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Edito : Société de l'information : la France doit se réveiller !

Alors que notre pays se complaît volontiers dans l'autosatisfaction et pense être à la pointe des technologies de l'information, il est indispensable de lire les dernières et éclairantes études portant sur la comparaison internationale en matière de TIC.

Le dernier classement du World Economic Forum concernant les pays les plus avancés en matière de TIC confirme la suprématie des Etats Unis, qui retrouvent leur première place. En seconde position, on retrouve sans surprise Singapour et on trouve ensuite cinq pays du Nord de l'Europe, parmi les 10 pays en tête de ce classement : le Danemark, l'Islande, la Finlande, la Suède et le Royaume Uni. La Corée du Sud fait un bond de 10 places, passant de la 24ème à la 14ème place et devançant pour la première fois la France, qui occupe une lointaine 22ème place et le Japon qui passe de la 8ème à la 16ème place. Dans ce classement, notre pays régresse donc de la 20ème à la 22ème place et il est à présent talonné par l'Estonie, la Malaisie et le Portugal, qui poursuivent leur progression.

Le rapport de l'ONU, classe, pour sa part, 191 pays en fonction de différents critères tels que les services administratifs en ligne, sites gouvernementaux, monnaie électronique ou paiement en ligne. Ce rapport mesure pour chaque État l'avancement des technologies de l'information et leur utilisation pour améliorer l'accès aux services publics. Les Etats-Unis arrivent en tête du classement, suivis par le Danemark, la Suède, le Royaume-Uni et la Corée du Sud, qui devance les autres États asiatiques. À la 23e place mondiale, la France ne gagne qu'une place par rapport à 2004 et a encore de sérieux efforts à faire.

Il faut également évoquer le récent rapport Taubman du Taubman Center for Public Policy de Brown University. Ce rapport très complet a, pour sa part, analysé 1 797 sites gouvernementaux de 198 pays, et ce, durant les mois de juin et juillet 2005. Dans la cinquième édition de ce rapport annuel, on a attribué une note sur 100 points à chacun des pays en rapport à la présence de leur gouvernement en ligne. Plus de deux douzaines de critères différents incluent la disponibilité des coordonnées, des publications, des bases de données, les politiques de confidentialité, la sécurité et le nombre de services en ligne. Dans le palmarès mondial, les chercheurs ont attribué encore cette année les trois premières places à Taïwan (57,2 points), à Singapour (54,5) et aux États-Unis (50,5). Par contre, Hong Kong (46,2) a délogé le Canada (43,3) de sa quatrième position, soit un gain de sept rangs par rapport à 2004. La Chine, le Canada, l'Allemagne, l'Australie, l'Irlande (34e en 2004) et le Vatican (86e en 2004) figurent ensuite de la cinquième à la dixième position. Quant à la France, elle n'arrive qu'en 48ème position de ce classement, derrière le Portugal, la Bosnie et la République tchèque !

La société d'études IDC, réputée pour son sérieux, a passé, quant à elle, au crible, fin 2004, 53 pays pour déterminer leur taux d'équipement informatique, le développement de l'internet haut débit ou encore la pénétration des téléphones mobiles. Selon le classement 2004 établi par la société d'études IDC, baptisé Information Society Index (ISI), la Suède a perdu la première place qu'elle occupait depuis quatre ans. Elle est devancée cette année par un pays voisin, le Danemark. Ensuite, les Pays-Bas, la Finlande et la Norvège, qui avaient l'habitude de compléter le palmarès des cinq meilleures nations, se trouvent relégués respectivement à la sixième, septième et neuvième place. Ils ont été dépassés dans l'ordre par les États-Unis, la Suisse et le Canada. La Corée du Sud est huitième et le Royaume-Uni dixième, tandis que la France occupe une lointaine dix-neuvième place.

Enfin, il faut bien sûr évoquer le dernier rapport annuel de l'Idate révélé le 6 avril. Selon cette étude, la France, où le développement du haut débit a été parmi les plus importants ces dernières années, verra la progression du haut débit limitée à 70 % dans les cinq ans à venir, pour atteindre 17 millions d'abonnés en 2009 (27 % de la population). A cette échéance, l'Allemagne aura rattrapé la France en pourcentage de foyers abonnés et le Royaume-Uni sera loin devant la France puisque 22 millions de Britanniques (35 % de la population) seront abonnés au haut débit en 2009. En revanche, si les opérateurs misent d'abord sur la fibre optique directement jusqu'à l'abonné (FTTH), la France dépasserait des pays comparables comme le Royaume-Uni et l'Italie, déjà très avancée dans ce domaine, dans trois ans, avec 663.000 accès.

Ces rapports, même si les résultats et le classement des pays varient quelque peu à cause des différences de méthodologie et de critères, n'en restent pas moins remarquablement convergents sur trois points essentiels : en premier lieu, les Etats Unis n'ont plus le leadership absolu en matière de TIC. En second lieu, outre les USA, deux groupes de pays se disputent à présent les premières places en matière de compétitivité numérique mondiale : la triade asiatique Japon, Corée du Sud et Singapour et, dans le Nord de l'Europe, le Danemark, la Suède et la Finlande. Enfin, dernier enseignement, mais non le moindre, selon toutes ces études, la France stagne, ou même régresse, depuis plusieurs années dans cette implacable compétition numérique mondiale, se maintenant péniblement autour de la 20ème place !

Bien sûr, vu de l'intérieur de notre hexagone, nous pouvons avoir le sentiment, nous appuyant sur des données objectives, que notre pays a accompli depuis une dizaine d'années de gros efforts, tant en matière d'infrastructures que de développement public et privé des usages des technologies de l'information. Mais ce que nous n'avons pas vu c'est que, pendant le même temps, d'autres pays et notamment les pays asiatiques et scandinaves ont accompli un effort beaucoup plus important que nous pour accélérer leur mutation vers la société de l'information. Le résultat de cette évolution est qu'en dépit d'une progression réelle des TIC dans notre pays, le fossé numérique ne cesse de se creuser entre la France et ses voisins du nord de l'Europe et que, selon le dernier classement de l'ONU, notre pays n'arrive qu'au 10ème rang, parmi les 25 pays de l'UE.

Les causes de ce retard numérique français persistant sont multiples : absence de vision prospective et stratégique à long terme, insuffisance dramatique et croissante des investissements privés en matière de TIC, freins socio-culturels puissants qui ont été longtemps sous-estimés, etc... Je le dis avec force, si nous ne réagissons pas très vite à cette situation, nous serons, à la fin de cette décennie, définitivement exclus de la compétition numérique planétaire qui est à présent le moteur du développement économique.

C'est pourquoi je souhaite que le passage vers la société de l'information devienne un enjeu politique et démocratique majeur et soit au coeur du débat et des programmes politiques à l'occasion des prochaines échéances électorales capitales de 2007. Nous devons, au cours de ces cinq prochaines années, faire un effort sans précédent pour que la France se hisse dans le "Top Ten" des pays champions de l'économie et de l'administration numériques. Si nous ne prenons pas immédiatement conscience de cet enjeu, et si nous ne nous donnons pas les moyens de relever ce défi de société, la France connaîtra un inexorable et fatal déclin économique, social et politique.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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