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Edito : La vidéo à la demande va rendre obsolète le DVD

Alors que le DVD a été lancé il y a moins d'une décennie, et a déjà conquis plus de 1 milliard d'adeptes dans le monde, sa guerre de succession fait rage et les géants de l'électronique et de l'informatique n'arrivent pas à se mettre d'accord sur la norme à retenir pour le futur «super DVD», plus puissant, plus rapide et doté d'une image à la définition quatre fois supérieure. D'un côté, Toshiba, épaulé par NEC, Sanyo, Microsoft et Intel, défend le HD-DVD (High Density Digital Versatile Disc). De l'autre, Sony, rejoint par Matsushita, Dell, Samsung, Philips et Apple, veut imposer le "Blu-Ray". En position d'arbitres, des majors de cinéma et de jeux vidéo, qui apporteront le fameux «contenu», c'est-à-dire les images, sur ces supports numériques, hésitent et ne cessent de changer de camp. Cette bataille techno-commerciale au sommet pour imposer un standard mondial unique n'est pas sans en rappeler une autre qui, il y a déjà trente ans, avait opposé trois standards de cassette vidéo, le Betamax, de Sony, le V2000, de Philips et enfin le VHS, de JVC. Bien qu'inférieur en qualité, ce fut finalement le VHS qui s'imposa.

Cette fois encore, il n'y a pas de différences techniques fondamentales entre ces standards. Chaque format a ses avantages et ses inconvénients. L'HD-DVD permet d'offrir en standard une compatibilité avec le format DVD classique. HD-DVD utilise une technologie plus proche du DVD que ce que propose le Blu-Ray. D'après NEC, l'adoption du HD-DVD ne demanderait qu'une adaptation des systèmes de production et une évolution des systèmes de lecture. Il y aurait malgré tout changement des platines DVD par exemple mais celles-ci ne devraient pas coûter beaucoup plus cher que le matériel actuel.

De son côté, le Blu-Ray a l'avantage d'offrir une capacité de stockage plus importante : un maximum de 50 Go contre 30 Go pour l'HD-DVD ou 8.5 Go pour le DVD enregistrable (DVD+R9 ou double couche). Son principal atout est d'offrir une capacité de stockage supérieure au HD-DVD puisque ce dernier accueille 15 Go par couche alors que le Blu-Ray en propose pas moins de 25 ! Cela porte la capacité des doubles couches à 50 Go, soit quatre heures de TV haute définition.

Pensé pour être évolutif, le Blu-Ray est prévu pour voir sa capacité augmenter au fur et à mesure des besoins du marché. Avec des disques double face et double couche, il permettra d'atteindre les 200 Go d'ici 2010, soit quinze heures de TV haute définition.

En mai 2005, les négociations entre les deux groupes d'industriels défendant ces deux standards ont échoué, non pour des raison technologiques mais pour des raisons commerciales, car chacun espère bien imposer sa norme et décrocher le jackpot en récupérant l'argent des licences qui représente plusieurs dizaines de centimes d'euro par disque durant des années. Autre raison de cette guerre sans merci : celui qui imposera sa nouvelle norme DVD imposera également aux consommateurs ses lecteurs. Un double bénéfice donc !

Sony, fabricant de la PlayStation, défend le Blu-Ray. Microsoft, son concurrent frontal sur le secteur des jeux vidéo, avec sa propre console, la Xbox 360, se range, avec Intel, dans le camp adverse. Outre Sony Pictures, la branche cinéma du géant nippon, le procédé Blu-Ray bénéficie également depuis quelques jours du soutien de la Metro-Goldwyn-Mayer et d'un autre grand de la production audiovisuelle, Twentieth Century Fox (groupe News Corp de Ruppert Murdock). Toshiba cherche à mettre en avant le HD DVD en parlant de protection contre la copie sauvage. Le camp HD DVD compte beaucoup sur le procédé anticopie AACS (Advanced Access Content System) pour emporter la décision du marché.

Comme toujours, ce sont, in fine, les consommateurs qui risquent de faire les frais de cette guerre à outrance. La coexistence des deux standards risque en effet d'avoir des répercussions sur le prix des futurs lecteurs de DVD qui pourraient atteindre les 200 ?, contre 50 en moyenne aujourd'hui. Dans ce contexte, c'est peut-être une troisième voie qui va s'imposer. Celle de Samsung. Il y a quelques semaines, le coréen déclarait ainsi qu'il pourrait lancer une solution unifiée. Autrement dit des lecteurs hybrides capables de lire tous les formats, HD DVD comme Blu-Ray. Reste à voir si ces lecteurs hybrides, et donc complexes et plus chers à fabriquer, parviendront à séduire le consommateur déjà submergé par une avalanche de nouveautés numériques.

Mais cette guerre sans merci apparaît déjà comme dépassée car, à terme, c'est l'existence même du DVD qui est remise en question avec l'avènement de la vidéo à la demande, via l'Internet. Ce service est proposé depuis septembre par CanalPlay (Canal Plus). Actuellement, avec des débits de l'ordre de 2 à 8 mégabits, le temps de téléchargement d'un film se compte encore en heures. Mais avant la fin de cette décennie, la plupart des consommateurs pourront disposer, en zone urbaine, de débits de l'ordre du gigabits et leurs téléviseurs disposeront de disques durs d'un téraoctets de capacité (1000 mégaoctets), de quoi stocker 200 DVD ou 40 films en haute définition ! Il suffira alors de commander par l'Internet, sur de vastes catalogues, les films de son choix et ceux-ci se téléchargeront en quelques minutes sur l'énorme disque dur de notre PC ou de notre télévision. A qui bon, dès lors, acheter un lecteur de DVD nouvelle génération et encombrer son salon d'un nouvel appareil et de nouveaux DVD ?

De la même manière que le stockage et le transfert numérique directs de la musique sous forme électronique est en train de rendre le CD inutile, les fantastiques progrès des technologies de stockage et l'avènement du très haut débit pour tous vont rendre obsolète le DVD et modifier de manière fondamentale nos possibilités d'accès aux contenus numériques et nos modes de consommation de ces contenus. A l'envie de posséder chez soi, sur un support physique, un disque ou un film, est en train de se substituer le désir d'avoir accès en tout temps et en tout lieu à son environnement numérique personnel, quel que soit le moyen ou le support technologique employé et de manière dématérialisée. Nous entrons ainsi dans l'ère de l'ubiquité numérique nomade qui pourrait se résumer par ce slogan "Pouvoir tout consulter, tout le temps, partout et tout de suite". C'est bien cette nouvelle logique de flux et d'immersion numérique permanente qui est désormais au centre des enjeux techno-économiques majeurs de ce début de siècle.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du groupe de Prospective du Sénat

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