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Tendances suicidaires : l'imagerie médicale au service des médecins pour identifier les patients les plus fragiles

En France, plus de 200 000 personnes font une tentative de suicide chaque année et, malheureusement, 10 000 parviennent à leur fin. Existe-t-il un terrain neurologique identifiable à la vulnérabilité au suicide ? Peut-être, si l'on en croit les résultats d'une remarquable étude que vient de publier une équipe regroupant l'Inserm, le services de psychologie médicale de l'hôpital Lapeyronie de Montpellier et le King's College de Londres. Ces chercheurs viennent de mener la première étude d'imagerie fonctionnelle visant à explorer les dysfonctionnements du cerveau des personnes suicidaires.

Fabrice Jollant et son équipe ont comparé les activités cérébrales de trois groupes d'hommes présentant différents profils psychologiques. 13 volontaires avaient des antécédents de dépression et de tentative de suicide, 14 avaient vécu des épisodes de dépression mais sans volonté de passage à l'acte et enfin 16 personnes ne présentaient aucun trouble particulier.

Les chercheurs ont présenté à leurs cobayes des visages exprimant successivement de la joie et de la colère. Grâce aux techniques d'IRMf (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle), ils ont analysé l'effet de ces images sur le fonctionnement de certaines zones de leurs cerveaux.

Les résultats, présentés lors du colloque sur la recherche en psychiatrie organisé au Collège de France, suggèrent que les personnes suicidaires ont une manière différente de réagir aux stimulations. Chez eux, la vision de visages en colère provoque une activation beaucoup plus intense que chez les autres volontaires d'une zone particulière du cerveau appelée « cortex orbito-frontal » droit. A l'inverse, la vision de visages exprimant de la joie ne provoque qu'une faible activation d'une autre région de l'encéphale appelée « pariéto-occipitale ».

Pour le Docteur Jollant, ces images montrent que les personnes plus à risques de suicide présentent une « hypersensibilité à l'échec ». D'après lui, ils auraient également « du mal à réguler leur émotions, comme en témoigne le fait qu'ils n'activent pas le cortex cingulaire antérieur impliqué justement dans la régulation des émotions. ». Ils seraient en parallèle « moins sensibles aux stimulations positives » que le chercheur considère comme des facteurs protecteurs vis-à-vis du suicide.

En comparaison aux dépressifs non-suicidaires, les personnes qui ont fait des TS seraient ainsi « hypersensibles » à la réprobation et à l'échec, elles auraient plus de difficultés à réguler leurs émotions et seraient moins enclines à réagir à des évènements positifs. « Si on arrivait à détecter par imagerie les déprimés les plus vulnérables vis-à-vis d'un tel risque, on pourrait leur proposer des psychothérapies plus adaptées ou des traitements médicamenteux plus ciblés » explique Fabrice Jollant. Cette technique permettrait donc de proposer des traitements "sur mesure" et de les adapter en suivant l'évolution de la maladie.

90 % des personnes qui attentent à leurs jours ont un diagnostic de trouble psychiatrique : dépression et trouble de l'humeur, schizophrénie, abus d'alcool ou de drogues, troubles de la personnalité. « Il est donc certain que cette vulnérabilité comporte une très grande hétérogénéité et nous commençons tout juste à tenter de démêler cet écheveau très complexe », reconnaît le Docteur Jollant.

Comprendre, grâce à cette nouvelles approche, comment les interactions entre un terrain neurologique spécifique et une cascade d'événements de vie négatifs entraînent une vulnérabilité suffisante pour provoquer le passage à l'acte suicidaire pourrait permettre de prévenir plus efficacement de tels actes et constituerait une avancée majeure dans la prise en charge de ce problème médico-social aux conséquences humaines dramatiques.

Inserm

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