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Edito : Trouver de nouvelles voies pour inciter tous les pays du monde à lutter contre l'effet de serre

Le directeur de l'Agence Internationale de l'Energie (AIE), Claude Mandil, a récemment déclaré, dans le cadre d'une conférence de l'ONU sur l'effet de serre, que "tous les pays", notamment les Etats-Unis et les grands pays en développement, devraient participer à l'avenir à la lutte contre le changement climatique. Rappelant d'abord que le protocole de Kyoto était "l'un des rares sujets divisant les membres de l'Agence", M. Mandil a rappelé avec force que "Kyoto ou pas Kyoto, nous savons tous que nous devons aller bien au-delà des objectifs de réduction fixés dans le protocole". "A l'avenir, il faudra que tous les pays participent au processus (de réduction des émissions de gaz à effet de serre), nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas impliquer des acteurs importants". Parmi ces "acteurs", M. Mandil a cité les "pays de l'OCDE" (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) dans une allusion aux Etats-Unis qui ont rejeté Kyoto, les "pays en transition", dans une référence aux adversaires russes du protocole, et "les grands pays en développement comme la Chine et l'Inde". Le protocole de Kyoto impose aux seuls pays industriels, à l'horizon 2010, des pourcentages de réduction d'émissions réchauffant l'atmosphère. Il a été rejeté par les Etats-Unis et la Russie hésite à le ratifier. M. Mandil, faisant preuve de lucidité et d'imagination, a proposé qu'un nouvel accord climatique pour l'horizon 2015, qu'il s'inscrive ou non dans la ligne de Kyoto, fixe des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui soient indexés sur la croissance économique, ce qui réduirait leur coût d'application. Un prix maximal serait en outre fixé pour l'acquisition de droits d'émission, dans le cadre des échanges de quotas entre pays gros et faibles pollueurs. Enfin, les pays en développement pourraient négocier des objectifs non légalement contraignants, ce qui faciliterait leur participation. Nous pouvons tous constater depuis quelques années les effets de plus en plus catastrophiques liés à l'accélération du réchauffement climatique (les tempêtes historiques de fin 1999, la canicule extrême de 2003, les inondations récentes dans le Midi en sont quelques tristes exemples). Mais au niveau planétaire le pire, hélas, reste à venir. Le changement climatique est déjà à l'origine de 150.000 décès en l'an 2000, selon une étude parrainée par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Les catastrophes naturelles, causées pour la plupart par des phénomènes climatiques extrêmes, ont coûté plus de 60 milliards de dollars en 2003, contre 55 milliards en 2002. "Ces pertes économiques importantes font partie d'une tendance inquiétante liée au changement climatique", a estimé le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) dans sa dernière étude. Le PNUE souligne que la catastrophe la plus coûteuse a été la canicule de l'été en Europe qui, à elle seule, a occasionné des pertes évaluées à 10 milliards de dollars dans l'agriculture et coûté la vie à environ 20.000 personnes. Le document tente de cerner de manière exhaustive l'impact actuel et à venir des changements sans précédent du climat du globe sur la santé humaine. Il aborde notamment les impacts sanitaires de l'élévation d'environ 0,4 degré Celsius des températures depuis les années 1970, et les réponses à apporter par les pouvoirs publics pour surveiller cette évolution et la prévenir. Il relève que la fréquence des catastrophes naturelles a triplé dans la décennie 1990 par rapport aux années 1960. L'étude souligne aussi l'importance déterminante des changements climatiques dans l'extension de maladies infectieuses comme la malaria. Face à une telle situation, et si nous voulons limiter les effets ravageurs du réchauffement climatique sur nos économies et nos sociétés, il faut réfléchir à cette idée de lier les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et la croissance économique. Même si cela n'est pas populaire, il faut avoir le courage de dire à nos concitoyens que nous allons devoir modifier rapidement en profondeur nos modes de production et de consommation et plus largement nos modes de vie.

Dans cette perspective, les accords de Kyoto sont déjà dépassés et insuffisants avant même d'être entrés en vigueur. Comme le souligne M. Mandil, il est indispensable et vital pour l'avenir de notre planète de définir et de mettre en oeuvre, d'ici 2015, un accord global beaucoup plus ambitieux que Kyoto qui indexe les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur la croissance économique, et qui lie également de manière beaucoup plus contraignante la croissance économique au développement des énergies renouvelables. En ce qui concerne la France, la loi d'orientation sur l'énergie qui sera prochainement adoptée par le Parlement, indiquera clairement que l'objectif de la France est de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050. A plus court terme, le "plan climat 2003" qui va entrer en application est indispensable pour parvenir à l'objectif de Kyoto d'une stabilisation des émissions françaises de gaz à effet de serre à l'horizon 2010. En matière d'économies d'énergie, notre pays se fixe également l'objectif ambitieux de parvenir en 2015 à une consommation stable pour une croissance du PIB de 2 %. Le gouvernement veut aussi développer considérablement les énergies renouvelables. Il faut en effet dés à présent se donner les moyens d'aller plus loin que la directive européenne qui prévoit de porter à 21 % la consommation d'électricité produite à partir des énergies renouvelables en 2010. Toutes ces mesures sont indispensables car en France, le réchauffement se traduira probablement par une hausse moyenne de 3 à 4 degrés des températures et de 15 à 20 % des précipitations, selon Météo-France. Mais chacun comprend bien qu'un problème aussi global, aussi grave et aussi complexe que le réchauffement accéléré du climat doit être envisagé et combattu au niveau mondial. Cela suppose la définition et la mise en place d'un nouveau cadre juridique international et d'une véritable gouvernance mondiale qui puisse agir au nom de l'intérêt supérieur de l'Humanité. Face aux attitudes irresponsables et égoïstes de certains états et à des groupes de pression économique très puissants, il faut souhaiter qu'une durable pression des opinions publiques au niveau mondial conduise enfin les états à accepter l'idée d'une autorité mondiale dotée de larges pouvoirs en matière d'environnement. C'est à ce prix que nous pourrons peut-être limiter et maîtriser les conséquences à présent inévitables du réchauffement climatique pour notre planète.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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