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Edito : La téléportation d'un rayon laser conforte la physique quantique et ouvre la voie vers l'ordinateur quantique

Pour la première fois, une équipe scientifique australienne et européenne, a réussi à téléporter de la lumière. Cette grande première, annoncée la semaine dernière, vient d'être réalisée avec succès par une équipe de l'université nationale australienne à Canberra. Pour cette expérience, l'équipe, qui inclut également des Européens, a " scanné " un rayon laser dans lequel elle avait introduit un élément d'information, un signal radio, puis a détruit ce rayon laser, ne laissant subsister que le signal radio, qui a été envoyé sur une station de réception située un mètre plus loin. Neuf nanosecondes (neuf milliardièmes de secondes) plus tard, a expliqué le responsable de l'équipe, le physicien australien d'origine chinoise Ping Koy Lam, la station a reçu la réplique exacte du rayon laser, signal radio inclus. Pour parvenir à ce résultat, les scientifiques sont partis des principes de la mécanique quantique, la physique du monde sub-atomique, en particulier d'un article d'Einstein, Podolski et Rosenberg (EPR) qui raconte une expérience, impossible à réaliser en 1935 et dans laquelle des particules agissent l'une sur l'autre instantanément et à distance. selon eux grâce à des entités cachées assurant une liaison entre les particules. En 1978 l'équipe d'Alain Aspect, à l'université d'Orsay, fut la première à montrer, par une superbe expérience restée dans les annales de la physique, l'erreur d'Einstein. En observant le comportement de paires de photons issus d'une même source, l'équipe d'Aspect démontra que ces photons interagissaient bel et bien à grande distance, mais sans l'aide d'aucune entité, ou "variable" cachée. Cette expérience remarquable venait valider de manière rigoureuse la théorie quantique et montrait que deux particules qui ont interagi à un moment conserveront un lien, quelle que soit la distance qui les sépare. Ainsi, si l'on modifie la polarisation d'une particule (son orientation électromagnétique), une particule jumelle, issue de la même source, mais désormais située à un mètre ou à des milliers de kilomètres subira instantanément la même modification. Partant de ce constat il devait être possible d'utiliser ce principe de non-séparabilité pour tenter une téléportation de particules. Il y a cinq ans, des physiciens de l'université d'Innsbruck en Autriche et de l'université de Rome avaient déjà réussi à téléporter un photon, la particule élémentaire qui constitue la lumière, sur des milliers de kilomètres. Dans l'expérience australienne, ce n'est pas un photon, mais des milliards qui ont été instantanément transportés. De là à envisager de téléporter bientôt un objet ou un être vivant il y a cependant un gouffre technologique qui n'est pas prêt d'être franchi car, comme le souligne Ping Koy Lam, "la complexité d'une téléportation croit de façon exponentielle avec la taille de l'objet à téléporter et dans ces conditions, compte tenu du nombre d'atomes dans un être humain, je pense qu'il faudra des siècles avant que nous puissions sérieusement envisager de nous téléporter et d'arriver à destination en un seul morceau." Mais comme le souligne Ping Koy Lam « Le but de ces expériences, est d'abord de démontrer que la mécanique quantique fonctionne. Selon Ping Koy Lam. L'enjeu véritable de ces recherches est la mise au point d'ordinateurs quantiques. En utilisant ce principe de la téléportation pour transporter de l'information, les machines deviendraient des milliers de fois plus puissantes et rapides que les processeurs électroniques qui utilisent une logique binaire. Les géants de l'informatique comme IBM poursuivent activement les recherches pour mettre au point des puces quantiques, première étape vers un ordinateur quantique dont la puissance de calcul serait inimaginable. A plus court terme, ces recherches pourraient aussi déboucher sur des méthodes de cryptographie quantique totalement inviolable car toute tentative de d'interception du message ainsi codé entraînerait sa destruction immédiate. La beauté de cette expérience souligne Ping Koy Lam est qu'elle ne viole pas le principe d'indétermination d'Heinsenberg (qui stipule qu'on ne peut connaître en même temps, de manière précise, la vitesse et la position d'une particule), une des clés de voûte théorique de la physique quantique formulée en 1927. La prochaine étape va maintenant consister à téléporter un atome complet. L'expérience australienne confirme à nouveau la validité théorique de la physique quantique et montre aussi que les étranges propriétés du monde quantique, qui régissent l'univers au niveau des particules, ne sont pas seulement des curiosités théoriques et abstraites mais peuvent être maîtrisées et utilisées de manière à révolutionner demain de nombreux domaines scientifiques et techniques et notamment l'informatique et les télécommunications. Cette expérience démontre enfin à quel point il est important, en matière de recherche scientifique, de concevoir recherche fondamentale et recherche appliquée comme un tout indissociable et synergique, sans négliger l'une au profit de l'autre. Plus que jamais c'est bien du dialogue fécond entre nouveaux concepts et nouveaux outils expérimentaux, et entre disciplines trop longtemps cloisonnées, que surgiront les grandes innovations et découvertes de demain.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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