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Tabac : les mystères de la dépendance

Le tabac tue. Massivement. Il est responsable de 5 millions de décès dans le monde dont 66 000 en France. De cancer - un décès par cancer sur trois est imputable à la cigarette - mais aussi d'infarctus du myocarde et de mort subite. Sans parler de tous ses dommages collatéraux, insuffisance respiratoire, bronchite chronique, hypertension artérielle, artérite, impuissance, etc. Mais les fumeurs s'agacent lorsqu'on leur assène de telles vérités. Pourtant, de plus en plus aimeraient s'arrêter. Mais beaucoup l'ont fait sans réel succès, du moins les premières fois.

Dans ce contexte, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) et la Mutuelle générale de l'Education nationale (MGEN) ont demandé à l'Inserm deux expertises collectives complémentaires sur le thème du tabac. La première «Comprendre la dépendance pour agir» et la seconde «Tabagisme : prise en charge chez les étudiants».

Avec 14 millions de fumeurs adultes dont 12 millions de réguliers - 33% d'hommes et 26% de femmes -, la dépendance au tabac reste un problème majeur dans notre pays. Et, chez les jeunes, c'est encore pire, la France se situe dans le peloton de tête des nicotinomaniaques. Le pourcentage de jeunes fumeurs quotidiens est passé en moins de dix ans, de 1993 à 1999, de 18% à 30% chez les garçons de 18 ans et de 24% à 32% chez les filles.

Or, Ivan Berlin, pharmacologue à la Salpêtrière à Paris, l'a souligné et c'est une notion récente, «plus l'initiation au tabac est précoce, plus grands sont les risques de devenir dépendant à l'âge adulte et d'éprouver des difficultés pour arrêter».

«Il suffit de deux cigarettes par jour durant quelques mois pour induire une dépendance chez l'adolescent», lâche Didier Jayle, le président de la MILDT qui décrit la cigarette comme une substance à la fois idéalisée, mais redoutable. Or ni les adolescents, ni leurs parents ou leurs proches n'en ont conscience. «Pourtant, c'est le moment où les jeunes, en dépit de leurs manifestations affirmées d'indépendance, attendent qu'on les protège.» C'est dire l'importance de les sensibiliser très tôt, par des programmes de prévention bien ciblé, en milieu scolaire et universitaire.

Et, contrairement aux idées reçues, un grand nombre de jeunes fumeurs éprouve l'envie de s'arrêter, mais les trois quarts échouent dans leurs tentatives en dépit des timbres et autres substituts nicotiniques disponibles sur le marché, mais encore fort coûteux. Mais la nicotine n'explique pas tout dans les mécanismes de la dépendance. La fumée du tabac contient des milliers d'agents d'aromatisation - ammoniaque, eugénol, pyrazines, réglisse, sucres, miel, menthol - dont plusieurs pourraient contribuer à l'installation ou au maintien de la dépendance. «Je crois que les fabricants de cigarettes en savent beaucoup plus que nous sur ce sujet», reconnaît, un brin sarcastique, Didier Jayle. Mais ils refusent de donner la composition exacte de leurs produits : secret industriel, plaident-ils.

En fait, le tabac est extrêmement addictif chez certaines personnes. «Il ressemble à l'héroïne, la cocaïne, l'alcool qui déclenchent des processus de satisfaction, puis de compulsion avec, très vite, une incapacité à s'arrêter», explique le neurobiologiste Jean-Pol Tassin, du Collège de France. Des données récentes montrent que tous ces produits augmentent la libération de dopamine dans une zone du cerveau, le noyau accumbens, impliquée dans le «circuit de la récompense». Ces substances, en stimulant ce noyau cérébral, induisent une sensation de satisfaction. Pour mieux comprendre ces mécanismes complexes, il faudrait étudier de manière approfondie l'action de la nicotine sur les différents systèmes neuromodulateurs (dopamine, noradrénaline, sérotonine) recommandent les experts.

En attendant les résultats de tels travaux, forcément très complexes, ils plaident, pragmatiques, pour des recherches sur la durée et la dose optimale des traitements à base de substituts nicotiniques capables d'installer un sevrage durable. Car, trop souvent, les personnes désirant s'arrêter utilisent des doses inférieures à leurs besoins et pour des durées trop courtes.

Figaro :

http://www.lefigaro.fr/sciences/20040211.FIG0123.html

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