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Transformer le gaz carbonique en hydrocarbures !

Sera-t-il un jour possible de transformer le gaz carbonique en hydrocarbures ? Oui, sans doute, si l'on en croit de récentes recherches. Le CO2, principal fauteur de réchauffement climatique - relâché en quantité dans l'atmosphère par les industries et les transports - serait alors autant de carburant potentiel...

Ce rêve est porté par un programme de recherche européen, Elcat (Electrocatalytic Gas-Phase Conversion of CO2 in Confined Catalysts), dont l'objectif est de maîtriser cette réaction convoitée de "réduction" du gaz carbonique - et ce avec un très faible apport énergétique.

Lancé fin 2004, le projet fédère quatre universités et instituts de recherche européens. Il a fait l'objet d'une première communication remarquée, mi-septembre à San Francisco, au congrès de l'American Chemical Society et, selon son coordinateur Gabriele Centi, professeur à l'université de Messine (Italie), il a soulevé "un grand intérêt", malgré son caractère très exploratoire. La raison de cet engouement est simple : la molécule de dioxyde de carbone est très stable et la faire réagir sans apport énergétique conséquent est singulièrement délicat.

"Le but ultime de ce travail est en quelque sorte de concevoir une cellule fonctionnant sur le même principe que la photosynthèse, c'est-à-dire capable d'utiliser l'énergie solaire et de l'eau pour transformer du dioxyde de carbone en produits utiles entrant dans la composition de nos carburants actuels", explique Gauthier Winé, chercheur au sein du groupe Carbures et nanostructures du Laboratoire des matériaux, surfaces et procédés pour la catalyse (LMSPC) de Strasbourg, associé au projet.

Un premier élément du dispositif repose sur l'utilisation de l'énergie solaire et d'un catalyseur à base de titane pour "craquer" la molécule d'eau et obtenir des électrons et des protons. Les deux produits de cette première réaction sont ensuite utilisés dans une deuxième étape pour réaliser la "réduction" proprement dite du CO2 en hydrocarbures. "Notre travail ne porte pas spécifiquement sur la première étape du processus, qui fait l'objet de nombreux travaux dans le monde, précise Julien Amadou, doctorant au LMSPC. Nous travaillons sur la seconde, qui concentre les difficultés et repose sur une approche absolument nouvelle."

Cette étape cruciale nécessite l'utilisation d'un autre catalyseur. Au contact de ce matériau - constitué de particules de platine - "le CO2 réagit avec les électrons et les protons pour se réduire en méthanol ou en alcanes" (méthane, butane, propane, etc.), explique M. Winé. Selon le chercheur, l'efficacité de la réaction est encore ténue : "Nous parvenons aujourd'hui à convertir 20 millilitres de gaz carbonique par minute, à température et pression ambiantes, ce qui est très intéressant du point de vue du bilan énergétique puisqu'il n'est pas nécessaire de chauffer ou de refroidir les réactifs", dit-il.

A l'avenir, les progrès réalisés dans la fabrication de nanotubes de carbone - qui sont le siège de la réaction, là où entrent en contact les réactifs et le catalyseur - devraient permettre d'améliorer la vitesse et le rendement du procédé. Ce recours aux nanotubes de carbone est nécessaire car il permet d'augmenter considérablement la surface de contact entre les différents ingrédients de la réaction et le catalyseur.

Des travaux sont également menés sur le catalyseur lui-même, pour en abaisser le coût et en accroître l'efficacité. "Nous utilisons aujourd'hui principalement du platine mais nous travaillons aussi à expérimenter d'autres métaux nobles, dit M. Amadou. En améliorant le catalyseur, on pourra augmenter la vitesse de passage du gaz dans la cellule."

Combien d'années de recherche en laboratoire seront-elles nécessaires pour que le processus puisse être mis en oeuvre par l'industrie ? "Cela dépend de nombreux facteurs, et en particulier de l'intérêt que manifesteront d'autres groupes de recherche et les industriels pour ce domaine très exploratoire où nous sommes aujourd'hui seuls, répond Gabriele Centi, coordinateur du projet. Mais pour rester réaliste, il faut compter au moins dix ans avant d'éventuelles applications à grande échelle."

LM

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