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Edito : UMTS : Que d'occasions manquées !

Après sa grande réussite des années 1990 dans la téléphonie mobile avec le GSM, il est dommage que, depuis le début de ce nouveau siècle, l'Europe ait perdu la main et laisse passer les trains de l'avenir dans le domaine des télécommunications. Il en est ainsi de la directive européenne sur le Service Universel qui est actuellement en discussion devant le Parlement français, et qui va bientôt être inscrite dans notre droit. Malgré les demandes de la France, les autorités européennes ont refusé d'intégrer la téléphonie mobile et l'Internet à haut débit dans l'offre du Service Universel. Or, quand on sait que le Service Universel définit les services essentiels dont doivent disposer l'ensemble des européens dans les meilleurs délais, dans le domaine des télécoms, nous ressentons qu'une fois encore nous avons raté le coche. Certains me rétorqueront que les autorités américaines n'ont pas ressenti, elles aussi, la nécessité d'insérer la téléphonie mobile et l'Internet haut débit dans les « utilities » qui sont outre-atlantique l'équivalence de notre Service Universel. La raison en est simple. Le marché aux Etats-Unis induit une concurrence qui n'a pas son équivalent en Europe, où la plupart des grands pays sont encore dominés par les anciens opérateurs nationaux qui, il y a quelques années encore, disposaient d'un monopole. Aux Etats-Unis, un opérateur disparaît s'il ne fait pas bénéficier ses clients des derniers progrès, alors qu'en Europe, craignant beaucoup moins la concurrence, ces opérateurs dominants veulent amortir tous les investissements réalisés dans une technologie avant d'en utiliser largement une autre. Ainsi, l'Europe en est encore à l'époque de l'ADSL (il faut bien amortir les réseaux de cuivre...) et du GSM, alors que les américains (comme les pays d'Asie) voguent déjà, sans regret, vers le tout optique et la téléphonie mobile de 3ème génération qui va très vite permettre de proposer 10 mégabits/seconde sur tous les postes fixes, et 800 kilobits sur les postes mobiles (à comparer avec les 512 Kbt de l'actuel ADSL et les 30 Kbt de notre GSM...). Comme je le dis dans ces colonnes depuis plusieurs années, les fonctionnaires de Bruxelles ont tort de se laisser trop impressionner par les arguments des opérateurs dominants de notre Continent. C'est ainsi qu'ils avaient recommandé en 1999 et 2000 aux Etats membres de vendre aux plus offrants les fréquences UMTS. Nous savons maintenant les dégâts considérables qui ont été provoqués par ces enchères aberrantes. Dans la définition du Service Universel, bien que les conséquences ne soient pas immédiatement visibles, les dégâts seront de même nature. En effet ! Pourquoi faut-il insérer la téléphonie mobile et l'Internet haut débit dans l'offre du Service Universel ? Comme nous l'annonçons depuis plusieurs années dans @RT Flash, le téléphone vocal passe de plus en plus par Internet. Grâce aux hauts débits, c'est une solution qui va devenir de plus en plus opérationnelle. C'est aussi la solution la moins chère dès que des personnes veulent partager de longues conversations avec d'autres personnes éloignées. En n'incorporant pas le haut débit dans le Service Universel, l'Europe interdit aux personnes aux revenus personnels, par nature, plus modestes que ceux des entreprises qui sont de loin les plus nombreuses, de téléphoner loin et longtemps pour un moindre coût. Ce qui est incompatible avec la notion même de Service Universel ! Par ailleurs, en n'introduisant pas la téléphonie mobile dans le Service Universel, la Commission Européenne est incohérente avec elle-même. Comme je le disais, il y a quelques instants, la vente aux enchères des fréquences UMTS a lourdement plombé l'ensemble des télécommunications en Europe. En toute logique, les autorités européennes ayant incité à ces ventes qui ont coûté très cher à notre économie devraient tout mettre en oeuvre pour favoriser, par la réglementation qui est de son ressort, le déploiement de la téléphonie mobile. Cette démarche est d'autant plus incohérente que l'avenir de l'UMTS ne semble pas encore être assuré. Cette introduction de la téléphonie mobile dans le Service Universel aurait été d'autant plus pertinente que les opérateurs américains semblent avoir trouvé, dans ces derniers temps, l'application dominante (serait-ce enfin la Killer application tant recherchée ?) de GSM ou CDMA 3ème génération. Ainsi, ces opérateurs proposent de faire de l'UMTS le meilleur moyen de relier l'ordinateur portable de M. Toutlemonde au réseau Internet haut débit pour permettre des liaisons « wireless » bien plus efficaces que le Wi-Fi affirment-ils dans des publicités parues dernièrement aux USA. Ainsi, si cette démarche venait à être confirmée, l'UMTS, en tant que tel, abandonnerait son positionnement d'origine qui voulait lui faire remplacer le GSM, dans le vocal. Cette option était incohérente car d'un coût bien trop élevé (les terminaux coûtent encore entre 500 et 700 euros...). En voulant relier, à haut débit, tous les outils informatiques portables tels que les notebooks, tablet PC, ou autre handhelds qui se comptent déjà en plusieurs centaines de millions, les opérateurs de téléphonie mobile trouveront certainement, et beaucoup plus rapidement, des marchés lucratifs, alors qu'il faudra encore beaucoup de temps avant qu'un grand nombre d'utilisateurs « lambda » sachent se servir avec efficacité d'un terminal ressemblant à un téléphone pour naviguer avec plaisir sur la Toile. Il est indubitable que si l'Europe avait eu le courage d'introduire la téléphonie mobile et le haut débit dans le périmètre du Service Universel elle aurait incité les grands opérateurs à être plus audacieux et à utiliser plus rapidement un bien « virtuel » qui leur a coûté si cher. Au lieu de cela, ils pensent que les Européens peuvent continuer à se satisfaire du GSM et de son enfant naturel le GPRS qui a marqué leur heure de gloire dans les années 90. Comme c'est dommage !

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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