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Les vaccins anti-cancer : une voie d'avenir

Des chercheurs français viennent d'identifier et de localiser un élément crucial de l'arsenal de plusieurs rétrovirus responsables de certains cancers. Publiés le 8 février, ces travaux, encore au stade de la recherche fondamentale, ouvrent la voie à des techniques vaccinales révolutionnaires.

Les rétrovirus oncogènes - impliqués dans le développement de tumeurs - disposent à leur surface, comme tous les rétrovirus, d'une protéine d'enveloppe aux propriétés physico-chimiques étonnantes. Celle-ci est capable de faire fusionner les membranes du virus avec celles de la cellule-cible. Ce mécanisme de fusion permet à l'agent pathogène d'entrer à l'intérieur de la cellule pour l'infecter.

L'étude des chercheurs de l'Institut Roussy (IGR) montre qu'outre cette faculté, la protéine d'enveloppe de ces rétrovirus possède des propriétés immunosuppressives : elle "éteint" le système immunitaire de la cellule-hôte pour rendre possible l'installation du virus et sa propagation dans l'organisme attaqué.

Pour faire cette démonstration, les auteurs de ces travaux ont étudié le MLV (murine leukemia virus), un rétrovirus très simple et responsable de leucémies chez la souris. D'abord, ils ont identifié les zones de la protéine d'enveloppe les plus probablement capables de supprimer l'immunité de l'hôte. "Ce genre d'opération peut désormais se faire grâce à la bio-informatique, par comparaison avec les domaines immunosuppresseurs identifiés chez d'autres virus", explique le virologue Christophe Terzian (Ecole pratique des hautes études), qui n'a pas participé à ces travaux et qui les juge "importants".

"Nous avons ensuite génétiquement modifié le virus MLV de manière à ce que sa protéine de membrane garde ses propriétés mécaniques de fusion avec la membrane des cellules-cibles, mais qu'elle perde ses fonctions d'immunosuppression", précise Thierry Heidmann, directeur de l'unité des rétrovirus endogènes (IGR, CNRS, université Paris-XI) et principal auteur de cette étude.

Les deux versions - mutante ou naturelle - du virus ont d'abord été inoculées à des souris privées de système immunitaire : celles-ci sont envahies par le virus, dans les deux cas. Preuve que le virus mutant, dont l'enveloppe a été modifiée, "fonctionne" correctement. Il est toujours capable de pénétrer dans les cellules de son hôte pour les infecter.

Mais lorsque les deux versions de l'agent pathogène sont administrées à des souris bien portantes, leurs effets respectifs sont totalement différents. La version naturelle du MLV infecte normalement son hôte et s'y installe durablement. Au contraire de la version modifiée, qui s'avère incapable de provoquer la moindre virémie, c'est-à-dire de se propager. Preuve que lorsque le MLV est privé de son arme anti-immunité, il est rapidement neutralisé par le système immunitaire de sa victime.

Les résultats obtenus par les chercheurs ne s'arrêtent pas là. Car une fois que le virus mutant a été inoculé à une souris, celle-ci se trouve ensuite "vaccinée", selon les auteurs de la publication, contre le virus qui circule dans la nature. Une vaccination qui se trouve en outre être particulièrement efficace puisque, dit M. Heidmann, "la réponse immunitaire est plus de dix fois supérieure lorsqu'on utilise ces protéines mutées à la place des protéines d'origine du virus".

Le MLV - qui s'attaque uniquement à la souris - n'est pas le seul rétrovirus à disposer de cette "arme secrète".

Deux autres rétrovirus impliqués dans la survenue de cancers chez l'homme - le HTLV (human T-cell leukemia virus) et le XMRV (xenotropic MLV-related virus) - se comportent de manière analogue.

Eux aussi disposent, à la surface de leur enveloppe, d'un arsenal immunosuppresseur semblable à celui du MLV. Le HTLV est endémique dans certaines régions du monde, notamment au Japon et dans les Caraïbes, et provoque chez une petite fraction - de l'ordre de quelques pour-cent - de la population touchée des leucémies foudroyantes de nombreuses années après la primo-infection. Quant au XMRV, il n'a été mis en évidence qu'en 2006 et est présent dans environ un quart des tumeurs de la prostate.

LM

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