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Le spermatozoïde transgénique va-t-il rendre le clonage obsolète ?

Le spermatozoïde nouveau est né, à Honolulu. Un spermatozoïde transgénique, pionnier de sa catégorie. Voici que débarque une cellule sexuelle, mâle en l'occurrence: un spermatozoïde de souris doté d'un gène de plante. Introduit dans un ovule, il produit un souriceau transgénique, porteur de ce nouveau caractère végétal. La prouesse aurait de quoi attiser les débats sur les limites sans cesse repoussées de la manipulation de la reproduction animale, voire humaine. Cependant, l'article publié cette semaine dans l'hebdomadaire américain Science par Ryuzo Yanagimachi et ses collègues n'incite guère aux états d'âme. Leur "super spermatozoïde" a été conçu avant tout comme un "nouvel outil" prometteur, pour la production de bétail transgénique. Depuis vingt ans, ce créneau d'élevage fait rêver la médecine et les firmes de biotechnologies. Déjà, quelques labos dans le monde s'enorgueillissent d'un petit cheptel de brebis et chèvres transgéniques sécrétant des protéines humaines médicamenteuses dans leur lait, contre la mucoviscidose ou l'infarctus. Mais leurs "récoltes" sont encore notablement maigres. Faute d'une technique efficace permettant de modifier en routine le patrimoine génétique de centaines de caprins, ovins et bovins, le secteur peine à passer à la phase industrielle. Le spermatozoïde transgénique d'Hawaii se promet de l'y propulser. Ce que démontre Ryuzo Yanagimachi, sommité mondiale de la recherche en biologie de la reproduction, c'est qu'un spermatozoïde dont la membrane est déchirée peut "attraper" un gène étranger présent dans son environnement et devenir ainsi "transgénique", de quoi faire rêver les chercheurs qui tentent de fabriquer du bétail transgénique. Avec la technique utilisée jusqu'ici, leur taux de succès est plutôt de l'ordre de quelques pour cent. Depuis la naissance du premier souriceau transgénique en 1974, elle reste, dans son principe, inchangée. Le gène étranger est tout simplement injecté, via une micro-pipette, dans le noyau d'un tout jeune embryon au stade une cellule (un ovule qui vient d'être fécondé). La méthode marche plutôt bien pour fabriquer des souris transgéniques, (environ 20 % de succès) mais échoue le plus souvent quand on passe aux gros mammifères. Question de qualité de l'ovule, souligne Yanagimachi. Transparent chez la souris, il est opaque chez le bétail, ce qui rend difficile le contrôle de l'injection du gène. "Ce sont ces échecs répétés qui ont suscité un tel engouement pour le clonage, note Bernard Jégou, spécialiste de la spermatogenèse à l'Inserm. Faute de pouvoir fabriquer à volonté du bétail transgénique, on imagine de "recopier" à l'infini un bovin ou ovin transgénique obtenu à grand peine." Ironie de l'histoire, la percée hawaiienne pourrait bien porter un coup singulier à la voie ouverte par la naissance de Dolly la brebis, premier clone d'adulte. "Si la technique marche aussi bien sur le bétail que sur la souris, estime Bernard Jégou, il est probable que les investissements - scientifiques et surtout financiers - sur le clonage d'adulte perdront une grande part de leur intensité." Le spermatozoïde transgénique, meilleur ennemi des clones ?

Libération/18/05/99 http://www.liberation.com/quotidien/semaine/990518marza.html

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