes. Le niveau d'urbanisation est considérablement plus faible dans les régions les moins développées, où 40 % de la population vivaient dans des zones urbaines en 2000. Cette proportion devrait augmenter jusqu'à 56 % en 2030.

Depuis un siècle, la taille des villes s'est fortement accrue. Au début du XXe siècle, on ne dénombrait que deux agglomérations de 5 millions d'habitants ou davantage (Londres et Paris) ; elles sont passées à 80 à la fin de celui-ci ; le nombre de celles de plus de 1 million est passé de 16 à plus de 300.

Dans 30 ans, le monde devrait compter 33 mégapoles de plus de 10 millions d'habitants ; en 1970, on en recensait 11. Sur ces 33 mégapoles, 27 seraient localisées au Sud. Toujours dans 30 ans, la plus grande - Tokyo - aurait une population égale à la moitié de celle de la France actuelle, et celle de la quinzième - Manille - équivaudrait à la population des Pays-Bas aujourd'hui. L'urbanisation mondiale s'est d'abord traduite par une extrême concentration spatiale des populations doublée d'une très grande disparité de densité de population : l'agglomération de Tokyo, avec ses 27 millions d'habitants, est plus peuplée que toute l'Australie pourtant 20 fois plus grande que le Japon. Dans quelques années, la population de Mexico dépassera celle du Canada ! Mais les espaces urbains ne représentent qu'une infime partie de la surface de la Terre, moins de 2 %.

En France, si trois habitants sur quatre habitent aujourd'hui en ville, il a fallu attendre 1931 pour que la population de nos villes dépasse celle de nos campagnes. En 2001, l'INSEE a publié une étude passionnante et très éclairante sur l'évolution du phénomène urbain.L'évolution récente des villes françaises, et dans une large mesure européennes, est marquée par les phénomènes de métropolisation et d'internationalisation. Métropolisation et internationalisation participent en fait de la même logique de concentration des activités et des hommes en un nombre limité de centres urbains, centres régionaux au niveau d'un état, capitales et villes régionales les plus importantes au niveau européen.

La proximité géographique n'est plus la condition privilégiée des échanges. Une nouvelle logique de comportement spatial des activités économiques tend à se faire jour, au-delà de la logique gravitaire traditionnelle, au-delà des économies d'échelle et des coûts de transport. Certaines villes fortement intégrées au réseau mondial ont une zone d'influence qui transcende les frontières des régions, voire des Etats. La proximité cède, en fait, le pas à la connectivité, l'économie se caractérisant de plus en plus par les relations entre secteurs, par l'intégration des fonctions, devenant ainsi une « économie de la circulation ». La hiérarchie urbaine semble alors bousculée, principalement sur les niveaux supérieurs, sans toutefois disparaître. Ainsi, la métropolisation va de pair avec une approche des villes comme noeuds de réseaux multiples, noeuds d'interconnexion entre réseaux globaux d'interactions physiques ou informationnelles.

On passe ainsi d'une logique de hiérarchie de villes dont le rang était directement lié au territoire auquel chacune appartenait, à une logique de fonctionnement en réseaux où la place des villes dépend avant tout de leur intégration à un de ces réseaux et est de plus en plus étrangère à son territoire d'appartenance.

Mais l'explosion des NTI à partir de 1990 et la montée en puissance d'une économie de plus en plus dématérialisée et cognitive ont fait voler en éclat ces conceptions classiques de l'urbanisme, héritées de l'après-guerre. Le fulgurant développement du Web, qui en 15 ans, de 1990 à 2004, a déjà relié entre eux 750 millions de terriens est d'abord un phénomène urbain et, à ce titre, il est évidemment en train de bouleverser complètement l'organisation et les finalités économiques, sociales et politiques de nos villes. Grâce à l'essor irrésistible de l'Internet, l'habitat intelligent, communiquant et interactif est en train de devenir une réalité qui ne s'appuie plus seulement sur les réseaux numériques physiques, téléphone, fibres optiques, réseaux électriques, mais de plus en plus sur de nouveaux modes de communication sans fil qui vont accélérer l'avènement d'un véritable village planétaire numérique que n'aurait pas renié Mac Luhan.

Avec le fantastique développement et l'utilisation combinée de ces nouvelles technologies de transmissions sans fils à très haut débit, la barre symbolique du milliard de terriens reliés au Net devrait être atteinte dès 2007 et il est fort probable que la totalité des quatre milliards de terriens vivant dans les villes en 2020 sera connectée au Net. Mais ce qu'il faut bien,comprendre, c'est que ces citadins en 2020 bénéficieront, grâce à l'Internet de prochaine génération, baptisé Fast TCP, d'une vitesse de connexion au Web qui ne se comptera plus en Mbits, comme aujourd'hui, mais en Gbits ! Le Japon et les Etats-Unis expérimentent déjà cet Internet du futur qui permettra demain de télécharger un film, une discothèque ou une encyclopédie entière, en quelques secondes. En outre, grâce au nouveau protocole IPV6, l'Internet disposera d'un nombre d'adresses Internet quasi illimité et tous nos objets familiers, mais aussi nos immeubles, nos logements, nos voitures, auront leur site Web et seront donc interconnectés au Net pendant toute leur durée de vie. La généralisation de cet Internet ultrarapide, et sa superposition à l'ensemble des objets qui composent notre monde physique, auront des conséquences économiques et sociales majeures dans bien d'autres secteurs que ceux du divertissement. On imagine, en effet, les immenses possibilités qui vont être offertes par ce type de connexion en matière de télésurveillance, de télémédecine et d'assistance médicale à domicile, un domaine qui devrait littéralement exploser, compte tenu du vieillissement accéléré de notre population.

Cet Internet ultrarapide devrait également faciliter et développer de manière considérable le télétravail et l'enseignement à distance et pourrait ainsi contribuer de manière puissante à réduire nos déplacements quotidiens domicile-bureau et à décongestionner nos villes souvent au bord de la paralysie en matière de circulation routière. Les flux de circulation routière seront eux-mêmes optimisés et contrôlés en temps réel grâce au Net de prochaine génération.Dans un tel scénario tout à fait réaliste, c'est donc bien une nouvelle économie numérique urbaine, centrée sur les besoins personnels de l'utilisateur, qui se met en place dans nos villes. Cette accélération technologique rend encore plus vital l'effort d'adaptation politique, sociale, économique et culturelle que doit mener à bien notre pays pour tirer pleinement partie des immenses potentialités de créativité, d'innovation et de développement que va permettre d'ici seulement une décennie cette économie d'abondance numérique.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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