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La technologie contre les pirates de l'air

Techniquement, on est capable aujourd'hui de faire décoller, voler et atterrir un avion de ligne sans aucune intervention humaine, en passant directement des commandes au FMS (Flight Management System), c'est-à-dire à l'ordinateur de bord qui équipe quasiment tous les appareils modernes. En cas d'attaque terroriste, les contrôleurs aériens auraient ainsi la possibilité d'imposer à l'avion, une altitude de vol, un cap, une vitesse mais aussi le suivi de son plan de vol ou l'exécution d'une manoeuvre telle que l'atterrissage. L'alerte, qui déclencherait ce pilotage téléguidé depuis le sol, pourrait être donnée soit par l'équipage lui-même, soit par un dispositif de surveillance permanent du trafic aérien, chargé de détecter toute intrusion dans un périmètre de sécurité autour de zones sensibles. Dans les deux cas, l'avion échapperait entièrement au contrôle des pirates et serait rapatrié vers un aéroport de secours. Séduisante sur le papier, cette solution soulève, en pratique, bon nombre de difficultés. Même si l'avion devient indétournable, rien n'empêcherait les terroristes d'exercer un chantage en menaçant de faire exploser l'avion en vol ou en s'en prenant directement à l'équipage ou aux voyageurs. L'éventualité de perdre la maîtrise de l'appareil risque, en outre, d'inciter les commandos à agir en amont, en investissant les centres de contrôles pour détourner les avions depuis le sol, ce qui ne ferait que déplacer le problème... Ce scénario catastrophe pourrait également se produire si le service connexion, mis au point par Boeing pour doter les avions de ligne de liaisons Internet haut débit destinée aux passagers, sert un jour à piloter à distance un avion détourné, comme l'a proposé le président américain George W. Bush, le 27 septembre 2001. Vu qu'aucun système n'est sécurisé à 100 %, un pirate informatique astucieux pourrait dès lors s'introduire sur la fréquence de l'avion via Internet et en prendre le contrôle sans violence. Tout l'enjeu est d'assurer une interface homme-machine optimale dans des situations où les opérateurs humains sont en état de stress ou à la limite de leurs capacités. On en est encore loin... Face à tous ces aléas, la société Thales (ex-Thomson CSF) a préféré opter pour des solutions techniques susceptibles d'aider l'équipage à éviter le détournement de l'avion plutôt qu'à se passer de lui. Le rêve de l'avion sans pilote ne séduit pas l'équipementier français, même pour faire face à des situations d'urgence comme un acte de piraterie. Le système de gestion de vol ADS-C (Automatic Dependent Surveillance-Contract), déjà opérationnel dans une quinzaine d'aéroports dans le monde (Lyon-Saint-Exupéry et prochainement Roissy-Charles-de-Gaulle), permet, par exemple, d'assurer un contrôle permanent de la trajectoire de l'avion depuis le sol. Si l'appareil dévie du plan de vol, le contrôle aérien est immédiatement alerté. D'ici à cinq ans, lorsque les procédures auront été certifiées, l'équipage aura même la possibilité de transmettre les commandes de l'avion au FMS pour le faire atterrir vers un aéroport de secours en suivant un plan de vol préprogrammé. Mais contrairement aux solutions évoquées plus haut, le pilote pourra reprendre les commandes à tout moment. Autre innovation majeure, Thales va proposer incessamment un transpondeur (appareil qui permet à l'avion d'être identifié par la tour de contrôle) entièrement sécurisé : impossible - en principe - à d'éventuels terroristes de le désactiver, comme ce fut le cas le 11 septembre, et de faire disparaître l'avion des écrans. Cela dit même lorsqu'un transpondeur est hors service, l'aéronef reste quand même sous l'oeil des radars militaires. C'est d'ailleurs ce qui a permis aux Américains de reconstituer, malheureusement après coup, la trajectoire exacte des quatre avions détournés sur Washington et Manhattan. Enfin, à l'horizon 2006-2007, le concept du « couloir d'atterrissage » proposé par Thales, dérivé des systèmes anticollision au sol (GCAS), interdira à l'avion qui en est équipé de descendre en dessous d'une altitude dite de sécurité, sauf lorsqu'il se trouve en phase d'approche sur une piste autorisée . Avec un tel système, aucun des quatre avions détournés le 11 septembre n'aurait pu s'écraser sur leurs cibles. Mais quel que soit le bénéfice que l'on peut en attendre en termes de sûreté, le recours à ces technologies ne pourra se faire sans une négociation préalable avec les pilotes et les contrôleurs aériens. Ces derniers accepteront-ils si facilement de se défaire d'une partie de leurs responsabilités au profit de machines, si perfectionnées soient-elles ?

Figaro : http://www.lefigaro.fr/sciences/20020909.FIG0022.html

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