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Edito : La télévision de demain et la Loi

Ce que, certains parmi nous, annonçaient depuis bientôt 10 ans est maintenant arrivé. Nous pouvons dorénavant regarder la télévision sur notre ordinateur et nous pouvons même nous servir d'Internet pour téléphoner, pour le même coût, soit à notre voisin, soit à nos enfants qui sont à l'autre bout du monde.
Cette fusion, physique et culturelle, entre notre téléphone, notre téléviseur et notre ordinateur est indéniablement le fait majeur qui va le plus changer notre vie dans les prochaines années.
Il est grand temps que la loi prenne enfin en considération cette profonde mutation technologique. Cela nous permettra de prendre conscience qu'il nous faudra rendre notre démarche, encore plus réaliste, et ce dès ces prochains mois.

L'une des plus grandes avancées apportée par la nouvelle loi est d'effacer définitivement l'exception française initiée au début des années 1980 avec la création de Canal +, le ratage volontaire du plan câble et le lancement des fameux satellites TDF de télédiffusion directe.

Nous payons encore très cher et nous paierons encore longtemps le fait qu'à cette époque notre pays n'ait pas su construire, comme l'ont fait les autres grandes démocraties, un réseau câblé qui dans toutes les villes et villages de France aurait doublé le réseau cuivré de l'opérateur national, France Telecom. 100 % des Belges, plus de 90 % des Allemands, plus de 80 % des Américains ont ainsi 2 prises à leur domicile : celle du téléphone et celle du câble.
Au moment où ces deux technologies se fondent en un seul ensemble pour nous apporter les mêmes services, chacun d'entre nous peut prendre conscience de l'avantage discriminant dont dispose celui qui peut se servir de deux structures physiques totalement différentes donc fondamentalement en concurrence.
Cette concurrence est réelle et donc rassurante. Nous ne pouvons pas, malheureusement, éprouver la même quiétude quand la concurrence ne s'exerce que par les services comme c'est le cas actuellement avec le dégroupage utilisant la technologie ADSL. D'autant moins rassurés que le propriétaire du réseau physique est en même temps l'un des compétiteurs dans ces nouveaux services...
Ainsi, le partage léonin qui avait été malheureusement confirmé par la loi au début des années 1980, entre France Telecom et Canal +, d'une part et les câblo-opérateurs d'autre part, devrait maintenant être oublié.
Le câble, après un passage au purgatoire qui aura duré près de 20 ans, va enfin entrer dans le droit commun des télécommunications et de l'audiovisuel.
Du régime de la double autorisation il va passer à celui de la simple déclaration. Le plafond interdisant les regroupements des câblo-opérateurs si leurs clientèles potentielles dépassaient les 8 millions d'habitants ainsi que le monopole de TDF appartiennent maintenant au passé.
En contrepartie, si les opérateurs du câble demandent une parfaite considération des collectivités locales, ce qui leur est nécessaire pour envisager l'avenir, il leur faudra aussi accepter, sans réticences, le dégroupage sur leur réseaux dans le respect, bien entendu, des contraintes économiques singulières auxquelles ils sont soumis.
En effet, ils disposeront dorénavant sur leurs réseaux des mêmes droits dont dispose France Telecom sur le sien. Il est équitable qu'ils soient soumis aux mêmes obligations.
Les trois maîtres-mots qui soutiennent le texte qui nous est soumis aujourd'hui sont cohérence, concurrence, convergence.
Pour atteindre ces objectifs, louables et oh combien nécessaires, les pouvoirs publics doivent dorénavant respecter une stricte neutralité technologique.
En effet, alors que maintenant nous pouvons recevoir la télévision non seulement par voie hertzienne ou par satellite mais aussi par le câble, par le téléphone et même par radio avec le Wi-Fi et demain le WI-max, l'Etat ne peut plus marquer ses préférences ou éventuellement sa défiance envers une nouvelle technologie à laquelle certaines industries promettaient le plus bel avenir : je veux parler de la TNT (Télévision numérique terrestre). Si cette technologie est si séduisante, laissons les entrepreneurs privés mener à bien, avec des financements privés, la mise en place de ce nouveau réseau de distribution de la télévision. Il serait dorénavant inopportun que des avantages particuliers soient octroyés à cette technologie non convergente par les pouvoirs publics.
Pour aller jusqu'au bout de cette nécessaire recherche de la neutralité technologique, il est dommage que certaines scories du passé n'aient pu être balayées.
Ainsi, par souci de cohérence et de transparence, il est proposé, ce que j'approuve, que le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) ait dorénavant une pleine compétence sur l'ensemble des services audiovisuels même quand ceux-ci parviennent au téléspectateur (au PC-spectateur devrais-je dire !) par la voie d'Internet.
En contrepartie, vous affirmez avec force que l'ART (Autorité de régulation des télécommunications) va voir ses pouvoirs élargis à la régulation de tous les réseaux physiques qui permettront non seulement l'accès au téléphone et à Internet mais aussi à la télévision comme les réseaux cuivres de France Telecom mais aussi les réseaux câblés.
Mais pourquoi ne pas y avoir incorporé les réseaux hertziens de télédistribution et les avoir laissés sous l'autorité du CSA. Notre Conseil supérieur aura déjà beaucoup à faire avec les contenus. Pourquoi lui avoir laissé la gestion des tuyaux, politiquement les plus sensibles. Il y a là une incohérence que ne va pas dans le sens d'une nécessaire convergence.
Parmi les éléments qu'il nous faudra faire évoluer sans retard sera celui de la redevance audiovisuelle.
En effet, alors que les programmes de télévisions sont dorénavant accessibles sur notre ordinateur personnel et qu'ils le seront demain sur notre téléphone portable avec l'UMTS et même sur notre ordinateur portable grâce au Wi-Fi et bientôt grâce au Wi-max, il ne sera bientôt plus possible de demander à un foyer disposant d'un téléviseur de payer la redevance et de ne rien demander à celui qui disposerait d'un ordinateur et d'une installation de home-cinema, en ayant eu la précaution de se débarrasser de son téléviseur. Cette situation serait injuste donc intenable. Il nous faudra donc traiter ce problème sans retard.
Il va nous falloir prendre des décisions réalistes et applicables.
La société de l'information est une société globale, ce qui signifie que malgré nous, notre audiovisuel va devoir être conforme à la règle commune européenne. Si nous voulons conserver une identité culturelle dans ce domaine de l'audiovisuel, il nous faudra donner au CSA des outils qui resteront efficaces dans ce monde ouvert. En effet, nous quittons la courte portée des émetteurs hertziens et le lourd ticket d'entrée de la diffusion satellitaire pour nous soumettre au protocole universel d'Internet, accessible à tous, au moindre coût.
Ceci signifie qu'il ne sera plus suffisant d'abaisser un interrupteur pour arrêter la diffusion d'un programme de télévision. Ces images se mêleront dorénavant à des milliards d'autres nous parvenant de tous les sites Internet du monde entier. C'est donc tout un nouveau droit particulièrement subtil qu'il va nous falloir mettre en place dans ce monde de réseaux alors que la télévision de mass (mass media), telle que nous la connaissons encore aujourd'hui, reste la plus belle illustration, encore vivante, de cette société pyramidale que nous sommes en train de quitter... mouvement fondamental dont beaucoup n'ont pas encore pris conscience.
Il y a un autre secteur qui doit retenir toute notre attention : c'est celui de la radio.
En effet, avec la totale marchandisation des télévisions commerciales soumises à la dictature de l'audimat, la radio est indubitablement appelée à un nouvel avenir. N'utilisant qu'un seul de nos sens, l'ouïe, et n'accaparant pas l'œil comme le fait la télévision, et n'étant pas incompatible avec la disponibilité visuelle qu'exigent les déplacements, la radio s'adapte parfaitement au nomadisme qui se développe rapidement dans nos sociétés modernes.
De plus, pour des coûts modiques, elle permet à chacun d'accéder instantanément non seulement à l'information globale mais aussi à l'information de proximité.
Or, depuis bientôt deux décennies, la radio est mal traitée dans notre pays. Depuis la mise en place de la FM et des radios locales aucun progrès notable n'a été accompli alors que, dans le même temps, les technologies ont pourtant fait des progrès extraordinaires. La bande FM est maintenant saturée. Dès que nous nous éloignons des grandes villes, il y a de trop nombreuses stations que nous ne pouvons plus écouter. Par ailleurs, nous sommes l'un des pays à avoir totalement abandonné la bande des ondes moyennes alors que là aussi des progrès technologiques en permettent une bien meilleure diffusion.
Il nous faut réagir très vite face à cette situation car la généralisation de la numérisation de la radio va dorénavant faire évoluer très rapidement les usages. Demain avec la généralisation de l'UMTS et des technologies nouvelles comme le Wi-Max mais aussi avec le lancement de nouveaux satellites vont apparaître de nouveaux terminaux numériques portables et de bonne qualité audio et ce pour des coûts accessibles au plus grand nombre.
Il nous faut nous préparer à cette nouvelle révolution des usages dans le domaine de la radio car il ne faudrait pas que dans quelques courtes années les milliers de stations de notre bande FM soient mises devant cette situation nouvelle sans avoir été incitées à s'y préparer.
Oui, c'est à une véritable révolution à laquelle nous assistons et à laquelle nous sommes invités à participer.
Nous entrons dans une société globale où chacun d'entre nous peut accéder à l'information et recevoir des programmes audiovisuels quel que soit l'endroit où il se trouve. Mais plus encore, chacun de nos concitoyens tient à conserver toutes ses capacités de producteur dans cette économie nouvelle quel que soit l'endroit où il se trouve. Elle est finie la notion de propriété terrienne, d'usine ou de bureaux pour réaliser pleinement sa mission de producteur dans une société qui appuie l'ensemble de son activité sur la valeur ajoutée. Demain, chacun exigera de rester aussi efficace dans l'économie du futur qu'il soit chez lui ou en déplacement.
Ces nouvelles exigences de nos concitoyens pour un nomadisme total et efficace qui vont devenir, dès ces prochaines années, de plus en plus pressantes, doivent être placées en toile de fond de l'ensemble de nos réflexions.
Il nous faut non seulement constater cette convergence maintenant réalisée au niveau des trois technologies essentielles que sont les télécoms, l'informatique et l'image mais aussi tout entreprendre pour qu'une nécessaire et réelle concurrence s'établisse enfin dans ce secteur vital.
En effet, ce n'est que grâce à cette concurrence que notre pays pourra enfin rattraper ce regrettable retard dans ce domaine majeur de la communication en réseau qui sera si nécessaire à tous les français pour qu'ils tiennent haute leur place dans le monde de demain.


Nota : Cet édito reprend l'essentiel de l'intervention de René TREGOUET devant le Sénat le 13 Avril dernier lors de la discussion générale de la Loi sur les Communications Electroniques.

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