RTFlash

Vivant

VIH : Un mécanisme de l’inflammation chronique décrypté

La majorité des patients infectés par le VIH présente une inflammation généralisée persistante, même sous traitement antirétroviral efficace. Si cette inflammation est asymptomatique sur le plan clinique, elle contribue à altérer le pronostic à long terme, notamment en favorisant le vieillissement accéléré et la survenue de pathologies cardiovasculaires. Une altération de l’immunité de la muqueuse intestinale est en cause. Celle-ci, en effet, conduit au passage constant de bactéries de la flore intestinale vers la circulation sanguine, entraînant ainsi un état inflammatoire chronique.

Les résultats de l’étude Anrs EP44 PERSIST, publiés dans le Journal of Clinical Investigation du 12 décembre décrivent pour la première fois un des mécanismes clés de l’altération immunitaire de la muqueuse intestinale. Réalisée sous la direction du Docteur Pierre Delobel au CHU de Toulouse, et ses collègues de l’Inserm, cette étude a concerné 20 patients infectés par le VIH en succès thérapeutique et 10 témoins séronégatifs. Elle montre que, chez les patients infectés par le VIH, certains lymphocytes CD4, qui sont normalement destinés à migrer vers la muqueuse intestinale, restent bloqués dans la circulation sanguine. Ces CD4, porteurs des marqueurs CCR9 et ?4ß7, ont pour rôle de faire "barrière" entre le tube digestif et la circulation sanguine et donc d’empêcher le passage des bactéries vers le sang. Les chercheurs retrouvent, chez les patients VIH+, ces CD4 en nombre anormalement diminué dans la muqueuse intestinale mais paradoxalement en nombre élevé dans le sang. Inversement, chez les témoins non infectés par le VIH, ces CD4 sont peu nombreux dans le sang car ils ont migré normalement vers la muqueuse intestinale. Les chercheurs mettent en évidence que ce phénomène est lié à un défaut de sécrétion d’une chimiokine, appelée CCL25 par les cellules intestinales. Cette protéine a pour fonction d’attirer les lymphocytes CD4 exprimant CCR9 et ?4ß7 vers la muqueuse intestinale.

"Lorsque les patients prennent un traitement antirétroviral efficace, le nombre de leurs lymphocytes CD4 sanguins, y compris ceux exprimant CCR9 et ?4ß7, remonte sensiblement, explique Pierre Delobel. Ces lymphocytes devraient donc en toute logique être attirés vers la muqueuse intestinale. Mais comme la production de la chimiokine CCL25 y est insuffisante, ces lymphocytes n’atteignent pas leur cible au niveau de l’intestin. Il ajoute : "C’est un vrai cercle vicieux : le déficit immunitaire de la muqueuse conduit à une altération de celle-ci, qui entraîne le déficit en CCL25, qui lui même entretient le déficit immunitaire de la muqueuse".

La description de ce mécanisme ouvre des perspectives intéressantes pour la prise en charge de l’inflammation systémique persistante observée chez les patients VIH+, malgré le traitement antirétroviral. Cela constitue tout d’abord un argument supplémentaire en faveur d’un traitement antirétroviral précoce de l’infection par le VIH, avant que l’immunité de la muqueuse intestinale ne soit profondément altérée. Cela permet par ailleurs de rechercher désormais des traitements immunologiques susceptibles de restaurer la production intestinale de CCL25.

Inserm

Noter cet article :

 

Vous serez certainement intéressé par ces articles :

Recommander cet article :

back-to-top